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Japan Expo 2023 : L’éditeur NihoNiba vous dévoile les coulisses du marché du Hentai en France [INTERVIEW]

Par Nickyl le 6 août 2023                      Lien  
À l’occasion de la Japan Expo 2023, l’éditeur NihoNiba a aimablement accepté de répondre à nos différentes questions : un entretien éclairant sur le marché du Hentai en langue française et sur les perspectives d’avenir de l’éditeur.

Une journée d’été à la Japan Expo. Il fait chaud, très chaud comme à l’accoutumée dans les halls, mais cela n’a pas découragé les responsables éditoriaux de l’éditeur NihoNiba de nous offrir de leur temps, malgré une activité interrompue sur leur stand. Ils répondent à nos questions.

Japan Expo 2023 : L'éditeur NihoNiba vous dévoile les coulisses du marché du Hentai en France [INTERVIEW]
Le stand du groupe Euphor (Ototo, Taifu Comics, Ofelbe, NihoNiba) à la Japan Expo 2023
Source : compte Twitter @Pointmanga

Pour cet entretien, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Madame Tournaire Guille, éditrice de la collection NihoNiba, et Monsieur Huchez, manager et directeur éditorial des collections du groupe Euphor (Ototo, Taifu Comics, Ofelbe, NihoNiba).

- Merci pour votre disponibilité à l’occasion de cette Japan Expo 2023. Pour débuter cet entretien, comment décririez vous la collection NihoNiba au regard de ses quatre années d’existence ?

Mme Tournaire Guille : C’est une collection qui cherche à apporter aux lectrices et aux lecteurs français le Hentai dans sa diversité, en publiant des titres de qualité et en ayant une politique d’auteurs.

M. Huchez : Elle fait suite à une collection chez Taifu Comics, qui était la collection « Hentai sans interdits ». Celle-ci a perduré quelques années et pariait sur la quantité. Beaucoup de titres ont été publiés durant les quatre ans d’existence de cette collection. Nous sommes arrivés à un moment où le marché était à saturation au niveau du Hentai et nous cherchions à nous renouveler. Cela a pris près de deux ans de pause entre la fin de Hentai sans interdits et le début de NihoNiba où nous avons voulu donner une fraîcheur à la collection Hentai, en ciblant des auteurs et des autrices qu’on trouvait intéressants, mais aussi des thèmes que nous souhaitions explorer dans le domaine.

Publiés précédemment dans la collection Hentai sans interdits, des albums de l’artiste Yamatogawa sont arrivés dans les collections NihoNiba et OHNI à l’occasion de la Japan Expo 2023.
Source : compte Twitter @niho_niba_FR

Pourriez-vous nous raconter lle secret du jeu de mots qui est derrière le nom de la collection NihoNiba ?

Mme TG : On m’a demandé de réfléchir à un nom pour cette nouvelle collection et j’en ai proposé plusieurs qui étaient plus ou moins originaux. Après avoir transmis la liste, mon patron m’a appelée et m’a dit : « J’ai choisi le nom de la nouvelle collection. Prenez de quoi noter : NihoNiba. » L’ayant placé dans la liste, à mes yeux, c’était un jeu de mots dont je ne voyais pas forcément le potentiel. C’était drôle, mais lui a vu tout de suite l’intérêt de ce nom qui est utile pour le référencement, qui a un impact qui fonctionne bien. Nous avons à la fois un jeu de mots en Français et aussi en Japonais. C’est quelque peu du « Franponais » : on a Nihon, qui signifie « Japon », et Hiba, qui signifie « Débridé ».

Quel est le processus type de l’acquisition d’un nouveau titre pour la collection NihoNiba ?

Mme TG : Il y a trois possibilités. Cela peut être des partenaires japonais qui nous proposent des titres : on étudie leurs propositions et on voit ce qui peut nous plaire ; c’est un procédé assez classique. Il se peut aussi que nous regardions de nous-mêmes l’actualité de nos partenaires, voire de partenaires avec lesquels on ne travaille pas encore et qui possèdent des titres que l’on chercherait à acquérir. Il arrive aussi, comme dans le cas de Is my hobby weird ?, qu’on repère un titre que l’on ait envie de publier et que l’on contacte directement le ou la mangaka. Dans cet exemple, on ne parvenait pas à savoir qui avait les droits et donc on a contacté l’autrice pour lui poser la question : il s’avérait qu’elle avait récupéré les droits de son titre, ce qui nous a permis de négocier directement avec elle. C’est un cas assez rare.

Quel est le titre de la collection NihoNiba qui vous a rendu le plus fier, en tant qu’éditeur ?

