La question méritait d’être posée, elle mérite toujours de l’être. Un témoignage, quel qu’il soit, sur quelque sujet que ce soit, mérite d’être remis en question, d’être analysé, une fois l’empathie et le respect rendus au témoin. C’est le rôle des commentateurs et des historiens, la condition de toute connaissance. La Shoah n’a pas à échapper à cette règle : "Toute autre attitude supposerait que nous imposions la vérité historique comme la vérité légale", nous dit Pierre Vidal-Naquet dans son article historique sur Faurisson, Un Eichmann de papier. [1]
Quand Ilan Manouach tamponne une tête de chat sur toutes les figures animales de Maus, refusant les catégorisations instituées par Art Spiegelman qui fait des Juifs des souris, des nazis des chats et des Polonais des cochons, allusion, il ne faut pas l’oublier, à l’essentialisme raciste des nazis, le parodiste est dans sa liberté de créateur, même si les tribunaux exigent curieusement pour qualifier la parodie, un effet "comique".
Nous ne croyons pas à la démarche révisionniste, l’auteur ayant par ailleurs traité la Shoah, dans une même démarche de questionnement, d’une façon parfaitement respectueuse. Mais, de la même façon que les rescapés sont restés longtemps mutiques, de la même façon que 30 ans plus tard, la parole se fit résiliente, il est normal pour cette génération d’interroger la Shoah pour la faire sienne, pour en intégrer l’enseignement. C’est pourquoi nous ressentons la démarche de Manouach comme légitime.
MetaKatz est-il davantage que le prolongement de cette potacherie qui s’est terminée dans une broyeuse actionnée par un huissier de justice ? Pas vraiment. En revenant sur l’histoire de cet autodafé qui aimerait bien rester mythique, dans un collectif dirigé par Xavier Löwenthal et Ilan Manouach, l’auteur et son éditeur rassemblent un corpus de textes qui vont de l’indignation contre la censure, à une réflexion sur la propriété intellectuelle, jusqu’à la consignation des interviews données par les auteurs pendant la phase de lancement du livre "piraté".
Au-delà des attitudes naïves de Xavier Löwenthal, davantage obsédé par la manipulation des médias que par une réflexion profonde sur la démarche de Manouach, certains auteurs de cet ouvrage ouvrent quelques pistes de réflexion intéressantes. Dommage qu’elles se trouvent noyées dans un fatras d’auto-justifications aussi maladroites que puériles.
"Chacun peut rêver d’une société où les Faurisson seraient impensables et même travailler à sa réalisation, concluait Vidal-Naquet en 1980 déjà, bien avant la Loi Gayssot, mais ils existent comme le mal existe, autour de nous, et en nous. Soyons encore heureux si, dans cette grisaille qui est la nôtre, nous pouvons engranger quelques parcelles de vérité, éprouver quelques fragments de satisfaction." [2]
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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[1] Pierre Vidal-Naquet, Les Juifs, la mémoire et le présent, Petite Collection Maspero, Paris, 1981.
[2] Pierre Vidal-Naquet, op. cit.
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