Frank Thorne était né le 16 juin 1930 à Rahway (État du New Jersey) aux États-Unis. « Tout ce que j’ai toujours voulu être, c’est dessinateur ! » disait-il souvent en interview quant on l’interrogeait sur sa vocation et son enfance, même si la bande dessinée n’était pas la profession la plus respectable à l’époque de son adolescence. Pas de quoi l’arrêter. C’est pourquoi il s’était inscrit, dès l’âge requis, à une école d’art : The Art Career School, à Manhattan.
Dessinateur, encreur, scénariste, parfois coloriste, Thorne disait ainsi aimer se charger de tout faire sur une page de BD, ce qui est assez rare dans le monde des comics où ces tâches spécifiques sont assez séparées, avec divers intervenants spécialisés. Les artistes qui l’ont influencé à ses débuts sont les dessinateurs Alex Raymond, Hal Foster et le moins connu, mais excellent Neil O’Keefe qui, tous, officiaient en tant que dessinateurs dans les journaux quotidiens.
Thorne qui n’aimait pas du tout les super-héros, même s’il en a fait un peu, s’est avant tout illustré en posant ses crayons, pinceaux et plumes, avec une carrière qui s’est étalée sur près de huit décennies, sur de nombreux genres différents. Comme des histoires d’aventure, de guerre, de mystère, d’horreur, d’épée et de sorcellerie, de comics de jungle ou le western. Si on lui demandait s’il avait un genre favori, il répondait, toujours avec le même enthousiasme, tant il aimait son travail : « J’ADORE dessiner des femmes ! » Alors peu importe le sujet, du moment qu’il pouvait en dessiner autant que possible.
C’est sans aucun doute pourquoi Frank Thorne était surtout connu, et reconnu, pour sa belle prestation sur le personnage de Marvel Comics Red Sonja. La rousse guerrière hyrkanienne dont il était immédiatement tombé amoureux, en la dessinant. On y reviendra.
Mais au fil des ans, Frank Thorne avait travaillé pour pratiquement tout le monde dans l’industrie des comics : DC Comics et Marvel, Dell Comics, Warren Publishing, Gold Key, Seaboard, Archie Comics... Principalement sur Dracula, Moby Dick, Tarzan, The Phantom et Enemy Ace.
Cependant, le bouillant artiste avait commencé assez calmement sa carrière chez Dell et Standard Comics en 1948. Standard Comics pour qui, précisément, il dessinait des BD romantiques. À 20 ans, diplôme en poche, il s’était ensuite présenté dans les bureaux du syndicate King Features, avec un dossier plein de dessins.
Là, on lui a confié la destinée du strip quotidien et de la page du dimanche (colorée par ses soins) du personnage policier Perry Mason. Un travail dans les journaux comme ses premières idoles du dessin, chaque semaine pendant près de deux ans, emploi qui de plus sonnait comme être le Saint Graal à l’époque, puisque le salaire était énorme !
Il a également travaillé sur un certain nombre de bandes de journaux, y compris Flash Gordon et Jungle Jim d’Alex Raymond dont il a longtemps gardé un style proche, The Green Hornet et bien d’autres comme Dr. Guy Bennett/Dr. Duncan, de 1957 à 1963, pour La Fave Newspaper Features.
Mais c’est surtout son travail dans les années 1970, alors qu’il a développé son propre style depuis un moment, qui lui amènera la reconnaissance. Là, il a dessiné la plupart des séries dérivées de Conan, personnage à l’énorme succès de Marvel Comics, dont bien sûr Red Sonja qu’il chérit tant. Personnage dont il va se charger d’animer la plupart des aventures dans le comics qui va lui être dédié en cette fin de décennie ; pour ensuite en donner une version plus conforme à sa vision, mais pas du tout conforme à la ligne éditoriale, plus mesurée, de Marvel.
C’est pour ça qu’il quitte, en 1978, cet éditeur pour créer Ghita of Alizzar, une version plus adulte de Sonja, sa fameuse version plus libre, et aussitôt devenir un des principaux représentants du genre Heroic Fantasy érotique.
Après cela, il a créé un certain nombre de bandes dessinées plus ou moins érotiques, où s’expriment son amour pour la fable et la Fantasy ou la SF, dont "Moonshine McJugs" pour Playboy, "Lann" dans le magazine Heavy Metal , "Danger Rangerette" dans National Lampoon et la mini-série "Ribit" pour Comico Comics. Ainsi que les albums au format romans graphiques de Fantagraphics Book "The Iron Devil", "The Devil’s Angel" et une bande historique "The Illustrated History of Union County".
Tout une gamme de comics où il peut parfaitement exprimer son goût profond pour le dessin des femmes, d’abord, de l’action, des univers improbables avec des personnages grotesques, inquiétants ou à côté de la plaque, des barbares, des guerrières, des sorciers. Avec son dessin à l’encrage profond et rugueux, à la sensualité débordante et la juste distance nécessaire.
Un ensemble pour lui de simples jouets, même si tapageurs, pour l’éternel enfant de douze qu’il n’a jamais cessé d’être. Dessiner, jubilatoirement, ne pouvait en effet rien contenir de grave à ses yeux.
Quand on lui demandait, avec les années qui, malgré tout, passent, s’il avait l’intention de prendre sa retraite, alors qu’il continuait à réaliser des commissions, ces commandes particulières de fans, invariablement il répondait : « Je n’ai jamais eu l’impression de travailler en dessinant, alors comment puis-je prendre ma retraite ? »
(par Pascal AGGABI)
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