Devenu peu à peu un personnage emblématique, le conducteur de “Yellow Cab“ concentre sur lui toutes les peurs et tous les fantasmes véhiculés par l’imagerie traditionnelle des grandes mégapoles. Derrière la monotonie de tournées bruyantes et interminables pointent souvent de sombres malaises ou de sourdes frustrations.
Molloy sillonne Manhattan au volant de son véhicule jaune. Sorte de grand ado gauche et maladroit, le chauffeur est surtout un grand rêveur, absent de la réalité du monde qui l’entoure, presque un mort-vivant dans une cité grouillante.
Nouveau venu dans le monde interlope de la grande ville, le jeune homme nous entraîne dans de curieuses mésaventures dérisoires, nourries de fantasmes inachevés et de rêves démesurés. À partir des rencontres avec certaines clientes, il nous décrit de pitoyables fantasmes, pièces de puzzle d’un destin fracassé par un obscur complot familial. Rêve-t-il ou nous dévoile-t-il vraiment quelque chose de plus intime ? Le récit nous laissera peu à peu découvrir les dessous d’une étrange machination orchestrée par une sinistre…grand-mère !
Grâce à ces croisements improbables, rythmés par le monologue sombre et décalé de Molloy, les auteurs nous font pénétrer au cœur d’une histoire cruelle dont le jeune homme sera le jouet. Cela nous vaudra une galerie de portraits bien dessinés jouant à la fois la carte du réalisme et du cynisme.
La progression du récit de François Dimberton reste parfaitement maîtrisée. Cet ancien assistant de Michel Greg qui a notamment travaillé pour les revues Tintin, Spirou ou Mickey. avait déjà rejoint la collection Grand Angle avec la série Le dessinateur, Avec cette nouvelle histoire pas “forcément d’accès facile“, il confirme son expérience du scénario.
Le dessin solide et puissant d’Alexis Chabert ( déjà remarqué notamment dans L’Élu chez l’Echo des savanes ou Noémie chez Pointe Noire) contribue à donner à cette histoire originale et sensible une forte crédibilité. Les décors et les lumières servent efficacement la tonalité de ce récit inscrit à la fois dans un réalisme formel et un climat de rêve et de fantasme.
Encore un album fort et percutant qui vient enrichir la collection réaliste des éditions Bamboo. Une réussite.
(par Patrice Gentilhomme)
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