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La culture japonaise sous le sapin

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 décembre 2022                      Lien  
Les éditions Hoëbeke, qui ne sont pas des manchots quand il s’agit de faire des beaux livres, viennent de publier coup sur coup deux ouvrages de références sur la culture japonaise : un ouvrage sur l’animation nipponne, « Au Pays des merveilles – Trésors de l’animation japonaise » par Nathalie Bittinger, et un autre sur le manga shônen nekketsu « Manga Story » par le Youtubeur Chef Otaku. Deux ouvrages à la tonalité très différente mais qui peuvent se glisser sous le sapin si vous avez un fan de manga ou d’anime dans votre entourage.

S’il est un phénomène culturel qui a marqué la fin du XXe siècle dans nos contrées, c’est bien l’émergence des mangas japonais dans la culture occidentale. À l’origine, il y a l’animation japonaise qui déboule sur la TV américaine au milieu des années 1950, grâce à une semi-animation qui rendait leur production moins chère que la Full Animation à la Walt Disney qui dominait le marché de la tête et des épaules.

Mais une révolte syndicale en février 1941 fait migrer les meilleurs talents de Disney vers la télévision, une industrie relativement balbutiante qui a alors peu d’argent. Or l’animation traditionnelle à la Disney coûte cher : pour une minute de film d’animation, il faut produire entre 12 images, avec des pointes à 24, par seconde. Les dissidents de Disney produisant pour la TV vont la réduire à moins de 12 et les Japonais entre 4 et 12, avec une moyenne aux alentours de 6. Une production donc beaucoup moins chère et moins exigeante en termes techniques, les premiers écrans de TV de l’époque n’étant de toutes façons pas encore très performants.

Résultat, cette animation « pauvre » cartonne et les TV en achètent en masse. Ces animes arrivent bientôt en France par tombereaux, notamment sur Récréa2 à partir de 1978. Dragon Ball Z, Sailor Moon, Naruto ou One Piece, également parallèlement présents sur les jeux vidéo dont l’industrie émerge au même moment, écrasent la concurrence et conquièrent le monde entier.

La culture japonaise sous le sapin

Merveilles de l’animation

L’ouvrage de Nathalie Bittinger, « Au Pays des merveilles – Trésors de l’animation japonaise », outre qu’il est excellemment écrit (c’est rare dans ce type de littérature) explique bien la tonalité d’une production marquée par une profonde angoisse existentielle, filant en permanence la métaphore de l’apocalypse.

C’est que, née dans la guerre, la production japonaise est structurée par les catastrophes qui ont émaillé l’histoire du pays du Soleil-Levant : tremblements de terre à répétition, bombes atomiques en 1945, jusqu’au tsunami de 2011 entraînant la catastrophe de Fukushima…

« Au Pays des merveilles – Trésors de l’animation japonaise » par Nathalie Bittinger - Ed. Hoëbeke
« Au Pays des merveilles – Trésors de l’animation japonaise » par Nathalie Bittinger - Ed. Hoëbeke

Derrière les chromos : guerres et armes de destruction massive, robots géants, cohabitation avec les fantômes, aliénation urbaine, crise existentielle, permanente struggle for live… sont les thèmes récurrents. L’univers reflété par la Caverne de Platon japonaise est celle d’une anxiété inextinguible qui ne peut s’apaiser que par un imaginaire teinté d’une mélancolie un peu naïve. Dirions-nous que c’est ce qui fait son charme ?

Joli parcours que nous propose cet ouvrage néanmoins, à travers les grands films qui ont marqué l’histoire de l’anime, au débotté : Akira, Le Tombeau des lucioles, Gen d’Hiroshima, Porco Rosso, L’Attaque des titans, Street Fighter II, Metropolis, Blame !, Patlabor, Ghost in the Shell, The End of Evangelion, Mon Voisin Totoro, Cow Boy Bebop, Princesse Mononoke, Le Château dans le ciel, Naruto, Dragon Ball Z, One Piece, Le Royaume des chats, etc. Effet de nostalgie garanti !

« Au Pays des merveilles – Trésors de l’animation japonaise » par Nathalie Bittinger - Ed. Hoëbeke

Le Shônen Nekketsu pour les nuls

L’ouvrage de Chef Otaku, le youtubeur aux 1,2 millions d’abonnés, vous prend par la main si vous avez une connaissance limitée des mangas : on vous explique la recette de la potion magique à l’origine du succès de la bande dessinée japonaise avec ses grandes figures du Shônen Nekketsu (voir notre Lexique du manga : « Littéralement « sang bouillonnant », c’est le cadre narratif qui est aujourd’hui le plus fréquent dans les shônens »).

