Rubine : Le Dernier Jour de Pamela Sue

1993 : Rubine fait ses débuts dans Hello BD

Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, Rubine est une héroïne créée par François Walthéry, Mythic & Dragan De Lazare au début des années 1990 aux Éditions du Lombard. Le concept était aussi simple que réussi : le scénariste Mythic inventait des enquêtes teintées de mystère pour cette inspectrice au caractère de feu, comme sa rousse chevelure ; de son côté, Walthéry créait graphiquement le personnage, qu’il avait laissé aux bons soins de Dragan de Lazare, non sans le coacher soigneusement.

Les albums suivaient avec autant de régularité que de qualités, jusqu’à ce que le Yougoslave Dragan de Lazare ne rentre dans son pays et que la guerre y éclate ! Continuer à aligner les planches devint alors aussi difficile que de les faire rentrer en Belgique, ainsi que le détaille les dossiers de l’intégrale. Des suites de ces contraintes, la supervision de Walthéry se réduisit à peau de chagrin, et le graphisme se modifia d’avantage lorsque Dragan de Lazare demanda à un autre auteur Boyan de reprendre progressivement la main.

En 2007, les auteurs et l’éditeur décidèrent de rationaliser cela, en cherchant un nouveau dessinateur plus proche de Walthéry. C’est Bruno di Sano qui fut l’heureux élu, pour le bonheur du lecteur car son graphisme revint à la norme initiale. Un bonheur de courte durée, car après trois tomes l’éditeur décida d’arrêter Rubine en 2011.

Pour combler les attentes des lecteurs qui cherchaient parfois inlassablement des tomes épuisés (il n’était pas rare de voir certains albums se vendre à plus de cent euros), Le Lombard réalisa une intégrale en quatre recueils, le tout paru en moins d’une année. Un succès d’estime qui connut d’ailleurs une réédition, mais pas de quoi changer la donne : le Lombard préférait donner sa chance à de nouvelles séries, mais laissaient les auteurs libres de continuer Rubine où ils le souhaiteraient.

Un cadre étonnant au sein de cette série policière : Rubine prendrait-elle des vacances ?

Ce sont donc les nouvelles Éditions du Tiroir qui ont remporté la mise, et après un crowdfunding plutôt réussi, ce quatorzième tome de Rubine est arrivé l’année dernière en libraire, dix ans après le précédent opus. Un retour qui ne s’arrête pas là, car les auteurs planchent actuellement sur le tome 15 des aventures de la tempétueuse rouquine.

En attendant cette prochaine sortie, les Éditions du Tiroir ont proposé à l’équipe de réaliser un hors-série au sein de leur collection carrée. Le principe ? Un artbook de 48 pages limité à 1500 exemplaires qui reprend les héroïnes d’une série ou d’un auteur, souvent plus légèrement vêtues. André Taymans avait entamé la collection avec deux opus, suivi par Philippe Luguy, Marc Wasterlain et Nico Van De Walle.

Seulement voilà, le scénariste Mythic trouvait dommage de se limiter à des illustrations sans but précis. Aussi proposa-t-il d’écrire un script pour apporter une cohérence à l’ensemble. Voici la méthodologie suivie par l’équipe : tout en suivant le scénario, Bruno Di Sano, sous l’œil avisé de Walthéry, a réalisé cet album-artbook en laissant les pages de gauche au crayon et en encrant les pages de droite, qui ont également été mises en couleurs. Une belle occasion de bénéficier de large et beaux dessins, car la densité du tome 14 avait imposé un récit en quatre bandes très découpées.

Le tueur s’apprête-t-il à remettre cela ?

Et l’intrigue me direz-vous ? Elle se déroule dans le cadre d’un magnifique Blue Flame Hotel situé au bord du lac Michigan. Comme l’explique l’ancien propriétaire au micro d’une journaliste (souvent sur les pages de gauche), la grande actrice Pamela Sue y a été la victime d’un sniper, il y a cinq ans. Et depuis lors, l’enquête piétine...

Entretemps, l’hôtel est devenu un lieu de culte pour les fans de l’actrice. La chose la plus étonnante est qu’une inconditionnelle de la star vient chaque année, à la date anniversaire de la mort de la star, passer la journée à l’hôtel, vêtue et maquillée comme elle, pour y vivre dans le détail les dernières heures de Pamela Sue, avant de disparaître ensuite comme elle est venue. Et cette année sera la dernière car l’hôtel vient d’être vendu à un groupe qui compte le démolir pour construire un palace plus en adéquation avec son temps.

Que les amateurs de Rubine se rassurent, la flic de choc et de charme participe bien à cette enquête... mais à sa façon ! Ainsi que Shriley, sa collègue qui l’accompagne depuis peu. Sans parler d’une intrigue révolutionnaire, on a apprécié l’exercice de style permettant de maintenir l’esprit de la collection de l’éditeur sans tomber dans un défilé de tenues sexy ou de poses voyeuristes. Une pointe de second degré qui ne manquera pas de faire sourire certains lecteurs.

Au final, on peut vraiment parler d’une enquête qui dépasse le simple stade de l’Artbook pour venir s’insérer dans la série-mère. Les fans de la belle rouquine devraient apprécier...