Publié originalement en 1992, Le Désert sans détour est l’un des derniers romans de Mohammed Did (Grand prix de la Francophonie 1994 et Prix Mallarmé en 1998), où il exalte ses dons de narrateur et poète, l’espace d’une petite centaine de pages. Pour cette occasion, Ferrandez (Carnets d´Orient, Suites Algériennes) apporte à ce roman philosophique certaines de ses meilleures aquarelles, directement observées dans le Sahara algérien.
Dès les premières lignes, nous sommes plongés dans un temps mort, un temps blanc dans l’immensité d’un désert qui avale toute trace humaine. C’est là que nous rencontrons nos trois protagonistes : un maître, Hagg-Bar, et son fidèle valet, Siklist. Le premier est arrogant et autoritaire, le deuxième naturel et de bon cœur. Ils forment un duo qui nous rappelle celui de Don Quichotte et Sancho Panza ou encore Vladimir et Estragon, d’En attendant Godot de Samuel Beckett.
Le troisième, est un narrateur nébuleux qui fait valoir sa présence par le biais de commentaires et de précisions, donnant lieu à la sensation ambiguë d’assister à la relation d’un de ses rêves. Nous les accompagnons ainsi durant leur déambulation à la recherche d’une solution à une énigme ancestrale, dans un désert peuplé de fables, d’armes abandonnées et de mirages.
Afin de créer une aura mystique autour du périple de ces personnages baroques, Dib a employé avec finesse un registre empreint de lyrisme, faisant appel au vocabulaire du sacré. Ce cadre surréel permet ainsi au narrateur de poser avec subtilité des questions métaphysiques sur le temps, le sens de la vie ou encore sur le mal enfouit dans le cœur des hommes.
L’univers à la fois contemporain et biblique du roman gagne une vivacité particulière avec les dessins de Jacques Ferrandez, qui lui apportent une touche sensible très appréciée. Pour les réaliser, il a trouvé l’inspiration dans l’Oasis de Taghit au sud de l’Algérie, au cœur du Sahara. Mais, plus que des illustrations, l’auteur des Carnets d’Orient nous propose ici son interprétation des scènes, offrant par moments des paysages somptueux, pleins de la beauté, ou des scènes absurdes, chargés d’un humour burlesque et léger.
En bonus final à cette publication, un cahier d’une vingtaine de pages intitulées « Carnet du désert » où Ferrandez a chroniqué son passage par l’Oasis de Taghit, de même que ses réflexions sur le désert et ses habitants.
Voir en ligne : Écriture de la fragmentation et discontinuité énonciative chez Mohammed Dib dans les romans Le métier à tisser et L’infante maure
(par Jorge Sanchez)
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Le désert sans détour, Mohammed Dib et Jacques Ferrandez. 192 pages en couleur, Éditions Actes Sud Bd, 25€.
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