« Manga Story » par Chef Otaku - Ed. Hoëbeke
« Manga Story » par Chef Otaku - Ed. Hoëbeke

Chef Otaku en décrypte les archétypes (le héros, le rival, le senseï, le sidekick…), les mythes fondateurs, les concepts qui la structurent (la puissance, l’initiation, le combat singulier, le tournoi…) et les différents thèmes qui reviennent de façon récurrente…

C’est abondamment illustré, avec les mangas les plus caractéristiques : Asahi No Joe, Saint Seiya, One Piece, Naruto, Dragon Ball, Bleach, My Hero Academia, Hajime No Ippo, Hunter X Hunter, Toriko, Full Metal Alchimist, Boruto, Fairy Tail, Demon Slayer, Jujutsu Kaisen, etc… et expliqué de façon simple. Pas besoin d’être un fan de manga pour y souscrire.

« Manga Story » par Chef Otaku - Ed. Hoëbeke

Pour les familiers de ces univers, c’est un parcours parsemé de « madeleines de Proust » mais aussi un manuel bien pratique bourré d’images bien mises en page et bien éditées.

Pour ceux qui veulent faire briller les yeux de leurs interlocuteurs pendant qu’on est en train de découper la dinde de Noël.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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One Piece Dragon Ball L’Attaque des Titans Akira Hoebeke tout public Etude sur la BD Japon Marché de la BD : Faits & chiffres
 
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8 Messages :
  • La culture japonaise sous le sapin
    18 décembre 2022 13:07, par JF.

    L’article aurait pu s’appeler "La culture japonaise sent le sapin" en référence à notre bonne veille bande dessinée francobelge qui va bientôt en crever !

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    • Répondu le 18 décembre 2022 à  17:04 :

      Ce n’est pas parce qu’on n’est plus les numéros 1 qu’on va crever. Il faut arrêter avec cette vision de la vie qui consiste à penser qu’il n’existe qu’une seule place, la première, en particulier en ce qui concerne la culture.

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      • Répondu par JF. le 19 décembre 2022 à  12:34 :

        Tentez donc d’expliquer ça à la majorité des créateurs de bandes dessinées francobelge qui ne vivent déja plus de leur métier. Je pense notamment à ceux qui oeuvrent dans le secteur de la jeunesse. Aujourd’hui, une bande dessinée sur deux vendue en France est un Manga. Et ce n’est que le début.

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        • Répondu le 19 décembre 2022 à  16:23 :

          Je ne vivais déjà pas à 100% de la BD avant l’arrivée du manga. J’ai toujours fait de la pub pour bouffer en parallèle. Les éditeurs n’ont pas attendu le manga pour diviser par 2 le prix à la planche. En contrepartie, il est plus facile que jamais de publier, la production est énorme et tous les éditeurs font de la BD. Bref la réalité est un peu plus nuancée que de dire seulement « le manga va nous faire crever » et autres constatations aux relents racistes.

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        • Répondu le 19 décembre 2022 à  16:35 :

          Les dessinateurs franco-belges, j’ai seulement envie de leur dire la même chose qu’aux musiciens de rock quand le rap est devenu massif : désolé les gars, vous en avez bien profité mais les temps ont changé. C’est la vie. Mon père était typographe. Quand le Macintosh est arrivé en 1990, il avait déjà 57 ans. Trop tard pour se reconvertir…

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          • Répondu le 20 décembre 2022 à  07:16 :

            On a même l’impression que cela vous fait plaisir….

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          • Répondu le 20 décembre 2022 à  13:11 :

            Je ne sais pas si vous êtes au courant mais les concerts de rock sont plein de monde… ce sont les disques qui ne se vendent plus.

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            • Répondu le 21 décembre 2022 à  00:29 :

              Le truc ironique c’est que la BD franco-belge est traversée par des polémiques totalement rances et stériles à base de censure, de lynchage collectif et d’ordre moral auto-proclamé, pendant que les enfants et ados français et belges achètent et lisent en masse des BD venues du Japon, pays d’une culture tout à fait différente, beaucoup plus patriarcal que nos pays, et absolument pas aligné sur nos préoccupations en matière de droits des femmes et des enfants… sans même parler de la violence physique et psychologique omni-présente dans les mangas et de leur obsession quasi-constante pour les très jeunes filles, généralement représentées de façon hyper-sexualisée.

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