Ever Meulen est avant tout un illustrateur, un formidable créateur de dessins de presse (pour Humo, le magazine TV flamand), d’affiches, réalisateur de couvertures mythiques, comme celles de Humo, de Raw ou du New Yorker. Retrouvant hier à Nérac son ami François Avril (les deux dessinateurs se connaissent bien : Avril œuvre entre Paris, Bruxelles et Perros-Guirec en Bretagne), il a cette expression parlant de lui et de son complice, dans son français émaillé de flamand : « Nous ne sommes pas des bandedessinateurs… » De fait, Avril et lui ont fait des BD à leurs débuts, mais aujourd’hui, ils sont surtout illustrateurs.
Mais son influence sur le mouvement de la Ligne claire a fait d’Ever Meulen un point cardinal pour une génération de dessinateurs. Regardant hier les affiches exposées dans la rétrospective qui lui était consacrée, Frédéric Bézian qui avait fait dans sa jeunesse ses études à Bruxelles nous dit : « Cette affiche-là, je l’avais détachée du mur où elle était collée ; je l’ai toujours ! » À côté de lui, Peter Van Dongen, l’un des dessinateurs actuels de Blake et Mortimer, commente : « Moi cette affiche-là, il me l’avait donnée quand j’étais allé le voir il y a une trentaine d’années, j’avais 16 ans... ».
Qu’Ever Meulen ait été une des influences majeures du mouvement de la Ligne claire, c’est une évidence. La présence à Nérac de Joost Swarte, venu spécialement pour célébrer le dessinateur belge, le confirme. Ever Meulen était vénéré par la jeune génération. N’avait-il pas dessiné le logo de la collection Atomium de Magic Strip ? Serge Clerc, le « dessinateur-espion » de Métal Hurlant, compagnon de route de Chaland, ou Philippe Wurm, le dessinateur d’une biographie d’Edgar P. Jacobs qui doit paraître chez Glénat en novembre, tous deux également présents hier soir, confirment cette influence.
Car il a beau ne pas être un « bandedessinateur », l’illustrateur bruxellois est directement influencé par la bande dessinée : Jacobs dont il avait découvert, émerveillé, Le Rayon U dans Bravo, Hergé (un peu), Jijé (beaucoup) ou le dessinateur de Tif & Tondu. Willy Vandersteen aussi dont on retrouve dans l’expo une planche parodiée de Suske & Wiske (Bob & Bobette) truffée d’allusions à la fumette dans la droite ligne des farces de Tante Leny Presenteert et de l’humour « déconstructif » d’Yves Chaland et de Luc Cornillon dans Captivant.
Enfin, surtout, en amateur de sports mécaniques, c’est un dessinateur du Journal Tintin aux automobiles rutilantes, Jean Graton, qui cristallisait sa passion. Ever Meulen est d’ailleurs un ami des jumeaux Vanderstricht, architectes érudits de l’automobile, qui étaient les créateurs de quelques-unes des premières Vaillante.
Yves Chaland, Ted Benoît, Serge Clerc, François Avril ont tous croisé le maître dans son garage d’Anderlecht, transformé en atelier de dessin, où trône en majesté sa célèbre Oldsmobile vert Véronèse. Car, en retour, avec ses petites notations graphiques à la Brueghel, ses perspectives à la Chirico, ses typographies à la Raymond Loewy, son influence sur la bande dessinée est considérable.
À ce titre, après Ted Benoît, après Joost Swarte, après Serge Clerc et Floc’h, sa présence à Nérac est une évidence.
Et tant pis s’il n’est pas vraiment un « bandedessinateur ».
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Les Rencontres Chaland ont lieu jusque dimanche soir et les expositions jusqu’au 10 octobre.
Participez à la discussion