Présente-t-on encore Yoshiharu Tsuge ? Certainement ! Car s’il s’agit de l’un des mangakas majeurs de la scène "auctoriale" de la BD japonaise, il n’était jusqu’à présent que peu diffusé en dehors du Japon et en particulier en France. Frédéric Hojlo vous en parlait en détail il y a quelques mois au moment de la sortie de L’Homme sans talent chez Atrabileart.
C’est maintenant Cornélius qui s’attelle à l’édition de ses œuvres à travers une anthologie chronologique de sa production. Le premier volume de celle-ci s’intéresse aux années 1967-1968, période au cours de laquelle celui qui avait débuté aux début des années 1960 dans la mythique revue Garo commence à acquérir une véritable reconnaissance.
Yoshiharu Tsuge est connu pour avoir amorcé et investi un pan avant-gardiste du manga, le watakushi manga ou bande dessinée du moi. Un genre dans lequel fiction et autobiographie s’enchevêtrent dans des récits matures et en quête d’authenticité. Et cela transpire dans dans les douze récits qui composent le volume.
Les premières nouvelles témoignent encore d’une forme d’ironie distante, voire grinçante : veillée funéraire perturbée par des malfrats malotrus, touristes pris au piège dans le désert ou encore point de vue d’une salamandre échouée dans les égouts. Mais rapidement la place est ménagée à un narrateur sensible et curieux qui témoigne directement de ses pensées et de ses sentiments.
Cela donne de très beaux moments de lecture comme dans "Paysage au bord de mer", "Les Gorges de Futamata" ou encre "Les Fleurs rouges" qui donne son titre au premier tome de cette anthologie. Pour autant, Yoshiharu Tsuge ne se départ pas d’une forme d’humour qui confère à sa narration une justesse de ton qui renforce le caractère authentique des expériences racontées.
L’anthologie proposée par Cornélius comptera sept volumes. Le deuxième, prévu pour août, concernera les années 1968-1972. Le premier, à couverture rigide et beau papier, est accompagné d’une postface du traducteur Léopold Dahan que l’on peut retrouver ici et de notes contextuelles de qualité. Un bel ouvrage, inscrit dans un projet patrimonial d’importance.
(par Aurélien Pigeat)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Les Fleurs rouges. Par Yoshiharu Tsuge. Traduction Léopold Dahan. Cornélius. Sortie le 07 février 2019. 264 pages. 25,50 euros.