On l’apprend par un éditorial de Hollywood Reporter, l’autorité américaine des droits d’auteur considère qu’une œuvre créée avec l’aide d’une IA est protégeable « sous certaines conditions ». En effet, les textes sont clairs : ne sont éligibles au copyright que les œuvres « produites par la création humaine ». Mais il y a des nuances...
Car, précise le bureau, à partir du moment où une œuvre produite par l’IA a été ensuite « modifiée ou réarrangée » par une action humaine, il s’agit d’une création protégée par le copyright. C’est en effet sur cette base que le premier comics américain, Zarya of the Dawn, constitué d’images issues d’une IA, a reçu son agrément. Mais, précise l’agence, si le réagencement est une œuvre de l’esprit, les images générées par l’IA, quant à elles, ne sont pas protégeables. Bonjour l’embrouillamini !
L’US Copyright Office a d’ailleurs décidé de lancer pour ce premier semestre une consultation avec des créateurs pour réfléchir à la question. Car elle n’est pas simple.
Qui fait la photo ?
Le parallèle est fait avec la photo, un argument apparu lors d’un procès en Cour d’appel : dans une photo, ou dans un film, l’image est le fait d’objets qui s’impriment sur un support où n’intervient pas une création humaine. Mais ce qui est protégeable, c’est « le regard » du photographe, capable de capter un instant, une lumière, une atmosphère, un agencement qui, eux, sont originaux et donc protégeables. Ainsi, une photo qui aurait été prise par un singe, selon cette chambre d’appel, ne serait pas protégeable car elle ne serait pas le fait d’un humain. C’est le cas pour un travail qui aurait été effectué par une IA sans l’intervention d’une quelconque personne.
Reste à savoir quel est le niveau de l’intervention de l’humain. Est-ce que le simple recours lui-même à une IA n’est pas en soi, une œuvre susceptible de protection ? Certains juristes avancent, qu’en ce cas, seule la part active de l’humain dans la création est protégeable, pas le reste. L’artiste se doit alors de justifier auprès de l’instance juridique en quoi son intervention a-t-elle modifié ou réarrangé l’œuvre produite.
Or, cette opération peut se faire en dehors de l’objet lui-même : souvenons-nous de la leçon administrée par Marcel Duchamp qui avait dénommé un de ses Ready-Made, un urinoir en porcelaine renversé : « Fontaine », laissant ainsi une trace dans l’Histoire de l’art.
Le procès Brancusi est encore venu apporter, si l’on ose dire, de l’eau au moulin de cette « fontaine » : le refus des autorités américaines, en 1927, de laisser entrer le sculpteur et son œuvre L’Oiseau dans l’espace sur le territoire des Etats-Unis sans acquitter la taxe exigée pour les marchandises d’importation, en lui déniant le statut d’œuvre d’art, fut l’objet d’un procès à l’administration gagné par l’artiste. La BD d’Arnaud Nebbache, Brancusi contre Etats-Unis (Dargaud), est venue magnifiquement illustrer cette anecdote, sans l’apport d’une IA !
D’où la nuance apportée par les juristes. À propos, Chat-GPT a-t-il fait partie du team qui ont rédigé leurs conclusions ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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