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Le pari français de Vittorio Pavesio

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 24 février 2004                      Lien  
Publier directement en allemand, en anglais, en français et en italien dans un marché unifié par une même devise est-ce possible ? Oui, si on considère les gros éditeurs comme Dargaud, Glénat, Dupuis, Casterman ou Panini qui publient directement leur catalogue sous leur propre label dans différentes langues. En revanche, chez les petits éditeurs, si les tentatives sont récurrentes, elles réussissent rarement.

On sait que les éditeurs traditionnels du marché français publient directement en néerlandais, suivant en cela une bonne vieille tradition belge : Dargaud, Lombard, Dupuis, Casterman et Glénat. L’éditeur grenoblois publie aussi avec succès en Espagne, après avoir tâté, sans réussite marquante, les marchés italien et allemand. En Europe, Arboris en Hollande a tenté d’imposer son catalogue en quatre langues (néerlandais, allemand, français, danois). L’expérience avait tourné court. En Allemagne, avant qu’elle soit rachetée par Panini, la société Dino avait réussi à s’implanter en France avec la revue Simpsons, tandis que la société espagnole La Cupula s’aventura naguère à publier également en kiosque. Sans lendemain. Seule la société Panini implantée près de Nice en France mais dont le siège social est à Modène en Italie, a réussi jusqu’à présent à maintenir son catalogue, composé majoritairement de super-héros Marvel et de mangas, dans les marchés italien, français, allemand, français et même tchèque.

Une stratégie de développement qui rejoint une tradition

Pourtant, rien n’empêche aujourd’hui un éditeur européen de commercialiser ses produits dans toute l’Europe, bientôt élargie et cet exercice s’il est réussi, porte une vraie perspective de développement. Encore faudrait-il que nos éditeurs aient envie de se coltiner les us et les coutumes extra-hexagonales. C’est le pari que tente le jeune éditeur italien Vittorio Pavesio, venu s’installer en France au début 2004. Il renoue avec une tradition vieille comme les origines de la BD dans ce pays : rappelons-nous qu’avant la guerre, de jeunes éditeurs anti-fascistes comme Lottario Vecchi, Ettore Carozzo et Cino Del Duca étaient déjà venus révolutionner la BD française (Cf notre article « Des Bulles aux Fumetti »). Rappelons aussi tout ce qu’une certaine BD dite indépendante doit aux Italiens émigrés à Paris. Ne citons que Vertige Graphic animé par Giusti Zuccato ou encore le distributeur Le Comptoir des Indépendants (le diffuseur de l’Association), dirigé par Latino Imparato.

Un acteur significatif de l’édition italienne

Pour nos éditeurs français, Vittorio Pavesio n’est pas un inconnu. Depuis plusieurs années, il a publié dans la péninsule, au cours de ces dix dernières années, sous la forme d’albums cartonnés, des travaux comme “Les gardiens du Maser” de Massimiliano Frezzato, “Sky Doll” de Barbucci et Canepa, “Morgana” de Alberti et Enoch, “Sinkha” de Patrito, de même que les essais de Will Eisner, de Scott Mc Cloud, ou encore de Benoît Peeters. Pour sa diffusion, son choix s’est porté sur La Diff (qui diffuse Albin Michel ou les Humanos). Avant d’accepter, « ils ont étudié avec attention nos programmes éditoriaux et les auteurs de notre maison d’édition", explique Vittorio Pavesio. Quelques titres dont Ego Sum de Simon Bianchi sont déjà sur le marché. Un catalogue dédié aux BD d’action : « En septembre 2004, nous publierons le premier volume d’une saga de science-fiction plutôt surprenante : Mayapan. Armes automatiques, ordinateurs protéiformes, coutumes religieuses sanguinaires, terroristes impitoyables, coups d’état, espionnage, spectres technologiques... et des millions de douilles sur l’asphalte » raconteront une histoire de Mayas « comme vous ne les avez jamais imaginés ».

Une stratégie dictée par un marché trop étroit.

Le marché italien est trop étroit pour favoriser le financement de la création. C’est pourquoi Vittorio Pavesio a étendu son emprise sur des marchés où il peut devenir son propre décideur. Il commence par le marché le plus difficile, mais avec confiance : réussir en France est le premier pas vers une expansion européenne : « De nombreux auteurs italiens de grand talent travaillent en France, témoigne-t-il. Rien d’étonnant, c’est l’une des conséquences culturelles de l’unification de l’Europe. Nous sommes pour le développement d’une BD de qualité européenne, plus que nationale. Entrer dans une librairie en France est une expérience émouvante : le public est attentif, sélectif, curieux. Nous avons une grande admiration pour la vivacité culturelle des Français. »

Le modèle Panini

Mais n’est-ce pas là une stratégie risquée ? Agir si loin de ses propres bases nécessite un véritable effort conceptuel et logistique. « Panini a des bureaux en France ; nous aussi, réplique Vittorio Pavesio. Mais un seul, coordonné par M. Paul Laffont. Cela dit, Panini est une grande multinationale. Impossible de nous comparer à eux. Mais je reprends ce concept de maison d’édition européenne, avant d’être nationale, même si nous sommes conscients que travailler depuis l’Italie est un peu plus risqué que de le faire depuis la France. Nous ne sommes pas inquiets. Nous agissons avec prudence. Nous sommes une petite maison d’édition, mais très passionnée. Ce qui nous pousse en avant c’est l’amour de la bande dessinée.  »

Une opportunité pour les auteurs français ?

Reste que si ce label est une officine d’exportation des créateurs italiens, elle restera forcément fragile. En revanche, si elle s’ouvre aux créateurs français ou étrangers en s’appuyant sur leurs points forts pour porter des valeurs universelles, cette initiative pourrait bien être une sorte de pierre philosophale de la BD européenne.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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