Ils sont quatre : La Mouche, Bescherelle, Caouette et Pipistrelli. Inséparables mais prompts à s’écharper à force de taquinerie, ils enchaînent les parties endiablées de Scrabble. Leur train-train fait de jeux et de blagues semble bien innocent. Un événement, pourtant, le remet soudainement en cause : la découverte par La Mouche d’un énorme œuf.
D’autruche ? Trop gros cet œuf. De dinosaure ? Trop neuf l’œuf. Alors ? Impossible de savoir d’où il vient, quelle est son histoire ni qui est son propriétaire. Le mystère est et demeurera entier. Car l’enjeu est ailleurs : Pipistrelli la bien nommée - son abondante chevelure pourrait lui donner des airs de Batman si elle n’avait pas un aussi gros pif - se donne pour mission de le reconduire au nid. Quant à trouver ce bercail, c’est une autre paire de manches...
Olive Pipistrelli serait bien partie avec ses amis, mais ceux-ci ne daignent pas s’éloigner de leur routine. Pis ! Ils se moquent d’elle avec force jeux de mots et prennent des paris sur la durée de son expédition. Il n’en faut cependant pas plus à Olive pour décupler sa motivation et son courage. La voilà donc par monts et par vaux, tirant l’œuf sur une charrette sans même craindre d’en faire une omelette.
Le périple d’Olive Pipistrelli est semé d’obstacles, de surprises et de rencontres. C’est ce qui en fait tout le sel, bien davantage que l’objectif à atteindre. Un scientifique plutôt bizarre, un ornithorynque à la cool, une tribu d’allumés et une jolie ninja font partie des énergumènes croisés sur le chemin. À chaque fois, Olive est déroutée - dans tous les sens du terme - mais en sort enrichie et remotivée. Les voyages forment la jeunesse disent les routards. La voie est le but ajoutent les bouddhistes. Charlotte Pollet le prouve une fois encore dans sa bande dessinée.
Dynamique et drôle, Pipistrelli est un récit joyeux et enlevé. Les dialogues fusent et les émotions suivent des montagnes russes. La jeune héroïne, ordinaire mais incroyablement combative, en voit de toutes les couleurs et le lecteur avec elle. Elle ne mâche pas ses mots et a une force de caractère peu commune, mais a aussi ses moments de faiblesse et ses défauts. Tout cela la rend très attachante et nous pourrions presque regretter que son aventure, pleine d’enseignements et pourtant jamais moralisatrice, ne dure pas quelques pages de plus.
Finesse d’esprit et franchise des sentiments se retrouvent dans les choix graphiques de l’autrice. Le trait est souple, vif, presque sautillant. Les couleurs sont à la fois douces et nettes, mettant en valeur une ligne très fine. Les personnages sont caricaturaux, mais juste ce qu’il faut pour leur attribuer une charge comique sans diminuer leur humanité - au sens le plus large du mot, puisque certains ne sont pas humains. Le dessin et le sens sont ici associés pour éloigner l’ennui, ce qui est réussi !
Charlotte Pollet emploie la formule idéale pour distraire intelligemment. Avec une héroïne en laquelle chaque enfant peut s’identifier et une aventure menée tambour battant, elle parvient à aborder une large palette de thèmes sans jamais alourdir son ouvrage de pesanteur pédagogique. Déjà retenu pour la Pépite bande dessinée au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, Pipistrelli est un candidat sérieux au Fauve jeunesse du prochain festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Et même s’il y aura fort à faire, nous garderons quoi qu’il arrive le souvenir d’un livre piquant et moderne.
(par Frédéric HOJLO)
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Pipistrelli - Par Charlotte Pollet - Biscoto Éditions - 21 x 28 cm (format à l’italienne) - 56 pages couleurs - couverture cartonnée - parution le 14 janvier 2019.
Pipistrelli a fait l’objet d’une pré-publication en 2017-2018 dans le mensuel Biscoto.
Consulter le site de l’autrice.
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