Romans Graphiques

Le Grand Large - Par Jean Cremers - Ed. Glénat

Par Louise Ageorges le 31 janvier 2024                      Lien  
Après un périple onirique mouvementé dans le grand froid norvégien avec "Vague de Froid" (Le Lombard), Jean Cremers propose cette fois-ci un excursion dans les eaux tumultueuses du monde adulte avec Le Grand Large, édité chez Glénat pour la rentrée 2024. Dans ce nouveau roman graphique, l'auteur nous embarque dans un voyage métaphorique où chacun et chacune reconnaîtront avec effroi et/ou nostalgie les déboires des débuts, le grand saut dans l’inconnu. Une BD d’une grande qualité qui permet d'aller encore plus loin dans la découverte du monde intimiste et coloré du bédéiste.

Lorsque Léonie est placée de force par ses deux parents dans une modeste barque, le récit prend de suite une tournure inquiétante : notre héroïne semble bien trop jeune pour affronter la tempête qui approche. L’embarcation tangue, l’océan est déchaîné, mais Léonie n’est pas seule : Yacht, zodiac de fortunes et bateaux en tout genre parcourent le même chemin.

Au grand large, c’est le chaos. Si certains tracent leur route, d’autre s’en prennent directement à la navigatrice en herbe. Sauvée de justesse, Léonie vient en aide à Balthazar, un garçon de son âge dont l’embarcation n’a pas résisté aux intempéries. Au bout de quelques temps, la tempête se lève et les deux amies comptent bien se serrer les coudes dans la longue odyssée qui les attend. Bonnes et mauvaises rencontres, les obstacles seront nombreux sur la route, mais un seul but demeure : atteindre la terre ferme.

Le Grand Large - Par Jean Cremers - Ed. Glénat

« J’ai envie de montrer aux gens ce que c’est de voir l’eau qui s’installe dans nos souvenirs ». Profondément marqué par les inondations de juillet 2021 dans son village en Belgique, Jean Cremers se confie dans le communiqué de presse sur son rapport à l’eau. Entre crainte et fascination, on retrouve de son expérience personnelle dans son album : l’eau est partout, et si elle peut symboliser la route à suivre, elle s’avère aussi meurtrière, polluée, voire, mal fréquentée.

Après l’affrontement du deuil dans Vague de froid, Jean Cremers revient avec une nouvelle épreuve de vie. Avec Le Grand Large, le bédéiste symbolise le passage au monde adulte, cette période charnière tant attendue que redoutée où l’on quitte le cocon familial pour trouver un point d’ancrage. Curiosité, peur, excitation sont autant de sentiments universels abordés avec poésie et justesse dans cette odyssée maritime portée par la jeune héroïne.

Le Grand Large est un hymne à l’entraide, à la solidarité et à l’amitié. S’il fallait tirer une morale de cette histoire, c’est qu’il est salvateur de s’entourer de bonnes personnes pour affronter les défis, victoires et échecs du quotidien. S’ajoute à Balthazar et Agathe une femme SDF plus âgée que nos héros, un personnage décalé et attendrissant dont l’aide s’avérera des plus précieuses.

Même si son histoire se passe au beau milieu de l’océan, l’auteur réussit à rendre ses personnages attachants. Pour casser les modèles héroïques classiques, il fait même le choix d’attribuer un handicap différent aux trois protagonistes. Un point commun qui nourrit une forme d’amitié encore trop peu représentée en bande dessinée.

Dans le communiqué de presse, Jean Cremers compare le roman graphique au cinéma du pauvre. Ce parallèle se retrouve dans son tracé : dynamique, ce dernier ménage aussi quelques accalmies agréables à la lecture. L’auteur fait également preuve d’une grande application dans le choix des couleurs. Si le bleu est omniprésent, il sert surtout à faire ressortir des teintes plus vives : le jaune, le rouge, ou l’orange du zodiac et des cheveux de Léonie.

Fresque sociale, Le Grand Large pose la question de l’inégalité des chances. Si tous les adolescents connaissent le même océan, ils sont loin d’être logés à la même enseigne : selon ses fréquentations, le bateau dans lequel on embarque... Léonie se rend vite compte de cette injustice et met les bouchées doubles pour survivre.

Avec Le Grand Large, Jean Cremers livre un récit poignant et universel. Et comme chacun de ses ouvrages est dédié à l’un des membres de sa fratrie, on attend avec beaucoup d’impatience ses prochains albums : après le frère dans Vague de froid, la sœur dans ce second livre, vivement les deux suivants !

(par Louise Ageorges)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782344053560

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