S’il est un phénomène culturel qui a marqué la fin du XXe siècle dans nos contrées, c’est bien l’émergence des mangas japonais dans la culture occidentale. À l’origine, il y a l’animation japonaise qui déboule sur la TV américaine au milieu des années 1950, grâce à une semi-animation qui rendait leur production moins chère que la Full Animation à la Walt Disney qui dominait le marché de la tête et des épaules.
Mais une révolte syndicale en février 1941 fait migrer les meilleurs talents de Disney vers la télévision, une industrie relativement balbutiante qui a alors peu d’argent. Or l’animation traditionnelle à la Disney coûte cher : pour une minute de film d’animation, il faut produire entre 12 images, avec des pointes à 24, par seconde. Les dissidents de Disney produisant pour la TV vont la réduire à moins de 12 et les Japonais entre 4 et 12, avec une moyenne aux alentours de 6. Une production donc beaucoup moins chère et moins exigeante en termes techniques, les premiers écrans de TV de l’époque n’étant de toutes façons pas encore très performants.
Résultat, cette animation « pauvre » cartonne et les TV en achètent en masse. Ces animes arrivent bientôt en France par tombereaux, notamment sur Récréa2 à partir de 1978. Dragon Ball Z, Sailor Moon, Naruto ou One Piece, également parallèlement présents sur les jeux vidéo dont l’industrie émerge au même moment, écrasent la concurrence et conquièrent le monde entier.
Merveilles de l’animation
L’ouvrage de Nathalie Bittinger, « Au Pays des merveilles – Trésors de l’animation japonaise », outre qu’il est excellemment écrit (c’est rare dans ce type de littérature) explique bien la tonalité d’une production marquée par une profonde angoisse existentielle, filant en permanence la métaphore de l’apocalypse.
C’est que, née dans la guerre, la production japonaise est structurée par les catastrophes qui ont émaillé l’histoire du pays du Soleil-Levant : tremblements de terre à répétition, bombes atomiques en 1945, jusqu’au tsunami de 2011 entraînant la catastrophe de Fukushima…
Derrière les chromos : guerres et armes de destruction massive, robots géants, cohabitation avec les fantômes, aliénation urbaine, crise existentielle, permanente struggle for live… sont les thèmes récurrents. L’univers reflété par la Caverne de Platon japonaise est celle d’une anxiété inextinguible qui ne peut s’apaiser que par un imaginaire teinté d’une mélancolie un peu naïve. Dirions-nous que c’est ce qui fait son charme ?
Joli parcours que nous propose cet ouvrage néanmoins, à travers les grands films qui ont marqué l’histoire de l’anime, au débotté : Akira, Le Tombeau des lucioles, Gen d’Hiroshima, Porco Rosso, L’Attaque des titans, Street Fighter II, Metropolis, Blame !, Patlabor, Ghost in the Shell, The End of Evangelion, Mon Voisin Totoro, Cow Boy Bebop, Princesse Mononoke, Le Château dans le ciel, Naruto, Dragon Ball Z, One Piece, Le Royaume des chats, etc. Effet de nostalgie garanti !
Le Shônen Nekketsu pour les nuls
L’ouvrage de Chef Otaku, le youtubeur aux 1,2 millions d’abonnés, vous prend par la main si vous avez une connaissance limitée des mangas : on vous explique la recette de la potion magique à l’origine du succès de la bande dessinée japonaise avec ses grandes figures du Shônen Nekketsu (voir notre Lexique du manga : « Littéralement « sang bouillonnant », c’est le cadre narratif qui est aujourd’hui le plus fréquent dans les shônens »).
Chef Otaku en décrypte les archétypes (le héros, le rival, le senseï, le sidekick…), les mythes fondateurs, les concepts qui la structurent (la puissance, l’initiation, le combat singulier, le tournoi…) et les différents thèmes qui reviennent de façon récurrente…
C’est abondamment illustré, avec les mangas les plus caractéristiques : Asahi No Joe, Saint Seiya, One Piece, Naruto, Dragon Ball, Bleach, My Hero Academia, Hajime No Ippo, Hunter X Hunter, Toriko, Full Metal Alchimist, Boruto, Fairy Tail, Demon Slayer, Jujutsu Kaisen, etc… et expliqué de façon simple. Pas besoin d’être un fan de manga pour y souscrire.
Pour les familiers de ces univers, c’est un parcours parsemé de « madeleines de Proust » mais aussi un manuel bien pratique bourré d’images bien mises en page et bien éditées.
Pour ceux qui veulent faire briller les yeux de leurs interlocuteurs pendant qu’on est en train de découper la dinde de Noël.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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© Hoëbeke - Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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