Daniel Maghen en parlait depuis trois ans, mais les albums tardaient à se montrer. Depuis la semaine dernière, c’est chose faîte puisque Ewen de Tiburce Oger et Andreï Arinouchkine et Les Nuits Écorchées de Régis Penet sont disponibles en librairie.
La collection qui s’appelle tout simplement Bande dessinée vient se juxtaposer aux livres d’illustrations et aux biographies en images (Virages, Entracte et Echo, des ouvrages de grande qualité que nous avons évoqués dans nos pages) que Daniel Maghen a lancés en 2005. Heroic Fantasy, polar, récit historique, roman futuriste, BD gothique… Bande Dessinée se veut être une collection éclectique, où se côtoient des auteurs contemporains aux styles et origines très différents.
Dans un marché qui compte déjà 254 maisons d’édition et plus de 3300 nouveautés par an [1] le positionnement du galeriste parisien a de quoi surprendre. "Je ne raisonne pas vraiment en termes de marché. Je fonctionne au feeling." déclare Daniel Maghen. "À partir du moment où j’ai un coup de cœur pour le dessin d’un auteur je prends le risque de l’éditer. J’estime qu’un bon projet, avec une qualité graphique exceptionnelle trouvera forcément sa place. Il n’y a pas de raisonnement commercial à condition que les auteurs aillent le plus loin possible dans leur démarche graphique, quitte à leur donner plus de temps, comme ce fut le cas pour Arinouchkine, qui a eu besoin de plus de trois ans pour faire Ewen, Le but de cette « aventure » est de faire des ouvrages qui correspondent complètement au style et au génie créateur des auteurs. L’édition d’albums est pour moi l’aboutissement d’une passion, celle de la bande dessinée."
Une passion qui l’a poussée à passer de simple collectionneur à galeriste professionnel : plus de 300 auteurs lui confient désormais la vente de planches originales.
"Les métiers de galeriste et d’éditeur sont tout le temps entrecroisés, ils cohabitent et s’enrichissent l’un l’autre. En allant chez les auteurs pendant des années et en regardant des milliers de planches de tous les grands noms du 9e art, j’ai acquis une culture solide de ce métier. Ceci me permet aujourd’hui d’assumer la direction éditoriale de mes projets, de les manager et d’interagir avec mes auteurs en ayant un regard global et posé sur le processus de création d’une bande dessinée." explique Daniel Maghen.
Le fait de pouvoir mettre ensuite en avant ces albums, en exposant les originaux à la galerie, est une valeur ajoutée, pour les auteurs et pour les lecteurs. "C’est une autre approche d’une œuvre qui sort des pages du livre pour s’installer au mur. ".
Chez Daniel Maghen, les albums de bande dessinée se doivent d’être en grand format, avec une haute qualité d’impression sur du beau papier et, dans la mesure du possible, comporter des cahiers supplémentaires à la fin de l’album. C’est le cas pour Ewen où 32 pages d’illustrations et de crayonnés mettent en relief le somptueux graphisme du Biélorusse Arinouchkine.
Diffusés par La Diff/Volumen, Ewen et Les Nuits Écorchés ont bénéficié d’un tirage respectif de 11000 et 7000 exemplaires pour une mise en place en librairie de 7500 et 5500 exemplaires. Avec un prix moyen de vente de 15 euros et une quinzaine d’albums en préparation, l’investissement est important pour une maison d’édition de cette taille.
"À partir de 2009 nous publierons entre 8 et 10 albums de BD par an. Cela dépendra essentiellement du rythme de travail des auteurs, certains vont plus vite que d’autres. Mais je préfère leur donner tout le temps nécessaire pour obtenir un résultat optimal. Je suis très exigeant sur la qualité graphique, vous l’aurez compris, il faut donc que je sois convaincu à 100% du résultat avant de l’imprimer. Je veux des albums avec une âme, chaleureux, très humains, avec un côté manuel, artisanal, et qui ne ressemblent pas à certaines BD sur les rayons des librairies qui semblent faites à la chaîne, avec des couleurs plates et impersonnelles.".
Patrick Prugne, Enrique Corominas, Amar Djouad et Ana Koehler sont d’ores et déjà annoncés pour l’année prochaine. Les choix éditoriaux se font principalement sur le dessin.
"Le critère principal, c’est un graphisme irréprochable et qui doit me plaire. Ensuite tout sera mis en œuvre pour que le dessinateur puisse exprimer tout son potentiel dans l’album. D’ailleurs, les scénaristes s’adaptent le plus possible aux souhaits et aux envies des dessinateurs. Dans le cas d’Arinouchkine par exemple, il voulait absolument dessiner une épopée, avec une princesse, des paysages de neige, dans un univers inspiré par le Seigneur des Anneaux. Tiburce a ainsi crée une histoire sur mesure, avec beaucoup de scènes d’extérieur, peu de cases par page et des personnages qui ont permis à Arinouchkine de coucher sur le papier toutes ses idées géniales, sans limite.".
Daniel Maghen nous donne rendez-vous dans un an pour un premier bilan. D’ici là, de nouveaux titres seront publiés : Deux Vies d’Eberoni, Apocalypse de Malnati en septembre 2008 puis le tome 2 des Nuits Écorchées à la fin de l’année.
(par Laurent Boileau)
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Photos © L. Boileau
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[1] Chiffres © Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée.)
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