Le vernissage et l’exposition qu’il célébrait correspondent admirablement au but que s’est assignée la galerie Martel : « mettre en avant le graphisme à travers des artistes de haut niveau dont le point commun est d’explorer de nouveaux territoires, et de décloisonner les frontières séparant divers modes d’expression : illustration, peinture, bande dessinée, animation. »
Objectif atteint en ce qui concerne Roland Topor (1938-1997), avec cette exposition-vente rétrospective de dessins, collages, peintures et linogravures. Issu d’immigrés juifs polonais, ce fils du sculpteur et peintre Abram Topor a fui très tôt les persécutions nazies. Il a fait partie, dans le domaine de la bande dessinée, de l’aventure du journal Hara-Kiri. Dans l’animation, il a contribué en tant que co-scénariste à celle du long-métrage La Planète sauvage de René Laloux, adapté du roman de science-fiction Oms en série (1957) de Stefan Wul (Pierre Pairault). Le film obtint un prix spécial du jury au Festival de Cannes (1973). En 1962, Roland Topor avait également créé, notamment en compagnie d’Alexandro Jodorowsky et Fernando Arrabal, le mouvement Panique, qui oscillait entre projet artistique plus ou moins sérieux et cet esprit de dérision qui fait peut-être mieux tolérer la réalité à ceux qui ont connu, trop jeunes, l’horreur et la souffrance. Cela a sans doute aidé Roland Topor, en outre écrivain et homme de théâtre, à accepter qu’il reste notoirement plus connu pour sa collaboration à la série télévisée Téléchat (1983)…
Cette distance plus qu’ironique se retrouve dans le reste de sa production, en particulier de graphiste et d’affichiste, préoccupé de sexualité et de mort, qui conserve cependant une verdeur réjouissante, se délectant de l’absurde, du grotesque, de l’impertinence et de l’interdit.
Au point qu’en l’examinant sur les cimaises de la galerie Martel, parfois et avec un brin d’imagination, on pourrait croire entendre le rire grinçant caractéristique de son auteur…
Les expositions à venir de l’endroit, dont nous ne manquerons pas de vous entretenir, confirment la qualité de sa programmation. Il s’apprête en effet à accueillir, dans les prochains mois, les travaux de rien moins que Robert Crumb, Thomas Ott, Fred ou Charles Burns !
Si le public réuni ce soir-là, comptant visiblement un grand nombre de connaisseurs, en a pris plein les yeux, c’est avant tout – et à souligner – du fait de l’intérêt des œuvres données à voir.
Même si le simple quidam avait aussi de quoi être impressionné par le contingent présent de dessinateurs de talent et de renom. Parmi eux, outre Lorenzo Mattotti, habitué des lieux, citons, entre autres, Blutch, Grand Prix d’Angoulême 2009, Nicolas de Crécy, André Juillard, Jacques de Loustal et Frank Margerin ; accompagnés de journalistes, critiques BD et auteurs comme Yves Frémion ou Patrick Gaumer, etc.
Fondu dans la masse, tout ce beau monde a communié, dans une admiration sincère, quasiment palpable, pour le défunt artiste exposé : belle façon de lui rendre hommage !
(par Florian Rubis)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon : portrait de Lorenzo Mattotti, sous l’œil espiègle de Roland Topor, représenté en affiche © Florian Rubis, 2010.
Exposition Roland Topor, du 12 mars au 30 avril 2010, du mardi au samedi, de 14 h 30 à 19 h. Galerie Martel - 17, rue Martel 75010 Paris.
Pour plus de détails sur l’exposition et les œuvres de Roland Topor : visiter le site de la galerie Martel www.galeriemartel.com
Topor : Dessins paniques - Ouvrage collectif – Hazan – 228 pages, 27 euros
Commander ce livre chez Amazon
Défouloir – Roland Topor & Bill Plympton – Éditions Attila – Anthologie (livre CD), 22 euros