Les Rendez-Vous de la BD d’Amiens : dix expos gratuites ouvertes à tous pendant un mois

Pour ce véritable « Pôle Nord » de la BD que sont les RVBD d’Amiens, la dimension éducative est fondamentale. L’association organisatrice : On a Marché sur la Bulle propose un remarquable travail de médiation tout au long de l’année avec les enfants des Hauts de France.

Durant ce mois de juin, cette vocation n’est évidemment pas oubliée. Un pôle exposition est même dédié au sein de l’association pour proposer aux visiteurs de ces quatre rendez-vous de fins de semaine de juin, une programmation variée et de qualité.

L’an passé, c’est quelque 21 000 visiteurs qui s’étaient frayés un chemin jusqu’à la Halle Freyssinet d’Amiens et hors de ses murs pour s’enrichir de la dizaine d’expositions proposées par le festival. Cette année, l’ancienne halle ferroviaire accueille dix expositions montées par la talentueuse équipe de l’association. Une équipe composée de 19 titulaires et de plusieurs dizaines de bénévoles, tous fans et passionnés par ce qu’ils font, et cela se ressent !

Nauti-poulpe

Dès l’entrée, un poulpe géant vous saisit. Cette maquette réalisée par le sculpteur Pierre Matter représente le Nauti-poulpe, dessiné et inventé par l’auteur François Schuiten. Le dessinateur belge voulait rendre hommage à la figure locale : Jules Verne en inventant ce Nautilus surgi des profondeurs avec cette nouvelle forme mystérieuse semblant avoir fusionné avec un octopus. En cela, il renouvelle le mythe du Nautilus.

Le projet ayant, d’abord, été pensé pour le transformer en sculpture géante afin de transcender la place de la gare d’Amiens, le nauti-poulpe prendra finalement place dans un tout nouvel espace de vie dans le nouveau quartier qui entoure la Halle Freyssinet.

De cette série de dessins est née la volonté d’un nouvel album de la série des Cités Obscurs avec Benoit Peteers : Le retour mystérieux du capitaine Nemo à paraitre à l’automne 2023 chez Casterman. À coup sûr l’un des événements de la fin de l’année !

Une fois sorti de ces huit bras, les visiteurs ont le choix : aller à droite vers une programmation plutôt pour le jeune public ou à gauche pour le reste. Prenons les choses dans l’ordre : le festival propose deux expositions à destination des très jeunes. La première plonge les visiteurs dans un voyage fantastique aux côtés d’Hilda et des drôles de monstres de son auteur : Luke Pearson.

Le festival propose aussi une exposition fourmillante grâce à la redécouverte d’une série oubliée du duo Kerascoët et du scénariste Benjamin Richard : Les Tchouks. L’univers complètement décalé de ses petits animaux transformera la halle en véritable cour de récréation.

Les petites têtes blondes pourront aussi découvrir le tout nouveau thème parc d’attraction qui vient de s’ouvrir sur Amiens : le Jrssc Frnck. Le jeune héros de Brice Cossu, Olivier Bocquet & Yoan Guillo, plongé dans le Jurassique, embarque les visiteurs dans une balade familiale immersive et interactive. Entre pêche aux piranhas et tirage de queue de mammouth, différentes attractions s’enchaînent pour percer le mystère du Jurassique.

En face, un autre thème de parc d’attraction, célèbre notamment en Provence, accueil une autre catégorie de visiteur : le Zombillenium. L’exposition revient sur les trois vies de la série. La première, évidemment, en BD, la deuxième en film et la troisième, plus récente, en lego. Le sculpteur Stéphane Dely avait déjà présenté une partie de sa collection des petites briques danoises durant le dernier Festival de la BD d’Angoulême. Pour Amiens, il débarque avec une reproduction de 4 m² du parc entièrement en briques lego et notamment le très attendu et dernier venu grand huit du parc.

