Akelarre - Par Manolo Carot - Dynamite (La Musardine)

« Akelarre, histoire de sexe et de sang en Espagne », voici comment débute ce récit qui recèle bien des surprises. Et la première est de taille !... N’ayez pas l’esprit mal tourné, je ne parle pas de la dimension d’appendices sexuels, mais bien de la tournure du premier récit de cet ouvrage.

Car d’entrée de jeu, Manolo Carot fleurte avec les limites en imaginant ce paysan mal dégrossi qui force une jeune femme rencontrée par hasard. Ne soyons pas sots : il y eut bien des époques où une jeune femme ne pouvait pas rester seule au bord d’un chemin sans craindre d’éveiller les appétits lubriques des mâles de passage. En sommes-nous d’ailleurs jamais sortis ?... Mais là n’est pas la question pour l’instant, et revenons à cette belle donzelle plus que malmenée par ce manant. En définitive, elle s’avère être une démone au service de Satan, et avait pour charge de ramener la semence de ce mortel à son maître. La morale est donc sauve si l’on peut dire, car le criminel est puni, de plus par là où il a pêché. Mais l’on saisit également que l’auteur va transgresser plus d’une limite et qu’il vaut mieux arrêter là sa lecture en fonction de son ressenti.

Ce premier récit à la surprenante conclusion n’est pourtant que le début de notre histoire qui se compose de onze épisodes de sept passages. Ce qu’on pensait être de courts récits indépendants, certainement réalisées pour un magazine, et qui auraient été compilés, se révèle rapidement former un tout des plus cohérents. Les personnages qui se succèdent reviennent après une première mise en bouche, afin de former un récit choral qui reste naturellement lubrique, mais également diabolique.

Dans ce Moyen-âge où le diable provoque donc de terribles tentations, Manolo Carlot n’hésite pas à aborder des sujets très osés, de quoi presque provoquer quelque malaise à la lecture, comme les sévices de l’Inquisition, les relations sexuelles au sein de l’Église, la position dominante occupée par cette dernière pour influencer ses ouailles, ainsi que les rapprochements entre frère et sœur. Un dernier sujet particulièrement compliqué en plein @MeTooInceste...

Si l’ensemble doit certainement se lire sur le ton de la parodie envers cette période de l’Histoire assez agitée, il s’agit donc d’une lecture à déconseiller aux âmes sensibles. Pourtant, passé certains sujets malaisants, il y a beaucoup d’humour qui en ressort, ainsi que l’expression de certaines valeurs…

Oui, on évoque bien des valeurs dans cette bande dessinée érotique ! Telle que ce sentiment d’être différente, en physique ou en genre, et de s’accepter en tant que telle. Ou cette question de la beauté, qu’elle soit à l’apparence, à la confrontation, voire à l’opposition lorsque deux royaumes sont prêts à entrer en guerre pour identifier la plus belle de leurs deux princesses. On comprend alors que ce concours de beauté a une fois de plus été instigué par le Malin. De là à faire le lien avec certains concours de beauté contemporains, il n’y a qu’un pas que chaque lecteur franchira ou non.

Difficile donc de cataloguer le récit, souvent humoristique, parfois dans le registre de la critique sociale et/ou de certaines pratiques moyenâgeuses... mais en tout cas toujours érotique. Un récit où le trait très lisible, qui ne fait pas l’économie de gros plans sans équivoque, mais finalement assez bien réalisés.

Réussi dans la forme, même s’il est parfois interpellant sur le fond, Akelarre nous fait rire et réfléchir à la fois, histoire de nous faire prendre conscience que le diable ne se cache pas uniquement dans les détails, et peut prendre des formes perverses dans notre propre vie.