Ce que le jour doit à la nuit – Par Stella Lory & Marion Duclos, d’après Yasmina Khadra – Ed. Steinkis

C’est la ruine pour Issa : le patriarche de la famille doit se rendre à l’évidence, il faut rejoindre la capitale pour tenter de trouver un travail. Souhaitant s’en sortir seul, il refuse l’aide de ses proches et préfère se refaire seul, quitte à héberger d’abord sa famille dans un taudis à l’hygiène déplorable. Mais il est incapable de nourrir sa famille. Il confie alors son fils Younes à son frère Mahi, pharmacien, marié à une Française chrétienne. Ils sont des « roumis », c’est-à-dire des Français vivant en Algérie, les futurs pieds-noirs. Dans cette communauté aisée, Younes, devenu Jonas, est vite accepté. Il faut dire qu’avec son physique avantageux et ses grands yeux bleus, il ne passe pas pour un « Arabe ».

Fréquentant une école française et éduqué « à l’occidentale », Jonas semble oublier progressivement sa vie d’avant. Mais il lui est tout de même difficile de renier ses origines et de trouver sa véritable place. Si certains « camarades » de classe lui rappellent qu’il est Arabe, des amours naissantes l’intègrent à sa nouvelle communauté. Mais celle-ci est elle-même hétérogène, car Mahi sympathise avec des indépendantistes. Le jeune garçon est-il Younes ou Jonas ?

Cet ouvrage, adapté du roman poignant de Yasmina Khadra (publié en 2008), nous plonge dans l’Algérie des années 1930 jusqu’à l’indépendance en 1962, en passant par la période de guerre, qui bouleverse encore Jonas qui doit quitter Oran. On y parle d’identité, de déracinement, de quête d’équilibre dans un environnement instable et incertain. Il est également question d’amour dans cette historie qui superpose roman historique, journal intime et drame.

Le choix de Stella Lory est probablement de laisser les événements politiques en arrière-plan pour se centrer sur les destins des individus. L’approche est donc principalement centré sur les émotions – le roman originel n’en manque pas – au détriment, parfois, d’éléments de contexte qu’il aurait été opportun de rappeler, d’autant que les faits s’enchaînent vite qu’on a parfois du mal à situer chronologiquement les événements.
Au dessin, le trait de Marion Duclos surprend dans un premier temps : très coloré, parfois avec un décor minimaliste, il semble s’adresser à un public jeune. Cependant, à mesure que la lecture avance, le contraste entre cette luminosité et la noirceur de certaines péripéties offre un effet tout à fait intéressant qui se marie bien avec le parti-pris exposé précédemment, et cet alliage propose dès lors un album très cohérent.