Fin de règne - Par Chappatte - Ed. Les Arènes

5 juin 2024

Le personnage se tient vouté, triste, hagard. Il tient dans la main une rose en berne elle aussi. Un crayon cassé git à ses pieds. De l’autre côté, une montagne de fleurs et des hommages posés là. Un portrait trône au milieu de cet amoncellement végétal : celui de Cabu. « Sans l’humour, on est tous mort ».

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Ce dessin de presse signé de Chappatte est paru en 2018 dans le New York Times. Il commémore les attentats commis contre Charlie Hebdo et rend hommage à toutes les victimes de la liberté d’expression, aux morts victimes de ceux qui contestent le droit au blasphème. On y constate la force et la puissance de ce que l’on a l’habitude de nommer la caricature. Mais qui est le plus caricatural ? Un dessin satirique qui dénonce l’absurdité des Hommes en exagérant à peine leurs attitudes et leurs idées, ou un assassin qui tue d’une balle dans le dos, en traitre, au nom d’un dieu dont il s’est autoproclamé vengeur ?

Ce dessin clôt un catalogue - devrait-on dire un recueil - d’œuvres du dessinateur d’origine libano-suisse né au Pakistan et qui a travaillé pour les plus grands journaux nationaux et internationaux : Le Canard enchaîné, Der Spiegel, The Boston Globe, Le Temps ou NZZ am Sonntag.

Véritable banque d’images, l’ouvrage rassemble des centaines de dessins parus ces trois dernières années qui couvrent l’ensemble des grands faits de l’actualité récente : la guerre en Ukraine et la violence poutinienne, les élections aux Etats-Unis et la défaite contestée de Trump, la montée des périls climatiques et environnementaux, le scandale de la découverte de pratiques pédophiles dans l’Eglise, les péripéties de la politique française, la crise des gilets jaunes ou le sort des femmes, notamment dans les dictatures religieuses…

L’œil acerbe et sans concession de l’artiste parvient souvent mieux qu’un long pamphlet à mettre le doigt là où ça fait mal. Il embarque le spectateur dans une réflexion sans équivalent qui aiguise l’esprit critique si hostile à tout extrémisme.

Certains dessins de Chappatte ont eux aussi connu les foudres des censeurs et des gardiens de la foi et du monopole de la bonne croyance ou de la bonne idéologie. Chappatte en fait état à trois ou quatre reprises et explique, documents à l’appui, la polémique dont il a été victime et les justifications qu’il a dû apporter pour se défendre de toute accusation de racisme ou d’islamophobie.

Un ouvrage nécessaire et unique qui permet de revivre les faits récents à travers les yeux de l’humour et de l’irrévérence propres à la tradition française et démocratique de la liberté de la presse chèrement acquise aux cours des siècles passés et qui est en grand danger de nos jours.

(par Romain BLANDRE)

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