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Mathieu Gabella : "Depuis deux ans, je me suis beaucoup remis en cause sur ma manière d’élaborer une histoire et un découpage."

Par Laurent Boileau le 15 avril 2008                      Lien  
"{Avec un graphisme envoûtant et une trame scénaristique ambitieuse, La Licorne a de quoi séduire. Il manque juste un peu de clarté par-ci par-là.}" écrivions-nous à la sortie du tome 1 de {La Licorne}. Nous en avons reparlé avec Mathieu Gabella et Anthony Jean. Sans langue de bois, les deux auteurs s'expliquent…

Quelle est l’origine de La Licorne ?

Mathieu Gabella : Mon père est médecin et j’ai une formation scientifique. L’esthétique médicale et la violence qui s’en dégageait m’avaient beaucoup intéressé, peut-être même traumatisé ! Je voulais raconter une histoire de médecins et je me suis aperçu que la Renaissance était une période où l’on avait redécouvert le corps humain. Et comme j’adore le fantastique, je suis parti du postulat que le corps humain n’avait pas été redécouvert mais qu’il avait changé. J’avais aussi d’autres éléments qui me trottaient dans la tête et petit à petit sont apparus la tapisserie de La Licorne (que je connaissais avant de lire le Da Vinci Code) et le bestiaire médiéval fantastique.

Vous aimez l’Héroïc Fantasy ?

MG : L’Héroïc Fantasy ne m’intéresse pas car c’est de l’imaginaire pur. Je préfère travailler à partir de ce qui existe déjà. Ambroise Paré s’était intéressé aux propriétés thérapeutiques de la corne de licorne et avait dit que "c’était une arnaque d’apothicaire". D’ailleurs le roi, qui était son protecteur, l’a "taclé" car c’était un symbole royal auquel il ne fallait pas toucher. J’ai pu créer des liens entre le domaine médical et historique (histoire de la médecine de l’époque), le bestiaire et la tapisserie. Est-ce que la mayonnaise prend ou pas ? C’est au lecteur de décider…

Mathieu Gabella : "Depuis deux ans, je me suis beaucoup remis en cause sur ma manière d'élaborer une histoire et un découpage."
Anthony Jean

Anthony Jean : Au départ, j’étais inquiet. Je trouvais le projet très intéressant, mais ça sentait le piège car, si cela n’était pas bien fait, cela ne passerait pas du tout. C’était aussi tendu pour Mathieu que pour moi car mettre correctement cette histoire en images n’était pas facile.

Le tome 2 est beaucoup moins sombre que le premier…

AJ : j’ai dû prendre sur moi !

MG : On a retiré le gore. On s’est fait plaisir sur le tome 1. On a voulu se marrer...

AJ : TU as surtout voulu te marrer et je t’ai fait plaisir ! Il y a plein de fois où je disais à Mathieu , « j’aimerais que l’on joue plus le non-dit, que ce soit plus subtil, qu’on installe l’angoisse plus par un environnemen »t… Je voulais que tout soit justifié, que tout ce qui soit mis en images ne soit pas gratuit. Par exemple dans le tome 2, j’ai demandé à Mathieu de me justifier la présence du poulpe…

MG : il y a quelques indices mais il sera totalement justifié dans le tome 3. Mais je reconnais que nous avons poussé un peu trop loin la scène gore du tome 1. On s’est marré à la faire, mais après on s’est calmé ! C’est une série qui reste assez violente, assez sombre mais la "tripaille" va s’arrêter.


AJ : je ne voulais pas tomber dans la case "Héroïc Fantasy". Nous voulions faire un livre sérieux. Le côté historique crédibilise l’aspect fantastique. D’où les pages de garde que Mathieu a écrites sur la biographie des personnages. Certains lecteurs nous ont dit, en dédicace, que notre album faisait "travailler le cerveau". Je prends ça plutôt comme un compliment.

MG : Je veux continuer dans cette lignée ambitieuse, fournie, riche mais avec plus de fluidité. Je veux réussir à assembler mes éléments de manière plus naturelle. C’est pourquoi il y aura un tome 4 à La Licorne. Ainsi je pourrai développer correctement toutes mes idées, mes personnages et mes arguments fantastiques.

Vos scénarios ont tendance à être très dense et même parfois trop…

MG : Je voulais multiplier les pistes, mettre un maximum d’idées. Van Hamme a dit un jour : « Parfois, il faut savoir se séparer d’une bonne idée ». Et moi, jeune auteur, j’avais la prétention de penser que je pouvais faire mieux que Van Hamme et donc que je réussirai à assembler de façon cohérente toutes mes idées. Mais en fait, au bout d’un moment, on manque de place pour amener toutes ces idées et pour le lecteur, ce n’est pas amené avec assez de calme et de patience pour que ça marche. D’où cette impression de foisonnement un peu inutile, un peu gonflant.


Es-tu sensible à la critique ?

MG : Je fais la part entre deux types de critiques : il y a celle qui ne spécule pas sur les intentions de l’auteur et qui explique simplement pourquoi il n’a pas aimé ou ce qui lui a posé problème dans l’album. Ça ne fait pas toujours plaisir, mais ce genre de critique ne me choque pas. Par contre, la critique qui spécule (comme celle de Bodoï dans le tome 1) me déplait fortement car elle me prête une intention que je n’ai pas.
Cela fait cinq ans que j’ai fait ce scénario. Je n’ai pas attendu le Da Vinci Code ou La Ligue des gentlemen extraordinaires pour développer cette histoire.
J’ai relu l’année dernière mon premier bouquin, La Chute, et je n’ai rien compris. L’idole, j’en suis content, mais c’est compliqué. Depuis deux ans, je me suis beaucoup remis en cause sur ma manière d’élaborer une histoire et un découpage. Sur L’idole, on peut voir l’évolution à travers les différents tomes. J’accepte complètement les critiques portant sur la complexité de l’histoire. Ce que je n’aime pas, c’est que l’on dise que je suis un calculateur ou que je me fous du public. Ça je ne supporte pas. Mais maintenant, je pense que je peux faire un bouquin lisible par tous, sans avoir besoin de prendre de l’aspirine et sans avoir une licence d’histoire. La preuve, avec 7 prisonniers qui sortira en fin d’année.

(par Laurent Boileau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photos © L. Boileau
Illustrations © Delcourt/Gabella/Jean

 
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