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Mort d’Alain De Kuyssche, journaliste et scénariste de BD, ancien rédacteur en chef du Journal de Spirou

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 31 janvier 2024                      Lien  
Il est des chiffres symboliques : Alain De Kuyssche décède à l’âge de 77 ans, âge fatidique pour les lecteurs de Tintin. Il meurt aussi au mois de janvier, juste avant le Festival de BD d’Angoulême. Journaliste, après des études de droit et de criminologie (comme quoi, ça mène à tout..), il entre par la petite porte dans le Journal de Spirou en 1977, dont il devient le rédacteur en chef l’année suivante. Il prend la direction du journal dans un moment de grande mutation.

En 1978, la bande dessinée belge est à son zénith mais son déclin est proche. Une nouvelle bande dessinée vient d’éclore outre-Quiévrain : Charlie Mensuel, L’Echo des Savanes, Métal Hurlant, (A Suivre), Gomme, Vécu… et les grands hebdomadaires belges se classent tout doucement dans la catégorie « BD de papa ».

Chez Spirou, les grands auteurs sont fatigués : les Franquin, Peyo, Roba, Jijé, Will, Tillieux… qui ont fait l’âge d’or du journal sont fatigués voire en rupture avec leur éditeur (on pense à Morris passé chez Dargaud rejoindre Goscinny). Yvan Delporte avait été débarqué sans ménagement en 1968 et son successeur, Thierry Martens, avait régné pendant dix ans en amenant de nouveaux talents (Cauvin, Leloup, Walthéry, Yslaire, Frank Pé, etc.) sans jamais se concilier vraiment les vedettes du journal qui commencent à regarder sérieusement du côté de la France. C’est l’époque des Idées noires de Franquin dans Fluide Glacial.

Mort d'Alain De Kuyssche, journaliste et scénariste de BD, ancien rédacteur en chef du Journal de Spirou
Alain De Kuyssche en 1978
Photo : DR

De Kuyssche connaissait Franquin pour qui il avait écrit quelques gags de Gaston. Il va continuer cette politique de rajeunissement en favorisant l’émergence d’auteurs plus jeunes comme Fred Jannin, adoubé par Franquin, pour qui il écrit le personnage de Didi, Tome & Janry ou encore Yann & Conrad. Tiraillé entre les anciens et les modernes, il résiste tant qu’il peut à ce grand écart qui reste encore celui de Spirou à l’heure actuelle. Remplacé par Philippe Vandooren, il aura quand même donné une pérennité à Spirou grâce à la contribution de Tome et Janry, non sans avoir expérimenté le Spirou d’Yves Chaland.

Alain De Kuyssche et Eddy Paape en 2008.
Photo : Nicolas Anspach.

La suite de sa carrière est celle d’un journaliste qui passe de l’hebdomadaire TV/Radio de Dupuis, Le Moustique, à la feuille satirique bruxelloise Pan, une sorte de Canard enchaîné de droite.

Il n’a jamais vraiment lâché la bande dessinée, écrivant sur le sujet dans Spirou, ou dans des monographies (Attanasio, Eddy Paape, Cauvin…), dans des intégrales de Dupuis (Spirou, Tif & Tondu, Johan & Pirlouit, Natacha…) à une activité de relations publiques pour la société Moulinsart. Il jouait ces derniers temps un rôle actif aux éditions du Tiroir.

On doit à cette bonne plume des novellisations des aventures d’Alix de Jacques Martin sous le pseudonyme d’Alain Hammerstein (d’après le nom de sa mère) et le scénario de la série Wayne Thunder dessinée par Carlo Marcello.

Né à Molenbeek-Saint-Jean (Bruxelles) le 11 septembre 1946, il est décédé le 20 janvier 2024.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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En médaillon : Photo de Nicolas Anspach.

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7 Messages :
  • C’est triste, évidemment, mes condoléances à sa famille !
    Mais un oubli important dans ton article, ami Didier, il a favorisé et permis le lancement du Trombone illustré dans les pages de Spirou !

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    • Répondu par Sergio Salma le 1er février à  01:35 :

      ...idées noires qui ont commencé dans le Trombone avant de migrer vers Fluide glacial

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  • On lui doit vraiment le Spirou de Chaland.
    Pas sûr que sans lui on aurait eu droit à ce chef-d’œuvre (même si ce fut une symphonie inachevée).
    Pour ma part je garde de lui deux beaux souvenirs liés à Paape.
    Le premier en 1979 lorsque Paape fut interviewé par RTL avec ces élèves à la rédaction de Spirou en présence De Kuyssche. Un moment de rêve où l’on croyait que tout serait possible.
    Le second en 2008 lors de la grande rétrospective de l’oeuvre de Paape à la Seed Factory où fut présenté, en compagnie de ses anciens élèves, l’ouvrage biographique du père de Luc Orient rédigé par De Kuyssche. Une très belle réunion.
    Pour tout cela un grand merci.

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    • Répondu par Gina Vanilla le 2 février à  18:13 :

      Je ne comprend pas trop ce commentaire, pour moi ce rédac-chef insufflait de l’esprit nouveau dans Spirou (le Trombone, Yan et Conrad, le Spirou de Chaland en mode rétronostalgique, effectivement !
      Mais Eddy Paape ? Il était excellent lors de sa reprise de Valhardi et plus tard sur les Marc Dacier écrits par Tonton Charlier. Mais il avait quitté l’hebdo Spirou avant 1968, je crois, pour aller faire de la SF chez Tintin, avec Luc Orient !

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      • Répondu par Philippe Wurm le 3 février à  17:23 :

        Paape avait encore des amis chez Spirou à l’époque.
        Le fait de travailler pour Tintin et de faire Luc Orient ne l’empêchait pas d’avoir des connaissances ailleurs.
        Au début des années 80 ses albums de Marc Dacier ont dailleurs été réédités chez Dupuis (après le passage chez Deligne).
        Où est le problème ?

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  • Une autre disparition dont on n’a quasi pas parlé : Henri Kaufman est décédé le 2 janvier dernier, à l’âge de 83 ans. Directeur éditorial des éditions Rombaldi pendant plusieurs années, il avait été à l’origine de plusieurs collections mythiques autour de nombreuses séries BD, notamment "L’Œuvre intégrale d’Hergé", et sa suite "L’Univers d’Hergé" (1984-1989).

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    • Répondu par Michel Dartay le 11 février à  19:00 :

      J’étais abonné à plusieurs de ces reliures vendues en VPC, de belles intégrales en imitation cuir, avec de nombreux suppléments par rapport aux albums classiques. Mais Rombaldi proposait aussi à ses clients parisiens des diners sympas, avec de nombreux auteurs invités, vers 1988 !

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