Giambattista Belzoni est moins connu en France que Jean-François Champollion. C’est pourtant grâce à ses initiatives que l’égyptologie a pu faire de grands pas en avant. Mais aussi que l’Europe a pu accueillir certaines des plus belles pièces de l’Égypte ancienne.
Né à Padoue, émigré en Angleterre pour fuir les troupes de Napoléon, Giambattista Belzoni (1778-1823) devient une sorte de "Monsieur Muscles" s’exhibant dans des spectacles. Il se marie à Sarah Banes, qui comme lui se distingue par sa haute stature et son caractère bien trempé. Lassés de se présenter dans les théâtres et les foires, ils décident tous les deux de tenter l’aventure en Égypte.
Arrivé au Caire en 1815, Belzoni parvient à rencontrer le Pacha pour lui présenter une machine de son invention. Son idée est d’améliorer à la fois le sort des ouvriers agricoles et les rendements des champs situés au bord du Nil. Mais son expérience vire au fiasco. Il en faut cependant bien davantage pour désarçonner le géant de Padoue, qui se tourne vers le consul d’Angleterre. Celui-ci accepte de lui confier une mission semble-t-il vouée à l’échec : ramener à Londres un énorme buste de Ramsès II, long de quelques mètres et pesant plusieurs tonnes. Cela marque le début des véritables aventures égyptiennes de Belzoni et de son épouse.
Du Caire, ils rejoignent Louxor, puis Assouan et la Nubie. Les obstacles et les rebondissements sont nombreux, les personnages rencontrés hauts en couleurs et les découvertes spectaculaires. Fort heureusement, le couple Belzoni est soudé, ce qui lui permet de surmonter les difficultés et les désillusions. Le personnage de Sarah, d’abord un peu effacé, prend de plus en plus d’importance au fur et à mesure du récit, renforçant encore l’intérêt suscité par les paris fous que se lance son époux.
Voyages en Égypte et en Nubie de Giambattista Belzoni est très librement adapté par Nicole Augereau et Grégory Jarry du propre journal de Belzoni, daté de 1821 pour sa première édition française. Trépidant et plein de détails, ce journal est une des premières références en égyptologie. Les auteurs en conservent la vivacité, y ajoutant l’humour et même la tendresse, tant l’on peut ressentir à la lecture de leur ouvrage leur attachement pour ce personnage. Lucie Castel, au dessin, lui donne encore davantage de dynamisme, insufflant au récit une réelle modernité.
Le rythme du récit et la drôlerie des situations sont en outre soulignés par le trait de Lucie Castel, vif et expressif, ainsi que par le découpage et la composition des pages. Aux scènes minutieusement détaillées succèdent des temps calmes, mettant en valeur les merveilles de l’Égypte. Quant aux personnages virevoltants de la dessinatrice, ils s’intègrent parfois à de magnifiques panoramas tirés de gravures du XIXe siècle, dont les références sont citées en fin de livre. Jolie trouvaille, qui donne une dimension esthétique originale à l’ensemble tout en apportant une touche nostalgique à une narration et des dialogues très contemporains [1].
Les Éditions Flblb nous convient à une aventure charmante, drôle et dépaysante dans ce Premier voyage retenu dans la sélection officielle du FIBD 2018. Deux autres tomes sont prévus : les rencontres et découvertes du couple Belzoni ne font donc que commencer, et c’est tant mieux !
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(par Frédéric HOJLO)
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Voyages en Égypte et en Nubie de Giambattista Belzoni. Premier voyage - Par Lucie Castel (dessin), Nicole Augereau & Grégory Jarry (scénario) - Éditions Flblb - 160 pages en noir & blanc - 21 x 28 cm - couverture souple avec rabats - parution le 16 novembre 2017 - commander ce livre chez Amazon ou à la FNAC.
Lire la bande dessinée en intégralité et gratuitement sur le site de Mediapart. L’ouvrage est entièrement sous licence CC BY-NC-SA 2.0 FR.
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[1] Ce qui n’empêche d’ailleurs pas la véracité historique, l’ouvrage ayant été relu par Philippe Mainterot, maître de conférence en histoire de l’art et archéologie à l’Université de Poitiers.