Les nominés au Prix SoBD 2023 : du Professeur Nimbus et de Maus, aux scouts...

Depuis plus de dix ans, le SoBD récompense chaque année un ouvrage s’intéressant au 9e art. Cette année, les nominés sont :

 À Coups de Cases et de Bulles, collectif universitaire dirigé par Jean-Philippe Martin, Frédéric Chauvaud, Lydie Bodiou & Héloïse Morel, publié par les Presses Universitaires de Rennes ;
 Dans l’Ombre du Professeur Nimbus, d’Antoine Sausverd, paru chez PLG dans la collection « Mémoire Vive » ;
 Du Privé au public, la collection d’Alain Van Passen versée à l’Université de Gand, de Philippe Capart, publié par La Crypte tonique ;
 Fabcaro, premier pas, de Maël Rannou, coédité par La Cafetière et la CIBDI ;
 Hergé et les Incas ou la malédiction jéjouée, livre de Pierre Fresnault-Deruelle, paru chez 1000 Sabord / L’Harmattan ;
 La Bande dessinée en France à la belle époque, de Thierry Groensteen aux Impressions nouvelles ;
 La BD en Côte d’Ivoire, de Christophe Cassiau-Haurie aux éditions Karthala dans la collection Esprit BD ;
 La Fabrique de la bande dessinée, collectif académique dirigé par Pascal Robert publié chez Hermann ;
 Le Monde de Maus, ouvrage collectif dirigé par Hillary Chute chez Flammarion ;
 Le Mystère Paul Cuvelier de Philippe Goddin & Martine Mergeay aux Impressions nouvelles ;
 Ryoichi Ikegami - à corps perdus, de Xavier Guilbert, catalogue d’exposition édité par 9e art + ;
 Scoutisme et BD franco-belge, ouvrage collectif dirigé par Philippe Delisle & Laurent Déom aux éditions Karthala, dans la collection « Esprit BD ».
 Second souffle - le renouveau de la bande dessinée alternative, de Frédéric Hojlo aux éditions FLBLB.
 V comme Vertigo : Hommage au label politique et expérimental de DC Comics, dirigé par Siegfried Würtz chez Murmure.

Nous tenons à féliciter tous ces auteurs pour leur implication dans l’étude du neuvième art.

Scoutisme et BD franco-belge

Et nous profitons de l’occasion pour donner un coup de projecteur sur l’étude dirigée par Philippe Delisle et Laurent Déom consacrée aux liens entre le neuvième art et le mouvement fondé par Sir Baden-Powell.

Après une introduction qui démontre toute l’étendue du sujet, le livre se concentre chronologiquement sur six grandes thématiques :

1. Une lecture "scoute" de Tintin au Congo
2. Le Journal de Spirou et Coeurs vaillants entre 1943 et 1946
3. La Patrouille des Castors
4. D’autres "patrouilles" au sein de la bande dessinée
5. Les visions plus subversives du scoutisme avec Hamster Jovial en tête de meute
6. La bande dessinée actuelle

Les deux points forts de l’ouvrage tiennent à sa documentation et aux questions que le collectif se pose, même si les réponses ne font pas toujours office de réelles révélations. Ainsi la lecture "scoute" de Tintin au Congo démontre que l’esprit scout habitait fermement le jeune Hergé sans qu’il ait vu en Tintin un chef de Patrouille à la Totor.

Quant au chapitre lié aux magazines pendant la guerre, l’hypothèse tourne autour du soutien procuré par les mouvements scouts pour maintenir la publication des journaux précités, du moins leur esprit. Une analyse intéressante qui permet surtout de replacer dans le contexte de l’époque les grands mouvements de solidarité à l’une des périodes les plus sombres de notre histoire contemporaine. Ce chapitre revient également sur le méconnu Tintin et Milou chez les Toréadors, un récit publié par Cœurs Vaillants et "inspiré de Hergé". Ce qui ne manqua de faire bondir ce dernier lorsqu’il le découvrit plusieurs années plus tard.

Plus encyclopédiques, les chapitres suivants retracent les grandes lignes des différentes séries de bande dessinée, voguant ou caricaturant le mouvement de Baden-Powell, jusqu’à nos jours.

Si l’on ressent que l’ouvrage a été écrit d’un point de vue par trop français, où l’esprit scout est très différent de celui qui règne encore dans le Plat Pays dont sont issus la majorité des auteurs évoqués, Scoutisme et BD franco-belge a le mérite de lever le voile sur des liens forts tissés depuis presque le début de la bande dessinée avec le scoutisme. Un bon point de départ (comme l’admettent volontiers les auteurs dans leur conclusion), qui mériterait de se voir prolongé par d’autres ouvrages à venir, tant l’influence de l’un envers l’autre a été et reste importante.