Nu-Men - Tome 2 : Quanticafrique - Par Fabrice Neaud - Quadrants

La première moitié du XXIe siècle touche à sa fin. La population africaine est décimée, victime d’un virus croisé et destructeur VIH/Ebola. Sur le vieux monde, les populations les plus fragiles sont tombées dans l’indigence et vivent sous un contrôle permanent. L’armée et l’argent ont définitivement scellé leur alliance et semblent vouloir enterrer toute parcelle d’humanité sous couvert de scientisme. Mais certains hommes surgissent parfois d’où on ne les attend pas pour sauvegarder, parfois à leur corps défendant, ce qui leur reste de valeurs. Le soldat Anton Csymanovic est de ceux-là.

Alors qu’il était présent pour contrôler une manifestation, il fut le témoin d’un phénomène technologique inexpliqué mais recherché. Devenu gênant par ce simple fait, il est chassé par un mercenaire appelé Mstislav. Extrêmement dangereux, ce dernier est équipé d’une combinaison aux pouvoirs surprenants. Ces deux hommes sur la brèche, proches par leur physique de body-builders cabossés, retournent les fantasmes classiques du genre et contrastent avec la présence de personnages féminins forts et charismatiques.

Tamara Savolainen, la jeune équipière d’Anton dans l’armée, a été recrutée par les services secrets. Un sort différent pour celle qui a filmé ce qui n’aurait jamais dû être vu lors de cette nuit d’émeute. Emma, jeune médecin, qui a longuement rusé pour empêcher Suzy, la fillette sauvée par Anton, d’être reconduite à la frontière, est sous la menace d’un blâme. Quant à la rescapée, elle a disparu...

Nu-Men - Tome 2 : Quanticafrique

Fabrice Neaud - Quadrants ©

Après un premier opus inattendu et pour le moins fracassant, le deuxième volet de la saga de science-fiction de Fabrice Neaud se focalise sur ces cinq personnages qui refusent d’être balayés. Dans cet univers post-apocalyptique où les pandémies s’enchaînent aux catastrophes naturelles, on prend de plein fouet quelques-uns des problèmes sociaux et politiques actuels poussés à leur paroxysme : violence envers les populations pauvres et/ou immigrées, extrémisme et intolérance ayant bonne presse, libéralisme exacerbé couplé à une déréliction démocratique. Ces faits n’alourdissent pas un récit bien équilibré puisqu’ils sont souvent placés en filigrane d’une action omniprésente qui conjugue vivacité et dynamisme, à la manière des plus grands auteurs de comics.

Fluide et dense, la narration respire grâce à de magnifiques vues sur des paysages naturels majestueux. Les panoramas urbains sont tout aussi réussis et mêlent dans un mélange baroque, bâtiments anciens et constructions futuristes. Seuls les plans larges sur les personnages en déplacement dénotent un peu dans cet ensemble graphique de qualité.

La multiplicité des personnages n’en fait pas un récit chorale mais favorise l’émergence d’intrigues parallèles qui font pressentir un futur point de recoupement. La narration complexe permet une accroche puissante à chacun de ses protagonistes. Entre complot politique et fable technologique, l’histoire approche certains des concepts de "réalité augmentée", chère à quelques industriels en mal de soumission consumériste.

Moins politique que le premier opus, cet album s’attache plus fortement à l’humain futur. Boosté physiquement, celui-ci devient une machine de guerre, un super-héros des temps nouveaux n’agissant plus pour le bien du peuple mais répondant à la voix de son maître. Entre nanotechnologies et santé, l’industrie a conçu quelques mercenaires indestructibles tandis que les pauvres paient le prix de la vacuité des services publics, en subissant spams et autres attaques publicitaires.

Enchaînant les cliffhangers dans ses dernières pages, ce deuxième tome débouche sur la patiente quête d’un troisième opus.