Les Lectures érotiques d’une étudiante – Par Jake – Hot Manga

Les Lectures érotiques d’une étudiante est un album publié originellement au Japon en 2019 par l’éditeur Issuisya. À notre connaissance, seul un album de cet éditeur nippon a été traduit ces dernières années en langue française : il s’agissait en 2021 de Femme brûlante, mère aimante de Ohsaka Minami chez l’éditeur Hot Manga.

Avec ce nouveau manga érotique, l’artiste Jake (dont il s’agit de la première œuvre à nous parvenir) propose un recueil de neuf histoires composées généralement d’une vingtaine de pages, pour la plupart connectées entre elles et au contenu résolument Vanilla : les rapports entre les personnages y sont plutôt doux, consentis et les scenarii bienveillants à l’égard des protagonistes.

© Jake/Issuisya/Hot Manga

Une intrigue principale racontée sur quatre chapitres offre son nom à l’album : on y suit les aventures de Inoue, un étudiant attiré par le charme d’une camarade, nommée Fumino, qui parcourt tous les jours avec une émotion apparente un livre de la bibliothèque universitaire. Inoue se demande s’il ne s’agirait pas d’un roman à l’eau de rose pour que Fumino soit ainsi émue : c’est décidé, il va tenter de l’aborder en évoquant des lectures romantiques ! Grand bien lui en a pris car Fumino est intéressée par l’idée de discuter littérature avec lui, à la différence près que son livre-fétiche n’est pas une bluette quelconque, mais carrément un roman érotique.

Avouons le, de nombreuses intrigues proposées dans cet album par Jake ont généralement peu d’intérêt. La contextualisation de ces histoires est souvent rapide et cousue de fil blanc. Très souvent, les deux personnages découvrent rapidement qu’ils sont attirés l’un par l’autre, voire qu’ils sont carrément réciproquement amoureux. À partir de là, les portes scénaristiques sont grandes ouvertes pour foncer vers la séquence érotique, celle-ci constituant généralement les trois-quarts de la pagination d’une histoire. Quant aux chutes, elles sont elles aussi expéditives et n’apportent pas une véritable plus-value.

© Jake/Issuisya/Hot Manga

Pour relever une situation qui sort de l’ordinaire dans cet album, nous avons retenu l’exemple d’une partie de Jenga, le jeu de société où l’on retire progressivement d’une tour des bâtonnets de bois en évitant de faire s’écrouler la structure. Ici, une jeune femme veut faire comprendre à son petit-ami qu’elle souhaite passer aux choses sérieuses avec lui : elle organise donc pour lui un strip-Jenga où le perdant d’une partie devra enlever l’un de ses vêtements. Notre héroïne prévoyait de remporter la partie mais, Hentaï oblige, tout ne va pas se passer comme prévu...

© Jake/Issuisya/Hot Manga

Ce qui nous a intrigué au début de cet album, c’est d’y découvrir le développement d’un fantasme singulier consistant pour un Japonais d’avoir pour partenaire une Française (un thème aussi traité l’année dernière par l’album Gaijin de JD Morvan et 2D ?). Au-delà de la pertinence discutable des stéréotypes de comportements choisis par l’auteur (le Japonais s’imagine ainsi « pas assez viril » pour une Française « entreprenante »), nous avons été plus ou moins surpris de retrouver à cette occasion une image récurrente de l’univers des mangas : à savoir, pour nombre de dessinateurs nippons, qu’un Français est quasi-systématiquement un personnage aux cheveux blonds et aux yeux bleus ! Remémorez vous les personnages de Oscar dans La Rose de Versailles/Lady Oscar, le capitaine de l’équipe de France de football Pierre dans Captain Tsubasa/Olive & Tom ou encore Sanji dans One Piece et vous n’aurez pas de mal à percevoir la persistance sur le temps long de ce stéréotype.

« J’ai toujours aimé la littérature française et « La Comédie humaine » d’Honoré de Balzac est mon roman français préféré ! […] Pour quelqu’un qui apprécie autant votre littérature que moi, rien que l’idée d’être publié au pays de la bande-dessinée me transporte de bonheur. »

Laissons de côté le fait que La Comédie humaine est un ensemble de romans de l’auteur des Illusions perdues... Dans sa très chouette postface, Jake explique son rapport culturel à la France et l’influence de celle-ci sur ses histoires. L’auteur ne s’arrête par ailleurs pas là pour présenter le travail d’un mangaka, car il met en scène une autrice de manga érotique, elle aussi nommée Jake et travaillant pour le même magazine de pré-publication au Japon, en recherche d’inspiration pour gagner en crédibilité dans son domaine. Un exercice de style inattendu et bienvenu.

© Jake/Issuisya/Hot Manga

Du point de vue du contenu érotique justement, Jake propose aux lecteurs de suivre au gré des histoires des ébats classiques et finalement quelque peu répétitifs. Les lecteurs habitués tout comme les nouveaux lecteurs ne seront probablement pas surpris ou décontenancés par le contenu soft de cet album et son esprit luxurieux. Relevons néanmoins ici qu’une séquence dans un Onsen (un bain thermal japonais) a su faire grimper la température et a démontré que l’artiste était capable de bonnes choses dans le domaine.

Les dessins de Jake sont somme toute assez agréables, même s’il nous a semblé qu’ils manquaient régulièrement de détail ou de minutie. C’est notamment le cas pour les cases où l’on a un champ moyen pour dépeindre les personnages en action. C’est d’autant plus dommageable que l’on alterne dans cet album des cases où l’artiste fait la démonstration de son talent et d’autres dont la réalisation nous a semblé relativement expéditive.

Les Lectures érotiques d’une étudiante est un album qui nous a finalement laissé un avis mitigé : l’artiste Jake y montre des qualités certaines (sur le plan du dessin ou dans la mise en scène de sujets plus intimistes que d’ordinaire), mais dans le même temps, nous avons aussi ressenti les limites du style ici présenté (des intrigues peu rassasiantes, des séquences érotiques souvent peu surprenantes et des cases aux traits parfois sommaires). Toutefois, pour un premier album, cela reste prometteur.