La filiale de la holding Média-Participations, Mediatoon, est spécialisée dans la vente des licences du catalogue de l’ensemble des maisons d’éditions du groupe (Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Fleurus, etc.). Dernièrement, elle a autorisé la société de restauration rapide McDonald de publier un petit livre autour de l’univers de Kid Paddle, offert aux enfants à l’achat d’un de leurs produits.
Or, un gag issu de ce livret suscite la controverse. La cause de cette polémique ? Le mariage d’un blork dans une église !
Dans un article paru le 5 mars dernier, suite à un appel à « mobilisation » de Juliette Levivier chroniqueuse à Famille Chrétienne, le très catholique blog « Cité & Culture, Laïcs Chrétiens dans la Cité » parle d’une « Parodie insultante » et attaque aussi bien McDo que Dupuis.
« C’est quand même un comble... », s’exclame Cité & Culture dont le bloggeur anonyme n’en revient pas que l’on puisse représenter un monstre se mariant à l’église dans une bande dessinée publiée par les éditions Dupuis, une filiale de Média-Participations, par ailleurs propriétaire, via Edifa et Fleurus, de plusieurs maisons d’édition proches de l’Église. Un groupe également propriétaire de l’agence de presse francophone vaticane, I-Média !
Plus loin, le rédacteur publie ses échanges avec la journaliste de Famille chrétienne à propos de Dargaud, éditeur de « BD ignobles ». Il renvoie pour preuve ses lecteurs à un article du Canard Enchaîné qui, dans un article du 24 février dernier, titré : « BD Pornos pour la gloire de Dieu ». L’article d’Hervé Liffran relevait à raison « l’incohérence » d’un groupe qui, « côté bénitier », se donne pour mission de défendre les valeurs de l’Église tout en publiant, « côté démoniaque », « des mangas audacieux agrémentés de scènes de cunnilingus, de sadomasochisme ou d’ébats lesbiens », tout ceci écrit le Canard, « au nom du pèze »...
Des informations douteuses
Dans son échange avec « Cité & Culture », la journaliste de Famille Chrétienne, Juliette Levivier, fait état d’informations erronées, sinon tendancieuses. Défendant le PDG de son groupe, Vincent Montagne, elle écrit : « Rien de tout cela ne m’a échappé. Il est difficile, en effet, de faire cohabiter des sociétés dont les préoccupations, les clients et la philosophie sont aussi différents… Cela nous met parfois dans des situations difficiles comme celle-ci. Monsieur Montagne le Président du groupe Média-Participations est un homme dont l’honnêteté, les convictions et l’engagement au service de l’Église ne sont pas à démontrer. »
Semble-t-il bien renseignée auprès du saint-homme, elle ajoute : « Il a été effaré, comme nous, de découvrir ce livret qui, je crois, a été retiré de la vente hier. Il n’est évidement pas au courant de tout ce qui se publie dans le groupe et, en l’occurrence, la société Dupuis n’a pas joué son rôle en vérifiant le contenu de ce qu’elle avait commandé à Midam pour McDo. Ce dessinateur, d’ailleurs, ne sera désormais plus publié par notre groupe et les processus de vérification vont certainement être remis à plat. »
Houlà, les éditions Dupuis essuieraient-elles bientôt le coup de crosse ?
Cela nous semble peu probable car, nos lecteurs le savent bien : c’est plutôt pour des raisons commerciales et par volonté d’indépendance que Midam a quitté Dupuis pour créer Mad Fabrik et non par la décision des éditions Dupuis, comme le laisse entendre notre journaliste qui a du entendre des voix dans sa pieuse croisade.
Par ailleurs, McDonald n’a rien commandé du tout à Midam. Ce gag a été publié dans le sixième tome de Kid Paddle, disponible dans les librairies depuis novembre 2000. Mediatoon et McDonald savaient donc très bien ce qu’ils publiaient.
Dans sa réponse compassée, la société McDonald, quant à elle, suinte d’hypocrisie. Quand elle annonce, si l’on en croit le rédacteur de l’article, que « les livrets Kid paddle ne sont plus distribués dans les restaurants de l’enseigne Mcdonald’s », ce n’est pas par une quelconque “intervention divine” au service de ses séides : c’est simplement que, d’après nos informations, l’opération publicitaire était simplement arrivée à son terme...
Tout ceci sent plutôt la surenchère communautaire qu’autre chose. Le Canard peut toujours se gausser : les censeurs ne sont jamais loin.
Sergio Honorez, le directeur éditorial de Dupuis, nous a demandé ce jeudi 11 mars de publier le message suivant sur ActuaBD. Il ne pouvait rester silencieux face au débat généré par l’article « Les blorks de Midam ne seraient pas catholiques ? ».
Chers Amis d’ActuaBD,
La publication dans un livret McDonald’s de l’illustration de Blorks, ces sympathiques monstres figurant dans la BD Kid Paddle, a fait couler beaucoup d’encre électronique.
Cette illustration, réalisée en 2000, fait partie des milliers d’illustrations, des centaines de gags, imaginés avec talent par Midam, l’auteur de la série. Dupuis est une maison d’édition connue pour cultiver l’impertinence, la fantaisie et le côté « sale gamin » de la bande dessinée, un espace de liberté d’expression bien plus large que celui de la publicité ou de la télévision. Bien entendu, cette impertinence fait parfois grincer des dents : ce fut le cas jadis avec les contre-publicités publiées
dans le Journal de Spirou pour (ou plutôt contre) l’enrôlement des jeunes dans l’armée de métier, ce fut le cas pour Le Trombone Illustré, supplément au Journal salué aujourd’hui comme une contribution majeure à la bande dessinée, ce fut le cas pour le premier baiser de Bidouille et Violette.
Si l’un de nos auteurs a choqué ou choque une partie de son lectorat, nous nous en excusons : notre but est de faire rire, pas d’alimenter les polémiques.
Sergio Honorez, directeur éditorial des Editions Dupuis.
(par Nicolas Anspach)
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Illustration (c) Midam.
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