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Raphaël Barban (Formula Bula) : "Aujourd’hui encore, les gens sont curieux et avides de découverte" [INTERVIEW]

Par Romain GARNIER le 21 septembre 2023                      Lien  
Alors que le festival Formula Bula s'apprête à ouvrir ses portes ce vendredi 22 septembre, Raphaël Barban, son directeur artistique, nous a accordé un peu de son précieux temps afin d'échanger sur les points essentiels du festival. Un lieu de création, d'expérimentation et de plaisir, à l'image de la bande dessinée alternative que Formula Bula défend.

Quelle est la raison d’être de Formula Bula ?

Raphaël Barban : La raison d’être de Formula Bula est d’être un projecteur sur la création en bande dessinée, sous toutes ses formes, toutes les écoles, toutes les esthétiques, toutes les générations de bande dessinée (patrimoniales, contemporaines, alternatives, classiques). C’est ça la raison d’être de Formula Bula.

Raphaël Barban (Formula Bula) : "Aujourd'hui encore, les gens sont curieux et avides de découverte" [INTERVIEW]

Existe-t-il un autre festival de cette ampleur dédiée à la bande dessinée alternative à travers le monde ?

RB : Il en existe beaucoup dans le monde, au même titre qu’il existe plein de festivals de musique consacrés à ses divers styles. Nous n’avons rien inventé. Nous sommes juste une caisse de résonance d’une histoire de la bande dessinée. Chaque année, on essaye de raconter des bouts, des morceaux de l’histoire de la bande dessinée. Sans restriction, en toute liberté et on n’a pas la prétention d’être les seuls au monde à faire cela, même en France.

Avez-vous le sentiment de faire vivre, via votre festival et les nombreux auteurs internationaux invités, une République des bulles ? Ce grâce à la mise en dialogues de tous ces auteurs de par le monde, aux horizons si différents.

RB : C’est notre ambition. Être un festival international et donner chaque année un espace d’expression, d’exposition, mais aussi un espace d’échange de la scène mondiale avec le public. Un de nos objectifs majeurs est de stimuler la curiosité du public. L’idée est de montrer autre chose que ce qui est déjà montré partout et qui n’a donc pas besoin d’être défendu. On estime qu’il faut défendre des créations qui ont besoin d’être défendues, qui ont besoin d’être connues, qui ont besoin d’être reconnues. C’est notre rôle.

© Formula Bula

En tant que directeur artistique, nous allons vous demander quelque chose d’un peu cruel. Quelle est pour vous l’exposition ou l’événement de cette année à recommander absolument aux lecteurs d’ActuaBD ? En d’autres termes, votre coup de cœur.

RB : C’est simple. On présente une exposition collective qu’on a imaginé comme un magazine, comme une revue de bande dessinée et qui accueille six autrices et deux auteurs venus de cinq pays différents. C’est une exposition composée d’entretiens longs menés en amont avec ces autrices et ces auteurs. Ils et elles abordent toutes les facettes de leur boulot, leurs problématiques, leurs angoisses, leur technique, leur documentation, leurs influences. C’est donc une exposition à lire, qui comporte de nombreuses planches originales. Je conseillerais donc aux lecteurs d’ActuaBD de venir découvrir ce magazine qui n’existe qu’en un seul exemplaire, qui impose une lecture collective.

Ensuite, Formula Bula, comme on a coutume de le dire, on peut y trouver ce qu’on n’y cherchait pas. C’est-à-dire que ce soit vendredi, jour de l’ouverture, jusqu’à dimanche, jour de clôture, il y a pléthore d’activités et de propositions qui sont autant de portes d’entrée dans le travail des artistes que nous présentons. Ce sont donc des moyens de rassasier la curiosité des gens. On estime qu’il y a aujourd’hui encore des gens curieux et avides de découverte et on essaie de défendre cela.

© Formula Bula

RB : Un combat important que de chercher à susciter l’intérêt des lecteurs. Malheureusement, la bande dessinée dite alternative souffre d’une image parfois négative du grand public. On lui reproche d’être trop expérimentale, d’être trop éloignée des envies réelles des lecteurs ou encore trop intellectualisante. Qu’auriez-vous envie de dire aux personnes qui pensent cela ? De venir constater par eux-mêmes au festival Formula Bula ?

Que c’est là que tout commence. Dans l’édition, tout ce qui a été fait dans les années 1990-2000, avec toutes ces maisons d’édition dites alternatives, qui ont aujourd’hui pignon sur rue comme l’Association ou Cornélius, ont été copiées par les maisons d’édition dites industrielles. Leurs maquettes de livre, ce que l’on nomme aujourd’hui le roman graphique, cela vient de là.

C’est dans ce terreau là que se passent les choses. Qu’il y a une vraie vie, quelque chose de stimulant et d’excitant. Après, les quolibets visant à réduire l’édition alternative à quelque chose de trop intellectuel ou expérimenta, ce sont des clichés.