Arthur De Pins et Stéphane Dely devant la maquette du parc en montage

La Bibliomule de Cordue et ses auteurs : Wilfried Lupano, Léonard Chemineau & Christophe Bouchard exposent, retracent et expliquent l’histoire derrière l’album récompensé par le dernier Prix de la BD d’Histoire du Château de Cheverny. Dans un voyage visuel à la scénographie époustouflante, les visiteurs seront immergés dans cette histoire méconnue de l’Espagne.

Pascal Mériaux et les journalistes dans l’exposition de la Bibliomule

Une grande exposition collective sur les liens entre cinéma et bande dessinée investit les vestiges d’une Tour Perret effondrée. Entre BD qui parle de cinéma, BD flirtant avec le cinéma et BD adaptée au cinéma, avec un focus sur le local de l’étape : La Guerre des Lulus, l’exposition propose un tour d’horizon des liens entre ces arts si proches et pourtant si singuliers.

Puisque la BD ne se résume pas uniquement à la production européenne, le festival propose deux expositions de comics et de manga. Tout d’abord, un focus sur le travail de Sean Phillips et Ed Brudbaker et en particulier sur leur réécriture des romans noirs américains en comics. Plongez dans les bars sombres outre-atlantiques où traînent toutes sortes de crapules. Surtout profitez d’un accrochage exceptionnel de planches originales gracieusement prêtées par le galeriste texan de Sean Philips en dépit son incompréhension et son étonnement que cette expo s’obstine à ne pas vouloir faire de l’argent.

De l’autre côté du globe, une exposition aux décors exotiques nous plonge au cœur de l’intrigue de l’excellente série japonaise Les Carnets de l’Apothicaire de Nanao Ikki & Nekokurahe. Après de lourdes validations des états-majors éditoriaux nippons, les Rendez-Vous de la BD offrent une visite interactive pour tenter de percer les secrets du Palais empoisonné.

La Halle dispose aussi d’espace de dédicaces, d’expositions pour les étudiants amiénois en BD qui s’apprêtent à découvrir le premier master de BD de France mais aussi de nombreux espaces de conférences et un coup de projecteur sur les éditions Kinaye, seul stand éditeur du salon.

Les Rendez-Vous de la BD d’Amiens, c’est aussi une programmation d’expositions hors les murs avec notamment la grande rétrospective Chloé Cruchaudet à la Maison de la culture. L’invitée d’honneur du festival qui a dessiné l’affiche de ces 27e Rendez-Vous retrace les chemins, souvent tortueux, qu’emprunte une artiste pour forger son art. Le visiteur déroule au fil des salles le fil de la carrière de l’autrice pour un tour d’horizon où s’enchaînent originaux, objets de collections et curiosités.

Chloé Cruchaudet

Des objects de manufactures des tranchées illustres les planches de "Mauvais Genre"

Le Centre culturel Jacques Tati d’Amiens ne pouvait pas laisser passer la sortie du dernier album d’Olivier Supiot et d’Arnaud Le Gouëfflec sur le cinéaste. Dernier venu dans la collection 9 1/2 de chez Glénat biographiant les portraits des grands noms du 7e art par les grands artistes du 9e, cet album raffermit encore le lien avec brio.

Olivier Supiot

Enfin, la Bibliothèque Louis Aragon accueille pendant trois mois une exposition présentant la série de Régis Hautière et Arnaud Poitevin, Les Spectaculaires. Là encore, l’occasion était trop belle, quand dans le sixième tome la troupe des Spectaculaires ont déboulé à Amiens pour élucider le mystère entourant le fantôme de Jules Verne.

Régis Hautière à l’entrée de son exposition

Dans un département fortement touché par l’illettrisme et la pauvreté, les Rendez-Vous de la BD d’Amiens ont pour mission d’inviter le public le plus large possible dans une programmation inventive. Il est important de rappeler que l’intégralité de ces expositions sont entièrement gratuites et qu’elles sont (sauf celles hors les murs) visibles durant les quatre week-end du mois de juin. Avec une volonté de multiplier interactions et inclusion, ces expositions profitent d’une scénographie élaborée et de matériels de médiation variés et ludiques remarquables.