« La Quête de l’Oiseau » du Temps est à la bande dessinée fantastique ce que Led Zeppelin fut au hard rock : un classique instantané, qui engendra des dizaines d’ersatz de moins en moins passionnants. Car lorsque Régis Loisel et Serge Le Tendre publient le premier album de cette saga, au début des années 1980, l’héroïc fantasy francophone se résume à peau de chagrin. Il y a quelques titres épars (comme « Légendes des contrées oubliées » de Ségur et Chevalier, un des premiers succès des éditions Delcourt), mais le fantastique n’a pas encore explosé auprès du grand public. En germe, il y a dans La Quête tout ce qui fera le succès du manga shonen et des trois quart des séries des éditions Soleil : de l’aventure, une quête initiatique, un parcours fait de courage, de dépassement de soi... Mais la série se distingue par un supplément d’âme peu commun : l’équilibre parfait entre l’intrigue de Le Tendre et le dessin de Loisel, qui fixe pour une génération les canons du genre. Quatre tomes, parus entre 1983 et 1987 font dates, avant que Loisel ne se penche sur un « Peter Pan » certainement plus adulte.
Désireux de prolonger la série, selon le modèle narratif de « Star Wars », Loisel et Le Tendre imaginent dix ans plus tard une préquelle qui raconte la jeunesse de personnages. Plusieurs dessinateurs se succèdent sur ce cycle (Lidwine, Aouamri) mais ce n’est qu’avec l’arrivée de Vincent Mallié, qui se glisse dans le style Loisel avec aisance, que la série paraît enfin avec régularité, jusqu’à l’épisode final « Le Chevalier Bragon », paru fin 2013.
Certes, l’exaltation adolescente n’est plus la même trente ans après les débuts, mais « La Quête de l’Oiseau du Temps » a petit à petit acquis ses gallons de classique de la bande dessinée populaire, sans produire à tout prix des suites de moindre qualité. Ce dernier album boucle le chemin de Bragon, apprenti en passe de devenir maître ; comme un éternel recommencement fantastique.
(par Morgan Di Salvia)
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