C’est à la suite d’une tentative d’enlèvement et d’assassinat en plein jour que Taha Siddiqui, journaliste d’investigation pakistanais, décide de mettre les voiles. Lui qui s’est toujours battu pour la liberté de la presse et d’information ne s’est jamais interdit de mettre le doigt sur ce qui dérange. Au point de remporter, avec deux confrères français, le Prix Albert Londres en 2014. Mais quand l’autorité militaire du pays remonte jusqu’à lui, il n’a d’autre choix que de s’exiler à Paris avec sa famille où il fonde le Dissident Club : « Where Dissidents of the world meet. »
En racontant son histoire, certains lui ont proposé d’en faire une autobiographie. C’est finalement une BD qui voit le jour. « Mes amis ne le voyaient pas autrement tellement ce que je leur racontais était visuel » nous confie Taha Siddiqui lors du lancement de l’ouvrage dans l’écrin-même du Dissident Club.
De son enfance ballottée entre Pakistan et Arabie saoudite, à ses parents de plus en plus radicaux religieusement ou la police des mœurs qui rôde et fait régner sa loi, le jeune Taha puise dans ses souvenirs pour dérouler la construction d’une vocation et d’un militantisme.
« On présente mon combat comme un combat pour la liberté de la presse, c’est vrai. Mais mon vrai combat est pour la liberté dans la société en général. » continue-t-il avant que Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières ne prenne la parole : « C’est incroyable de voir à quel point le journalisme est une forme d’aboutissement et d’émancipation personnelle pour Taha et ça se ressent dans l’album. Mais c’est aussi un facteur d’émancipation pour ceux qui lisent des productions journalistiques comme pour ceux qui vivent le journalisme et je trouve ça très fort. »
Pour traduire ces événements souvent dramatiques sur près de 300 pages, Taha Siddiqui a travaillé avec l’auteur Hubert Maury, ancien diplomate ayant vécu et réalisé des BD sur le Pakistan. Grâce à son trait plus humoristique que réaliste, le dessinateur aborde un ton plus léger pour garder la lecture digeste, agréable mais par dessus tout captivante, dans la droite ligne d’un Arabe du Futur de Riad Sattouf (Allary) ou d’un Journal Inquiet d’Istanbul d’Ersin Karabulut (Dargaud).
« J’ai dû faire un travail d’adaptation en BD du récit de Taha, faire du tri avec lui et notre éditeur Franck Marguin. Mais il toujours existé une volonté commune à nous trois c’était que l’album ne soit pas trop lourd à la lecture, on ne voulait pas plomber l’album en tombant dans le pathos de trop. C’est aussi pour ça que le format BD est parfait, il nous permet des libertés incroyables », nous explique Hubert Maury avant de conclure : « Par exemple j’avais la lourde tâche de faire des personnes des personnages de BD. Alors je me suis amusé : avec la fratrie de Taha, les trois garçons je leur ai mis la même tête mais des tailles différentes pour faire un clin d’œil aux Dalton. Pareil pour le général pakistanais, je me suis inspiré du général Alcazar de Tintin. Mais ma chance c’est que Taha porte un chapeau, rien de mieux pour caractériser un personnage de BD. » (Rires).
Vous l’aurez compris, cet album fort et touchant l’est, tout en étant hilarant. Ce nouveau témoignage en BD se rajoute à la tendance actuelle mais apporte un angle inédit sur le Pakistan mais par dessus tout sur le métier de journaliste et sur la liberté d’expression, de conscience, de pratique, de culte… Une ode à la première valeur de la devise de la France, celle qui nous est la plus chère.
(par Kelian NGUYEN)
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Dissident Club - Par Taha Siddiqui & Hubert Maury - Ed. Glénat