Cathy, Fanny, Karine, Hugo, Nizar, Saïd : ils sont six, ils doivent avoir entre onze et treize ans et tuent le temps comme ils peuvent et comme ils veulent. Au cœur de l’été, quelque part en France, ils attendent sans être pressés la prochaine année scolaire. Le temps s’écoule lentement aux pieds des immeubles où ils habitent, même si les petits incidents et grands accidents brisent parfois le rythme des journées.
Les « sales gosses » du titre de la nouvelle bande dessinée signée par Peggy Adam pour Atrabile ne sont pas plus méchants que la moyenne des enfants. Pas plus sages non plus d’ailleurs. C’est en fait le père de Karine qui les appelle sans arrêt les « gosses ». Et ils font bien quelques mauvais coups, rarement graves : se battre, fumer en cachette, squatter une cave pour en faire une base secrète, exploser des crottes de chiens avec des pétards...
Ces gamins lambda cherchent à s’occuper et s’occupent à se chercher. Ils se taquinent et se titillent, s’insultent parfois, se fâchent et se réconcilient. Ils se séduisent aussi, sont amoureux, s’avouent leurs sentiments ou se les cachent. Ils expérimentent la vie, avec ses bons et ses mauvais côtés.
La vie, cette garce, leur réserve quelques surprises. Il y en a de très douces, d’autres trop douloureuses. Elle les oblige tantôt à s’affronter, tantôt à se serrer les coudes. Elle leur enseigne à se débrouiller, à devenir autonomes, mais aussi à faire confiance et à miser sur l’amour ou l’amitié. Elle les initie, peu à peu, à ce qu’ils verront tout le reste de leur existence.
Peggy Adam décrit dans Les Sales Gosses une page d’enfance, celle qui clôt les années d’innocence et précède le plongeon dans l’adolescence. Elle le fait avec finesse, qu’il s’agisse de sa ligne ou de son récit. La psychologie des enfants est particulièrement travaillée et leurs relations sont rendues dans toute leur complexité. Chacun a des qualités et des défauts - foin de manichéisme ! - et est capable d’évolutions. Nous sommes ainsi au plus près d’un âge par définition formateur.
Pas de grande aventure dans cette bande dessinée, mais un foisonnement de petits événements qui font le sel du quotidien mais aussi, de temps à autre, sa dureté. Des joies et des enthousiasmes sont dépeints, ainsi que des chagrins et des déceptions. Quelques sujets graves sont abordés, tels la maltraitance ou l’absence d’un parent. Peggy Adam évite toutefois le pathos, privilégiant les interactions au sein du groupe.
Les aplats de couleurs, souvent doux, et le trait, plutôt rond mais pas caricatural, pourront séduire largement. La lecture est d’une très grande fluidité, facilitée par un découpage simple parfois agrémenté de pleines pages. La diversité des personnages, tous attachants, et des situations évoquées, ancrées dans le réel, permettra éventuellement l’identification sans rompre le charme de la fiction.
Les Sales Gosses est en compétition au prochain Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, dans une nouvelle catégorie, celle réservée aux ouvrages « Jeunes adultes ». Accueillant des bandes dessinées destinées en priorité, mais évidemment pas exclusivement, à des adolescents de treize ans et plus, cette sélection de huit titres est très ouverte. Le livre de Peggy Adam y a toute sa place, tant par son accessibilité que par la densité des thèmes abordés et la justesse du ton employé.
(par Frédéric HOJLO)
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Les Sales Gosses - Par Peggy Adam - Éditions Atrabile - collection Flegme - 17 x 24 cm - 120 pages couleurs - couverture souple avec rabats - parution le 8 novembre 2019.
Consulter le site de l’autrice.
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