Comics

"Wonder Woman 80 ans" : huit décennies d’héroïsme au féminin

Par Jaime Bonkowski de Passos le 19 août 2020                      Lien  
Première super-héroïne grand public des comics, symbole d'une vision de la femme qui, dès 1941 préfigure nombre d'évolutions contemporaines, princesse des Amazones, rare être vivant à pouvoir tenir tête à Superman : Wonder Woman est beaucoup de choses et elle fête cette année ses 80 ans. Un anniversaire célébré par Urban Comics avec "Wonder Woman 80 ans", une intégrale déroutante mais passionnante.

Comment résumer en un seul ouvrage 80 années d’exploits, de combats, de doutes, de sacrifices et de triomphes ? Comment rendre dignement hommage à Diana de Themyscira, à bien des égards l’un des personnages les plus importants de l’histoire du comics ? Épineuse question, à laquelle Urban Comics répond par une intégrale composite, patchwork des histoires courtes les plus emblématiques de la guerrière.

Wonder Woman 80 n’est donc pas un album racontant une seule histoire, mais une série de chapitres courts parus ces huit dernières décennies et dressant le portrait de son héroïne en illustrant chaque facette de sa personnalité. Nouvelle Jeanne d’Arc, symbole de la liberté, défenseure de la nature sauvage, modèle d’inspiration et d’indépendance pour les femmes... Au fil des auteurs et autrices qui se sont succédés auprès d’elle, Diana s’est enrichie, développée, et elle a beaucoup évolué tout en conservant son noyau essentiel : celui d’une icône super-héroïque éminemment féminine et féministe dans un monde d’hommes.

"Wonder Woman 80 ans" : huit décennies d'héroïsme au féminin

Ce sont toutes ces évolutions et ces valeurs qui sont illustrées dans l’intégrale, qu’il ne faut pas aborder comme un récit mais comme un bilan, un résumé répondant aux questions "qui est Wonder woman et qu’incarne-t-elle" ? En plus des nombreuses histoires courtes, on retrouve d’autres éléments de développement du personnage : ici une interview de la princesse par Loïs Lane, là un texte sur son héritage, et en fin d’ouvrage une compilation de couvertures et croquis, depuis la première itération du personnage jusqu’à ses plus récentes interprétations.

L’album tire aussi sa force de la très grande variété de styles représentés, montrant que les évolutions de Wonder Woman ont autant été intangibles et psychologiques que physiques. Et si tous les dessins ne sont pas égaux, tous sont de grande qualité, DC Comics s’étant appliqué à sélectionner des auteurs réputés pour leur talent.

La plupart des chapitres mettent Diana seule en scène contre des monstres, des dieux, des démons, mais quelques séquences sont aussi consacrées à ses interactions avec ses "collègues" justiciers. Sa première rencontre avec Superman et Batman, ses combats à leurs côtés et avec les autres membres de la Justice League : la puissance de Wonder Woman est sans cesse mise en avant, rappelant que sa force est aussi un de ses principaux enjeux.

En plus d’être la première membre féminine de la Justice League, Wonder Woman est aussi l’un des rares êtres sur Terre à pouvoir rivaliser avec "l’Homme d’acier", sensé être l’alpha et l’oméga des super-héros. Exit donc les rôles de potiche de service ou de princesse en détresse auxquels étaient auparavant cantonnées les femmes dans les comics, Diana a la force de se battre par et pour elle-même, forçant la crainte et le respect de ses adversaires comme de ses alliés et des lecteurs.

Une vision progressiste de la femme qui aujourd’hui tombe sous le sens mais qui en 1941 n’allait pas de soi. La naissance du personnage sous la plume de William Moulton Marston et sous les pinceaux de H. G. Peter provoqua d’ailleurs une violente polémique sur l’influence des comics sur la jeunesse, ce qui donna du grain à moudre aux censeurs, aboutissant notamment en 1954 à la création du Comic Code Authority, un comité de censure sensé protéger les jeunes de toute mauvaise influence des comics.

Dans le cadre de l’application de cette censure, la dimension féministe du personnage est par ailleurs largement mise en retrait, voire carrément supprimée, une décision tristement ironique dénaturant un personnage qui "a été conçu par le docteur Marston dans le but de promouvoir au sein de la jeunesse un modèle de féminité forte, libre et courageuse, pour lutter contre l’idée que les femmes sont inférieures aux hommes et pour inspirer aux jeunes filles la confiance en elles et la réussite dans les sports, les activités et les métiers monopolisés par les hommes" (communiqué de presse accompagnant la sortie du premier chapitre de Wonder Woman en 1941).