Mme TG : Personnellement, deux titres m’ont beaucoup marquée. Il y avait bien évidemment le fait de publier Métamorphose de Shindo L, qui est typiquement le genre de Hentai que l’on a envie de promouvoir. Nous sommes face à une histoire complète avec un style graphique magnifique. C’est un auteur qui réussit très bien ses scènes de sexe, mais qui fait aussi preuve de profondeur dans ses histoires. Métamorphose est critique vis-à-vis de la société japonaise : c’est un titre qui parle véritablement du Japon, et c’est ce que l’on recherche dans notre collection. L’enjeu est à la fois de fournir à nos lecteurs des titres de qualité, qui remplissent aussi leurs attentes sur le plan érotique, mais qui soient une nouvelle manière pour eux de découvrir le Japon et la culture japonaise.

Il y a aussi Is my hobby weird ? car il fut singulier dans le processus d’acquisition des droits et que l’on voulait faire quelque chose de spécial autour de ce titre. En effet, la couverture originale japonaise n’est pas du tout la même que la couverture française : nous avions demandé une illustration originale à l’autrice. Ce fut intéressant d’avoir ces échanges pour cette nouvelle jaquette. Nous avons décidé d’avoir ce dessin qui est évocateur au regard de son contenu lesbien. Quelque chose m’a frappée quand l’autrice nous a envoyé l’illustration : beaucoup d’Hentai aujourd’hui publiés ont des auteurs masculins et on ressent le Male Gaze, mais ici, en dessinant ces deux femmes qui regardent le lecteur, l’autrice nous fait ressentir qu’il ne s’agit pas forcément d’une invitation mais plutôt qu’on les dérange. J’ai trouvé intéressant le fait que l’autrice nous propose cette illustration-là et pas une autre. Nous avons utilisé la jaquette japonaise pour imprimer une carte que nous avons ensuite insérée à l’intérieur de l’album afin d’offrir un contenu supplémentaire.

Au cours de l’année 2022, vous avez présenté des titres aux romances uniquement lesbiennes que sont Le Miel des jeunes filles en fleurs et Is my hobby weird ?. Est-ce que cette démarche éditoriale inédite a rencontré son public ? Si oui, est-ce que nous pouvons nous attendre à de nouveaux titres dans la même veine au cours des prochains mois ?

Mme Tournaire Guille : Je pense que cette démarche éditoriale a rencontré son public. C’était une idée globale parmi nos maisons d’édition car Taifu Comics édite à la fois des Yaoi (des histoires d’amour entre jeunes hommes, souvent avec des scènes de sexe) et des Yuri (des romances lesbiennes), et nous éditions jusque-là des mangas au contenu très majoritairement hétérosexuel. Il y avait une demande du côté du public Yuri d’avoir aussi des histoires d’amour entre femmes avec plus de sexualité. Le but était aussi au sein même de NihoNiba de montrer la diversité que l’on pouvait offrir, avec par exemple des personnages ayant d’autres orientations sexuelles.

Il faut savoir que les titres lesbiens pornographiques sont très rares au Japon, ce fut un challenge d’en trouver. C’est pour cette raison qu’il risque de ne pas y avoir de nouveaux titres similaires dans les mois à venir. Comme l’expliquait Shindo L dans l’interview présente dans The Pink Album, les éditeurs japonais ont tendance à bloquer ce genre de projet. Cette anecdote témoigne bien de la frilosité des éditeurs japonais à l’encontre des romances lesbiennes pornographiques.

Pourriez-vous nous présenter les différents titres qui font l’actualité du stand NihoNiba à l’occasion de cette Japan Expo 2023 ?

Mme TG : Nous avons notamment nos trois dernières parutions. Il y a Drop Out, dont l’histoire se passe dans un Japon dystopique et qui a été réalisé par Fan no Hitori, un auteur inédit en France. Nous sommes ici face au côté extrême du spectre : dans un Japon qui souhaite enrayer une forte baisse de la natalité, les autorités décident de trouver un moyen d’utiliser les personnes qu’elles estiment inutiles dans la société en mettant en place un programme d’esclaves sexuels. C’est un titre que l’on a placé dans la collection OHNI car il y a un côté dystopique, science-fiction, mais aussi des Monster Girls dans des histoires adéquates. Comme la politique éditoriale de NihoNiba est de présenter la diversité du Hentai, nous nous donnons pour objectif de présenter des titres dans les marges, avec des fantasmes spécifiques, du fantastique ; mais aussi des choses qui sont plus soft. C’était important pour nous de publier ce titre car il a pas mal marqué l’imaginaire Hentai chez ce genre des lecteurs et des lectrices.