Vous viendrez voir nos expositions, il y a de l’humour, de la science-fiction, du polar et de l’autobiographie et c’est abordable par tout le monde. Il n’y a pas besoin d’avoir un doctorat, une maîtrise de lettres pour comprendre de quoi il en retourne. Cela reste de la bande dessinée. C’est comme dans tous les arts, c’est là que cela se passe. Les expérimentations seront un jour reprises par le grand public, c’est toujours comme cela que ça fonctionne. Donc si vous voulez voir quelque chose de vivant, vous devez venir à Formula Bula.

© Formula Bula

Pour vous, cette année, un nouveau lieu : la Césure. Cela a été une occasion pour vous de repenser l’espace et le contenu de votre festival ?

RB : Une évidence. Autrefois, nous séparions pour des contraintes d’espace le village des éditeurs, notre salon était séparé des expositions. On était contraint de répartir nos expositions dans plusieurs lieux. Cela avait aussi son intérêt. Mais après dix ans, il est intéressant de pouvoir tout regrouper dans un seul et même espace.

Dans cet objectif-là, nous avons imaginé notre exposition comme un magazine qui vient s’insérer dans le village des éditeurs, comme un écho à tous ces livres présentés sur les étales des éditeurs. Donc oui, Césure est un nouvel espace qu’il faut appréhender, apprivoiser et c’est passionnant.

C’est justement cela qui rend aussi notre festival vivant. Il n’y a pas de ronronnement. Un nouveau challenge, une forme d’expérimentation, on change nos habitudes, on sort de notre zone de confort, on doit réfléchir différemment. Cela rend Formula Bula vivant.

© Formula Bula

Vous avez désormais le Prix Prima Bula. Pourquoi cette décision ? S’agit-il pour vous d’une manière concrète de soutenir la création en bande dessinée en y adjoignant, à ce prix, une récompense sonnante et trébuchante dans un monde où l’argent reste le nerf de la guerre.

RB : Le prix est une évolution de ce qu’on a créé il y a deux ans, en partenariat avec le diffuseur Les Belles Lettres et le réseaux Paris Librairie, une sélection de bandes dessinées qui sortent entre fin juin et fin septembre.

C’était pour nous une volonté de mettre en avant des livres qui ont besoin d’être mis en lumière. Une évolution naturelle que de l’avoir basculée cette année vers un prix. Il y a toujours la sélection. huit titres sont sélectionnés, mis en avant en dans une librairie partenaire. Et un lauréat ou une lauréate sera primé(e) vendredi soir, lors de la cérémonie d’ouverture du festival.

Le prix est doté de 1000 euros. Cela participe de cette volonté de soutenir les auteurs et les autrices de bande dessinée qui, comme vous le savez, ont beaucoup de mal à subvenir à leurs besoins, à vivre de leur métier. Donc oui, 1000 euros, c’est important.

Comment faites-vous pour financer la venue d’autant d’auteurs internationaux ?

RB : C’est l’ADN de notre festival depuis sa création en 2011. On a toujours revendiqué une dimension internationale. C’est un équilibre à trouver. Chaque année, le budget, il faut le construire, faire des recherches de financement, car nous n’avons jamais de budget acquis d’une année sur l’autre. Un dur labeur. On a pléthore de partenaires publics et privés, puis notre association, Ferraille production, abonde aussi à ce budget avec des activités qu’elle développe tout au long de l’année.

C’est donc tout simplement la construction d’un budget. Ensuite on regarde ce que l’on a, on le ventile sur les postes (logistique, production, régie, communication…), on retient ce qu’il reste pour chaque poste et on construit une programmation. On n’est pas en roue libre.

© Formula Bula

Pour conclure, auriez-vous quelques titres de bandes dessinées alternatives lues dernièrement et que vous souhaiteriez vraiment conseiller ?

RB : Tout simplement, je conseillerais les huit titres que nous avons sélectionnés. Ils ont été sélectionnés parce qu’ils nous ont emporté à la lecture. Je ne sais pas qui gagnera le prix, car ce sont les adhérents de l’association qui vont se réunir pour sanctionner le gagnant ou la gagnante. Sur le salon, seront également présentées des bandes dessinées en exclusivité, et donc j’invite le public et les lecteurs d’ActuaBD à venir rencontrer les éditeurs et des pépites en avant-première.

(par Romain GARNIER)

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Pour rappel, la sélection pour le Prix Prima Bula est la suivante :

- Le Nécromanchien de Matthias Arégui - Éditions 2024
- Cailloux de Nadine Redlich - Éditions de l’Articho
- Saubon archives volume 2 de Carlos Nine - Éditions Les rêveurs
- Rosigny Zoo de Chloé Wary - Éditions Flblb
- Flore et faune de Émilie Östergren - Éditions The Hoochie Coochie
- La Véritable Histoire de Saint-Nicolas de Thierry Van Hasselt - Éditions Frémok
- Mandoline de Pia-Mélissa Laroche - Éditions Matière
- Le Grand Je de Rachel Delville - Éditions Atrabile

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