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Les Etats-Unis posent leurs conditions à l’Intelligence Artificielle pour pouvoir prétendre au droit d’auteur

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 mars 2023                      Lien  
D’aucuns la qualifient d’ « escroquerie », de « vol du travail des auteurs »… La plupart des créateurs s’inquiètent, à raison, de la répercussion de l’Intelligence Artificielle (IA) sur leur métier et imaginent les mesures à prendre pour la contrer. Le Bureau américain des Copyrights (U.S. Copyright Office) vient d’apporter sa contribution au débat en considérant qu’une œuvre créée avec l’IA peut prétendre à la protection du droit d’auteur sous certaines conditions. Lesquelles ?

On l’apprend par un éditorial de Hollywood Reporter, l’autorité américaine des droits d’auteur considère qu’une œuvre créée avec l’aide d’une IA est protégeable « sous certaines conditions ». En effet, les textes sont clairs : ne sont éligibles au copyright que les œuvres « produites par la création humaine ». Mais il y a des nuances...

Car, précise le bureau, à partir du moment où une œuvre produite par l’IA a été ensuite « modifiée ou réarrangée » par une action humaine, il s’agit d’une création protégée par le copyright. C’est en effet sur cette base que le premier comics américain, Zarya of the Dawn, constitué d’images issues d’une IA, a reçu son agrément. Mais, précise l’agence, si le réagencement est une œuvre de l’esprit, les images générées par l’IA, quant à elles, ne sont pas protégeables. Bonjour l’embrouillamini !

Les Etats-Unis posent leurs conditions à l'Intelligence Artificielle pour pouvoir prétendre au droit d'auteur
Marion Montaigne et Jean-Noël Lafargue avaient fait une BD sur le sujet de l’IA aux éditions du Lombard, sans intervention d’une IA !

L’US Copyright Office a d’ailleurs décidé de lancer pour ce premier semestre une consultation avec des créateurs pour réfléchir à la question. Car elle n’est pas simple.

Qui fait la photo ?

Le parallèle est fait avec la photo, un argument apparu lors d’un procès en Cour d’appel : dans une photo, ou dans un film, l’image est le fait d’objets qui s’impriment sur un support où n’intervient pas une création humaine. Mais ce qui est protégeable, c’est « le regard » du photographe, capable de capter un instant, une lumière, une atmosphère, un agencement qui, eux, sont originaux et donc protégeables. Ainsi, une photo qui aurait été prise par un singe, selon cette chambre d’appel, ne serait pas protégeable car elle ne serait pas le fait d’un humain. C’est le cas pour un travail qui aurait été effectué par une IA sans l’intervention d’une quelconque personne.

Medhi Ravine, le premier Français à avoir publié une BD entièrement conçue en IA : "Le Voyage à Ravine"
Photo : Kelian Nguyen

Reste à savoir quel est le niveau de l’intervention de l’humain. Est-ce que le simple recours lui-même à une IA n’est pas en soi, une œuvre susceptible de protection ? Certains juristes avancent, qu’en ce cas, seule la part active de l’humain dans la création est protégeable, pas le reste. L’artiste se doit alors de justifier auprès de l’instance juridique en quoi son intervention a-t-elle modifié ou réarrangé l’œuvre produite.

Or, cette opération peut se faire en dehors de l’objet lui-même : souvenons-nous de la leçon administrée par Marcel Duchamp qui avait dénommé un de ses Ready-Made, un urinoir en porcelaine renversé : « Fontaine », laissant ainsi une trace dans l’Histoire de l’art.

Le procès Brancusi est encore venu apporter, si l’on ose dire, de l’eau au moulin de cette « fontaine » : le refus des autorités américaines, en 1927, de laisser entrer le sculpteur et son œuvre L’Oiseau dans l’espace sur le territoire des Etats-Unis sans acquitter la taxe exigée pour les marchandises d’importation, en lui déniant le statut d’œuvre d’art, fut l’objet d’un procès à l’administration gagné par l’artiste. La BD d’Arnaud Nebbache, Brancusi contre Etats-Unis (Dargaud), est venue magnifiquement illustrer cette anecdote, sans l’apport d’une IA !

D’où la nuance apportée par les juristes. À propos, Chat-GPT a-t-il fait partie du team qui ont rédigé leurs conclusions ?

"Brancusi contre les Etats-Unis" par Arnaud Nebbache (Dargaud)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN : 9782205202342

En médaillon © U.S. Copyright Office

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4 Messages :
  • Il ne faut pas non plus oublier que le photographe qui capture un instant est "celui qui était là" pour le faire.
    Robert Doisneaux, fait partie de ce type de photgraphes.

    Pour beaucoup de photographes, c’est un aspect "magique" ou "mystique", on n’est pas loin de penser que l’univers vous a offert quelque chose, parmis les milliard de possibilité du hasard, vous étiez là en attente de l’instant, et cette instant s’est produit. ça rejoint ce que certains appellent "l’aspect quantique" de la conscience, qui attire à elle le monde auquel elle pense. C’est à dire que le monde/l’univers/la création, vous donne ce à quoi vous pensez. le monde est comme vous le pensez.
    Ce n’est pas différent avec les IA.
    Ce n’est pas forcement différent avec le dessin spontané, bien que la méthode la plus répandue pour obtenir un beau dessin, n’est pas d’y penser, mais plutot de faire des essais et des ratés, après lesquels on a une meilleure idée de ce qu’on veut voir en tant qu’oeuvre finale, selon les goûts et la perception de chacun.
    En celà, il n’y a pas beaucoup de différences avec les IA contemporaines, qui sont de moins en moins aléatoires dans leurs résultats, de plus en plus proches des "prompts" et autres instructions données par les IA-grapheurs, ce qui les rend d’ailleurs plus difficiles à utiliser pour celui qui cherche un résultat précis.

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    • Répondu le 19 mars 2023 à  22:30 :

      Le Baiser de Robert Doisneau est d’autant plus une œuvre d’art qu’on sait maintenant depuis longtemps qu’il a été prémédité et mis en scène par le photographe avec deux figurants. Ce n’était donc pas la capture d’un « instant quantique » pour parler comme vous le faites. Ou pour parler comme une IA, avant que l’image soit produite, il y avait un « prompt ».

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      • Répondu le 20 mars 2023 à  21:43 :

        ah... c’était donc truqué.... les photographes animaliers doivent surement faire ça aussi :-)
        vous avez bien compris pour l’ia ? Il y a un prompt, et on n’est pas dans le chaos fractale que semble vouloir faire admettre le copyright office américain. CQFD, merci.

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        • Répondu le 21 mars 2023 à  12:09 :

          Ce n’était pas plus truqué que la mise en scène d’un film de fiction.

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