Ce qui est intéressant quand on examine les chiffres produits par la société d’études de marché NPD Group, Inc., c’est de voir à quel point les chiffres de la BD aux USA ressemblent à ceux de la France, si on les considère d’un point de vue macroéconomique, avec plusieurs points de ressemblance.
Un marché qui progresse depuis plus de dix ans
Le marché de la BD aux USA progresse depuis plus de dix ans avec une belle régularité, comme en France. Différence notable : le numérique a aussi grandement progressé, notamment grâce aux webtoons coréens (15 millions d’abonnés aux USA contre 1 en France), et occupe une place plus importante qu’en France. [1] Mais là aussi, c’est en train de changer.
Le CA de la BD aux USA est de 8,5 milliards d’euros [2] contre 889 millions en France. Nous sommes donc dans une proportion de 1 à 10 où tous les segments ont progressé en 2021. Au passage, dire que le marché étranger du manga en France est le premier au monde comme on peut le lire ou l’entendre parfois, est ici contredit par les chiffres : les USA sont bien devant (et probablement les marchés asiatiques comme la Chine et la Corée aussi…)
Manga super star
Le triomphe du manga est une évidence qui s’impose comme un format mondial. Ce qui doit nourrir notre réflexion, c’est que l’on pensait que le Passe Culture était le principal moteur de la croissance « anormale » des mangas en France. On voit bien aux USA qu’elle est bien plus forte sans cet incitatif à la lecture. C’est donc un phénomène mondial qui vient contredire certaines analyses.
Cette progression est raccord avec celle de la consommation des dessins animés en Amérique du Nord.
L’embellie du roman graphique
Le roman graphique pèse de plus en plus lourd. C’est devenu le genre littéraire à part entière faisant un chiffre dix fois supérieur à celui des comics. En somme, Maus supplante Superman, ce qui doit contrarier l’électorat trumpiste des « Make America Great Again ». Chez nous aussi, ce type de BD (cf. Riad Sattouf) est devenu un segment majeur.
Les super-héros en berne
Ce qui frappe, c’est l’écroulement des comics de super-héros en dépit de leur présence massive sur les plateformes de VOD. Mais sur Hulu, Netflix, ou Crunchyroll, les mangas y sont également, et majoritairement, présents…
En dépit des milliards de dollars investis par Hollywood, le genre est à bout de souffle. À cause, sans doute, de son narratif répétitif, alors que les mangas comme les Graphic Novels s’adressent à une clientèle bien plus diversifiée où le public féminin notamment a toute sa place.
Le phénomène est le même en France où en dépit de la présence des super-héros dans les cinémas et sur les écrans, les comics ne pèsent plus que 4% du marché français contre 2,3% aux USA.
Conclusion, les mangas sont bien plus universels que les héros testostéronés en collant…
Toute la Gaule… Toute ?
Il faut en convenir, la BD « hors-mangas » résiste mieux chez nous : 45% en France contre 27% aux USA. Avec seulement 21 titres dans le Top 50 cependant, la BD franco-belge s’en sort grâce à… Astérix et son outsider Mortelle Adèle.
Seules cinq séries en dehors de ces méga-best-sellers tirent leur épingle du jeu : Blake & Mortimer de Jean Van Hamme, Peter Van Dongen & Teun Berserik , Le Jeune Acteur de Riad Satouff, Blacksad de Canale & Guarnido, Les Ptits Diables d’Olivier Dutto et Titeuf de Zep.
Comme on dit dans Astérix et la Zizanie (pl. 30), alors que le village est cerné par les Romains et que nos Gaulois n’ont plus de potion magique : « - Faudrait surtout pas leur montrer combien nous sommes ! »
Voir en ligne : Le rapport de NPD Group sur Comicsbeat.com
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lisez la suite de notre enquête :
Marché de la BD : Anatomie d’un malaise 3/3 : les auteurs, variable d’ajustement de l’édition ?
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En médaillon : Photo DR
[1] Nous reviendrons prochainement sur cette question dans quelques jours.
[2] Ce chiffre comprend le marché à l’export des BD américaines, marché bien plus important que le marché francophone.
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