Le Chant des Asturies T. 2 - Par Alfonso Zapico - Ed. Futuropolis

Après un premier tome qui posait le contexte, le deuxième s’attaque à la révolution des Asturies proprement dite [1].

À dire vrai, le contexte était insurrectionnel dans une bonne partie de l’Espagne, en Catalogne notamment, mais aussi en Andalousie. Reste que c’est dans les Asturies que la révolte devient révolution, mots que Alfonso Zapico fait prononcer par le marquis de Montecorvo, reprenant le célèbre échange entre Louis XVI et le duc de la Rochefoucauld-Liancourt, le soir du 14 juillet 1789.

Le subtil dosage entre les événements historiques réels et le récit familial et fictionnel fonctionne à nouveau admirablement. C’est même un modèle du genre.

Reposant sur des recherches précises, photographiques entre autres, l’oeuvre de Zapico est parfaitement renseignée. Les causes de la révolte sont particulièrement bien analysées, Zapico montrant ce ras-le-bol général des mineurs, qui se sentent trahis par cette jeune République (née en 1931), initialement porteuse d’espoir. Mais, avec l’arrivée de la droite en 1933, cet espoir s’est envolé au point que ces mineurs en vient à penser que non seulement le futur ne sera peut-être pas meilleur, mais que leurs enfants auront sans doute une vie pire que la leur. Zapico nous montre par ailleurs très bien toutes les divisions du mouvement entre ouvriers, communistes, socialistes, anarchistes. Pas d’angélisme ni de manichéisme.

Dans ce tome, on voit aussi se profiler l’arrivée de Franco, un jeune général, qui vient se mettre au service ... de la République, ce qui sera bien évidemment lourd de conséquences comme chacun sait.

Dans ce contexte assez tragique au final, Zapico sait cependant nous concocter de très beaux moments, de lutte collective, d’amour et de rire. C’est là tout l’intérêt de recourir à la fiction. La rencontre entre Apolonio et un avocat et sa famille est exemplaire à ce titre et particulièrement réussie.

La mise en image nous gratifie aussi de très beaux moments, comme cette planche où le père et le fils, que les idées opposent (ce qui n’empêche pas les liens familiaux), sont coincés chacun dans leur case, séparées l’une de l’autre par un immense espace blanc.

Encore une bonne année donc à attendre pour connaître la fin de cette remarquable série, riche d’histoire et de fiction. Zapico dit d’ailleurs (dans l’entretien cite en note), qu’il aurait pu étoffer sa saga de plusieurs tomes, alors qu’au début de celle-ci, il n’avait que le point de départ et celui d’arrivée et imaginait pouvoir tout dire en un seul volume. C’est la rencontre avec de nombreux lecteurs enthousiastes qui l’a nourri, au point que cette saga est devenue une sorte "d’espace commun", une vraie aventure collective. On ne saurait mieux rendre hommage à son sujet.