Ensuite, nous avons Anal Studies, qui est une histoire en un tome et qui, comme son nom l’indique, est centrée sur l’anal. Ce qui nous a beaucoup intéressés avec celui-ci, c’est qu’il s’agit de l’histoire de quatre jeunes femmes qui se rencontrent dans une salle de sports, deviennent amies et découvrent finalement qu’elles s’intéressent toutes à l’anal. On a plusieurs profils différents : l’experte qui pratique régulièrement et soigneusement, celle qui fait les choses de manière spontanée et n’importe comment, celle qui pratique la sodomie sans s’en rendre compte et pour finir, celle qui n’a aucune expérience mais ne rêve que de ça. On a ces quatre destins qui se croisent dans une histoire racontée au présent, mais qui inclut aussi des parties où elles discutent et partagent (ou non) leurs expériences, et les lecteurs accèdent à tous ces récits. C’était intéressant d’avoir un Hentai où les femmes ont une place plus centrale que dans d’autres titres, où on aurait notamment un jeune homme au centre et un panel de jeunes femmes autour. Ce n’est pas le cas ici et c’est rafraîchissant d’avoir cette démarche-là.

Pour finir, on a Primal : nous sommes très fiers de sortir Rocket Monkey en France, car il s’agit d’une première alors qu’il est une figure importante du Hentai. Il a la spécificité d’être connu pour ses MILF et son dessin très sensuel, avec des femmes qui sont loin des standards que l’on peut trouver des fois dans le Hentai, avec des corps très lisses. Ici, on va davantage montrer le poids des seins, les courbes, les petits ventres ; c’est un auteur que l’on apprécie beaucoup pour cela mais aussi pour ses histoires. Ici, on a une histoire typique de ce l’on appelle parfois Oyakodon, qui désigne en Japonais le nom d’un plat constitué d’œuf et de poulet. Cela veut dire « Parents et enfants ». Nous avons un jeune homme qui s’est lié d’amitié avec une mère et sa fille : alors qu’il se trouve un jour malheureux, la mère et la fille tentent de lui remonter le moral de la même manière, sans qu’elles sachent ce que l’autre fait. Ce jeune homme va se retrouver à faire l’amour à la mère et à la fille, qu’elles aiment tout autant jusqu’à ce qu’elles le découvrent. Ensuite, il y aura du Drama.

Source : compte Twitter @niho_niba_FR

M. Huchez : On peut notifier que c’est un titre édité au Japon par un éditeur qui s’appelle Core Magazine, qui est un éditeur qui ne souhaite pas voir ses titres être publiés à l’étranger ou au Japon de manière non censurée. Nous proposons du non censuré, mais nous estimons que ce titre mérite d’être publié, que cela ne doit pas être un frein. On l’indique juste sur notre logo, avec les tétons du logo qui sont masqués par de petites croix pour indiquer aux lecteurs que ce livre, et d’autres qui arriveront, contiennent de la censure.

Mme TG : Cela nous semblait pas nécessaire, ou pertinent, de créer une collection avec des titres uniquement censurés car aujourd’hui, et depuis quelques années, le lectorat du Hentai est, je pense, de plus en plus ouvert et à la recherche de bons titres. Clairement, celui-ci en fait partie. Les réactions que nous avons eues ici à la Japan montrent que la censure n’est pas un problème, comme cela aurait pu être le cas quelques années plus tôt. Cela fait plaisir.

Pourriez-vous, même si la discrétion est probablement de mise, nous suggérer des pistes concernant les futurs titres à attendre de la part de la collection NihoNiba ?

M. H : Qu’est-ce que l’on peut dire… Chez NihoNiba, et globalement chez Taifu Comics ou Ototo, on cherche toujours à éviter la redite et, au contraire, de proposer à chaque fois des choses nouvelles. On voit avec la collection NihoNiba que l’on n’est pas dans la quantité, et si on regarde les titres individuellement, on se rend compte finalement que chacun a sa particularité. On n’entre pas dans une similarité où chaque titre va être par exemple un recueil de cinq-six histoires, dans un cadre universitaire où ça peut être vite redondant pour beaucoup de titres de ce genre. On essaye à chaque fois de proposer soit un cadre différent, soit une patte d’auteur qui est suffisamment forte pour réutiliser ces thèmes. Pour le futur, là nous sommes encore en discussions mais on espère avoir des auteurs qui n’ont pas encore été publiés en France, mais qui ont une aura très forte dans la communauté Hentai. Comme Rocket Monkey, mais je ne veux pas en dire trop. On peut espérer en tout cas des auteurs qui ont un fort potentiel sur le marché français, qui n’ont pas encore été publiés et qui pourraient arriver dans un futur proche.

Mme TG : Il y a également le suivi de titres d’auteurs que l’on a déjà publiés et qui continuent de proposer de très bons titres.

M. H : Je terminerai en disant que le Hentai, aujourd’hui, ne se lit plus uniquement parce que c’est une histoire pornographique, mais parce que les auteurs et les autrices apportent un style graphique, un style narratif, qui est tout à fait pertinent, intéressant, et que l’on peut le lire uniquement pour cela, pour découvrir de nouvelles façons de raconter des histoires. Si vous avez dix-huit ans, il faut essayer de lire un Hentai. (Rires)

(par Nickyl)

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