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La collection de bande dessinée numérique "RVB" souhaite se pérenniser grâce au financement participatif

Par Frédéric HOJLO le 30 septembre 2019                      Lien  
La Collection RVB, lancée en 2018 par Yannis La Macchia, propose une "bande dessinée numérique de création". Interactive tout en privilégiant la logique de lecture, elle renouvelle l'usage du numérique mais aussi la façon de créer et de lire une planche de bande dessinée. Indépendante, la Collection RVB a besoin de soutien pour durer et se développer, d'où le recours au financement participatif. Passer par le numérique pour favoriser la bande dessinée numérique, quoi de plus logique ?

Où en est la bande dessinée numérique ? Présentée il y a quelques années comme la panacée, elle n’a pas pour autant rencontré le succès escompté. S’il existe des liseuses et des applications destinées à la lecture de bandes dessinées numérisées, la création d’œuvres spécifiquement pensées pour le numérique, qui en exploitent les potentialités sans abandonner les spécificités de la bande dessinée, demeurent relativement rares, surtout en comparaison de la pléthore de titres « papier » paraissant chaque année.

La collection de bande dessinée numérique "RVB" souhaite se pérenniser grâce au financement participatif
Un Fanzine Carré Numéro C © Hécatombe 2013

C’est le constat posé par l’auteur et éditeur Yannis La Macchia. Très attaché à la matérialité du livre, il crée seul - nous nous souvenons notamment de son Des Bâtisseurs paru chez Atrabile en 2017 - ou avec d’autres, en particulier au sein du collectif Hécatombe. Symbole de cet attachement : le Prix de la bande dessinée alternative reçu à Angoulême en 2014 pour Un Fanzine Carré Numéro C, curieux pavé cubique aux arêtes de 9 cm, tiré à 999 exemplaires et rassemblant les contributions de 90 auteurs ayant réalisé neuf pages chacun. La manipulation de ce livre-objet rappelle constamment l’importance du support, à la fois contrainte et potentielle source d’inspiration, aussi bien pour l’auteur que pour le lecteur.

La bande dessinée numérique est par définition presque dématérialisée. Mais le « presque » revêt son importance. Jusqu’à preuve du contraire, ou d’une invention digne de la science-fiction, nous ne pouvons nous passer d’un écran, que ce soit celui d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un smartphone, pour lire une bande dessinée numérique. D’un fanzine cubique à la bande dessinée numérique, est-ce naviguer d’un extrême à l’autre ? Pas forcément, car il s’agit toujours de questionner le rôle de la matérialité de la création.

Ce questionnement a conduit Yannis La Macchia à fonder la Collection RVB. Présentée comme offrant une bande dessinée numérique de création, indépendante et profitant des possibilités offertes par le codage informatique, la Collection RVB est d’abord issue de la déception de ne pas trouver d’éditeur suffisamment attentif au numérique pour porter un projet innovant dans ce domaine. Yannis La Macchia a donc regroupé autour de son initiative quelques autrices et auteurs intéressés par sa démarche. Venus du collectif Hécatombe comme Antoine Fischer ou non, comme Oriane Lassus, ils ont élaboré ensemble un cadre répondant à leurs attentes.

Il s’agissait d’abord de proposer des créations pensées spécifiquement pour le numérique, créations originales tentant d’user des possibilités offertes par le numérique. Pas d’adaptations d’ouvrages déjà parus sur papier donc, ni de bandes dessinées simplement mises sur écran. La logique de lecture prime, qu’elle soit horizontale, verticale ou réticulaire, mais l’interactivité implique également des actions du lecteur, principalement à l’aide d’hyperliens.

Zouip © Collectif / Collection RVB 2019

L’auteur peut exploiter au mieux différents formats, en les faisant varier, ce que le papier ne permet que difficilement. Il peut guider le lecteur dans son cheminement ou au contraire le laisser libre, brouiller l’ordre des séquences, ouvrir des digressions et cacher des parties de sa bande dessinée. L’ellipse peut être présente, davantage que dans une création destinée au « Turbomédia ». Quoi qu’il en soit, nous dirons alors que la lecture est terminée quand la totalité de la bande dessinée a été explorée : le lecteur reste donc maître de la temporalité, comme lors de la lecture d’un ouvrage papier.

Les bandes dessinées de la Collection RVB - référence au codage informatique des couleurs « rouge, vert, bleu », qui permet de reconstituer par synthèse les couleurs sur les écrans d’ordinateur - sont accessibles sur le site Internet du même nom. Il suffit d’entrer, pour chacune d’elles, un code permettant ensuite de charger la bande dessinée. Ce code peut être acheté en ligne mais également librairie. Des cartes, d’un prix modique, sont en effet en vente. Elles contiennent un code masqué sous une couche d’encre grattable ainsi qu’un épisode non disponible en ligne. Difficile, décidément, d’oublier complètement la matérialité de la bande dessinée !

Un tel projet devait être réfléchi dans sa globalité. Ses dimensions techniques, économiques, commerciales ne devaient évidemment pas être négligées pour assurer sa réussite. Les quelques notions de codage des auteurs n’étant pas suffisantes pour permettre une création numérique réellement importante, il a été fait appel à la société Net Oxygen, basée à Genève, qui a rendu concrets le site et les systèmes de navigation imaginés par les artistes. Les mascottes - Robert, Roger et Bob - et l’habillage du site ont été confiés à Helge Reumann. Thomas Perrodin a réalisé les logos de la collection et des cartes et Yannis La Macchia en a assuré la maquette. La diffusion et la distribution sont assurées par Serendip Livres en France et en Belgique, par Avec Plaisir et Servidis en Suisse.

Sylvie pour la caisse 5 © Oriane Lassus / Collection RVB 2018
Tribulations terriennes © Antoine Fischer / Collection RVB 2018
Usini Comix © Buster Yañez / Collection RVB 2018

La Collection RVB a été lancée en 2018 avec trois titres : Sylvie pour la caisse 5 d’Oriane Lassus [1], Tribulations terriennes d’Antoine Fischer [2] et Usini Comix de Buster Yañez [3]. Une œuvre collective intitulée Zouip [4], résultat d’une résidence estivale, est venue la compléter en 2019, et deux autres sont prévues pour la fin de l’année : Les Aventures de la vie d’Alex Chauvel, très long récit de plus de mille « écrans » et Le Jaune de Benoît Preteseille d’après Maurice Leblanc. Chaque bande dessinée possède ses singularités. Nous retrouvons le trait de chaque dessinatrice ou dessinateur et l’originalité de ses compositions. L’interactivité est au rendez-vous sans être envahissante. Il y a de l’humour et de la beauté dans ces créations !

La Collection RVB a cependant besoin de soutien pour se pérenniser et se développer. Conserver son indépendance, continuer à proposer de nouvelles bandes dessinées et rémunérer les auteurs : cela demande des fonds. C’est pourquoi un appel à financement participatif a été lancé il y a quelques jours. Il est court et il reste déjà moins de dix jours pour participer en devenant Grand Fondateur ou en acquérant quelques-unes des bandes dessinées déjà parues. Il s’agira notamment d’assurer les parutions prévues pour 2020 et d’inaugurer une formule d’abonnement.

Les deux prochains titres à paraître en 2019 : "Les Aventures de la vie" par Alex Chauvel & "Le Jaune" par Benoît Preteseille © Collection RVB 2019

Ce financement doit également permettre de garantir les grands principes du projet. Chaque bande dessinée doit être conçue pour la Collection, dans un cadre éditorialisé. RVB doit rester indépendante. Aucune publicité ni vente de données ne peut être liée au site. Les auteurs doivent être rémunérés de façon équitable. Et les lecteurs doivent pouvoir prêter leurs ouvrages.

Le financement ira pour 8 % au site Ulule - cela reste l’inconvénient de ce type d’opération - puis pour 45 % aux développeurs, pour 25 % aux auteurs, 20 % aux nouvelles publications et 5 % à l’impression des cartes. Les contreparties prévues pour les participants sont simples et orientées en très grande majorité vers l’accès aux bandes dessinées de la Collection.

La Collection RVB relance la bande dessinée numérique en ce sens qu’elle intègre les avancées de la technologie non seulement dans son processus de création mais également dans ses structures narratives. Au lieu de se cantonner à l’adaptation plus ou moins animée et interactive de bandes dessinées déjà connues, elle encourage à la création avec une attention importante portée à la fois au graphisme et à l’implication du lecteur, toute cela de façon indépendante et avec le souci de rémunérer les auteurs. Voilà donc un projet qui mérite davantage qu’un clic !

(par Frédéric HOJLO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Consulter le site de la Collection RVB & la page dédiée au financement participatif.

Consulter une sitographie non exhaustive de bandes dessinées numériques & lire l’article de Yannis La Macchia "Pour une bande dessinée numérique de création" in revue Bédéphile n° 4 (septembre 2018, pages 178-185) qui contribue à une redéfinition de la bande dessinée numérique.

Lire également sur ActuaBD :
- "Des Bâtisseurs" : les fragiles et dantesques architectures de Yannis La Macchia
- Yannis La Macchia, Prix du "récit dessiné" 2018 de la Scam pour "Des Bâtisseurs" (Atrabile)
- BDFIL (Lausanne) : un festival tourné vers l’avenir
- Hécatombe à la Villa - Par le collectif Hécatombe - Hécatombe éditions

[168 écrans.

[254 écrans.

[356 écrans

[4190 écrans d’Aude Barrio, Antoine Marchalot, Antoine Fischer, Barbara Meuli, Buster Yañez, Oriane Lassus, Pierre Ferrero, Renaud Thomas, Thomas Perrodin, Vincent Pianina et Yannis La Macchia, résidence à la Villa Bernasconi, juin 2018.

 
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