Wonder Woman 80 ans rappelle aussi cet héritage, et les combats que la princesse a mené hors les cases. En 2016, elle était nommée ambassadrice officielle des Nations Unies dans le cadre de la campagne en faveur de l’émancipation des femmes, une décision tout de même contestée par un certain nombre d’organismes reprochant au personnage de véhiculer à travers son physique et sa tenue des standards de beauté irréalistes. Comme quoi, la polémique colle irrémédiablement à la peau de Diana, c’est aussi là qu’est la force du personnage...

Cette intégrale originale remplit très bien son rôle de fiction biographique en se montrant assez complète et claire sur ses intentions. Certains lecteurs seront déroutés par l’absence "d’histoires" et l’ouvrage leur tombera peut-être des mains, d’autres prendront beaucoup de plaisir à découvrir un hommage réussi à l’une des plus grandes héroïnes de l’histoire de la bande dessinée.

(par Jaime Bonkowski de Passos)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9791026817444

"Wonder Woman 80" - Collectif - Urban Comics - 248 pages - 22€50 - 10/07/2020.

 
Participez à la discussion
4 Messages :
  • La contestation de la nomination de Wonder Woman comme ambassadrice de l’ONU allait un peu plus loin que mentionné dans votre article, et avec des arguments. On a en effet une héroïne hyper-sexualisée, faite pour rincer l’œil de ces messieurs et faire passer leurs fantasmes pour la norme physique à laquelle doivent se soumettre les femmes. Comme ambassadrice de l’émancipation on fait mieux.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Pascal Aggabi le 21 août 2020 à  21:30 :

      Wonder woman a été sculptée dans la glaise, elle est sculpturale, excusez-la. Excusez-la d’ être crédible dans son rôle, bien particulier.

      Si certains se rincent, il arrive que d’autres se goinfrent, hommes ou femmes, avachis pas loin du frigo, un téléphone sempiternellement scotché à la main prêts à faire passer leurs frustrations et complexes, pour la norme morale à laquelle doivent se soumettre tout le monde. Comme ambassadeurs du superhéroïsme on fait mieux.

      La frustration je connais aussi : des années que je me balade en slip et cape sous l’oeil concupiscent de toutes les mamies du coin, sans parvenir à décoller. Bien sûr je reste vigilant, j’ai une belle virginité à préserver, et pas que morale.
      D’ailleurs satané Superman, il se balade en slip toute l’ année sans jamais s’ enrhumer, c’est pas crédible.

      Je vais bien trouver quelqu’un à qui tout ça est de la faute.

      Répondre à ce message

      • Répondu le 22 août 2020 à  15:43 :

        Sauf que superman n’a pas été créé par des mamies pour se rincer l’œil car il est, lui aussi, un fantasme masculin.
        Que wonder woman existe, tant mieux, mais qu’on n’aille pas faire de ce fantasme masculin une ambassadrice de l’émancipation des femmes. Mais bon, il faudra attendre que la biologie fasse son œuvre sur certaines générations, on dirait... Certains ne changeront plus, la norme patriarcale leur convient trop.
        Je vous laisse retourner vous avachir pas loin du frigo, votre téléphone scotché à la main en attendant la prochaine occasion de vous offusquer pour évacuer vos frustrations et complexes.

        Répondre à ce message

        • Répondu par Pascal Aggabi le 22 août 2020 à  21:58 :

          Détrompez-vous, les mamies aussi savent apprécier le galbe. Mais je ne vais pas vous raconter ma vie de pourchassé...

          Au fond, vous avez raison, burka pour tout le monde, ça c’est de l’ émancipation ! Et ensuite un petit eugénisme biologique, pourquoi faire les choses à moitié ? Que vienne le règne du gras sur le bide, que pas une fesse molle ne dépasse, ça c’est moral ! D’autant que Superman et toute la clique, c’est très surfait.

          Pour le reste, frigo ou téléphone vous seriez bien inspiré(e) de choisir. Les deux ensembles, semblent ne pas trop vous réussir.

          Répondre à ce message

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Jaime Bonkowski de Passos  
A LIRE AUSSI  
Comics  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD