En pleine Belle Époque, "Le Jardin" est un cabaret parisien au succès grandissant dirigé par une femme, surnommée Muguet. En fait, toutes celles qui travaillent dans cet établissement ont un nom de fleur : Hyacinthe, Violette, Marguerite, Perce-neige, Tournesol. L’ambiance y est chaleureuse.
Fils de la gérante, Rose est un jeune homme de 19 ans qui est né et a grandi dans les coulisses de ces spectacles. Tout naturellement, il souhaite à son tour être danseur et se produire sur la scène, devant un public, à l’instar de ses amies. En réalité, il va rapidement en devenir l’attraction principale, provoquant la surprise, l’émoi et les questions. Comment ce jeune homme qui a vécu préservé du monde va-t-il vivre cette brusque ouverture aux autres et les questions que sa différence affichée génèrent malgré lui ?
Nous avions déjà attiré votre attention sur le tout premier album de cette jeune autrice qui avait débuté dans le monde de l’animation avant de se consacrer à la bande dessinée. Dans ce premier titre, intitulé Les Fleurs de Grand Frère, elle filait une belle métaphore sur la différence, tout en expliquant que la solution à tout problème réside dans la façon de s’en ouvrir à ses proches, et à le résoudre ensemble.
Gaëlle Geniller franchit un cap supplémentaire avec Le Jardin, Paris, un projet de court-métrage d’animation qu’elle transforme en un magnifique livre, plein d’amour, de découvertes et de fleurs. « Ça sent le truc cul-cul, passons notre chemin ! », pourriez-vous vous dire. Vous feriez là une grossière erreur, car le propos du livre est aussi touchant qu’interpellant, car il aborde notre rapport à la différence, et aux idées préconçues.
Dans le chef du jeune Rose qui ne se pose pas tant de questions sur son genre ni dans son rapport aux autres et qui tente de rester libre et ouvert malgré tout, on profite d’une réflexion émouvante, dotée d’une tornade de beaux sentiments dont Rose et le Jardin soit à la fois le réceptacle et le vecteur.
Plus qu’une ode à la différence ou à la tolérance, Le Jardin est une exploration d’un monde qui pourrait être le nôtre si nous étions préservés des idées reçues et d’une certaine jalousie à l’encontre de la liberté des personnes qui osent s’affirmer sans se cacher.
Émouvant de sincérité et de sensibilité, ce livre fait vibrer le lecteur de la première à la dernière page : on tremble devant la personnalité solaire du jeune Rose, sans cesse menacé par la méchanceté du monde qui l’entoure. Chacune de ses sorties est un pas dans l’inconnu, un piège duquel il se sort heureusement avec superbe, grâce et talent.
Tout le mérite en revient naturellement à l’extraordinaire Gaëlle Geniller qui, grâce à son dessin lisible et gracieux, aborde ces sujets complexes avec intelligence et tact.
Une véritable révélation, aussi réussie dans le forme que dans le fond. Messieurs les éditeurs, soyez informés : il faudra désormais compter avec Gaëlle Geniller.
(par Charles-Louis Detournay)
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"Le Jardin, Paris" - par Gaëlle Geniller - Delcourt
Lire également notre article : Les Fleurs de Grand Frère - Par Gaëlle Geniller - Delcourt
Illustrations : © Éditions Delcourt, 2021 – Geniller
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