Le Groenland est une île d’une superficie équivalente à l’Arabie Saoudite. Pays autonome, toujours sous protectorat du Danemark, situé entre océan glacial et atlantique, il est l’objet de grandes manœuvres géostratégiques. Ainsi L’ex-Président Trump avait déclaré vouloir acheter ce territoire sans même demander l’avis de ses 55 000 habitants.
Et d’ailleurs qui sont-ils ces Groenlandais, ces gens de culture Inuit, évoluant dans un climat et une nature extrême, qui ont vécu et s’apprêtent à vivre encore bien des bouleversements ? Avec Ivalu, l’ambition de Martin Dürr et Lars Horneman n’est sans doute pas de représenter l’ensemble du peuple de l’île. Mais tout du moins de poser un contexte global et de se focaliser vers un drame particulier à valeur illustrative.
À notre époque, dans une petite vile côtière, on annonce la visite de la Reine du Danemark « à son ancienne colonie ». Pour cet accueil royal et comme toutes ses camarades de classe, Pipaluk troquera son jean quotidien pour le costume traditionnel inuit. Et puisque la fillette a grandi, elle enfile la tenue de sa grande sœur Ivalu qui ne s’est pas montrée au foyer ces derniers jours. « Ça lui apprendra à disparaître », souffle leur père s’éveillant d’une beuverie.
Mêlant imaginaire et dure réalité, c’est guidée par un corbeau que Pipaluk part sur la piste d’Ivalu et donne à explorer ce que le folklore d’apparat dissimule : des étendues de mer, de roche et de neige saccagées par l’appropriation sans scrupule. Ébranlé, le fragile équilibre social d’une nation emporte les individus jusqu’à l’insondable.
Les auteurs déroulent leur tragédie dans un quasi-silence. Comme s’il traversait une vallée aux bruits étouffés par la neige, le lecteur perçoit mieux les souffles de douleur des personnages. Avec ce beau volume qui convient aussi bien aux adultes qu’aux adolescents, ce territoire semble un peu plus proche.
(par Laurent Melikian)
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Ivalu par Morten Dürr et Lars Horneman, éd. Sarbacane, 124 pages, 19,50 €
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