Rétroactes : en avril 2021, alors que la pandémie de la Covid fait rage, paraissait le premier numéro de Métal Hurlant que le talentueux éditeur des Cahiers de la bande dessinée, Vincent Bernière, avait eu l’idée de ressusciter à l’aide d’un financement participatif réussi..
Ce n’était pas la première fois que le mag des Humanoïdes Associés refaisait surface. Une version « comics » avait brièvement vu le jour en 2002. Mais là, Bernière avait réussi à fédérer une nouvelle génération d’auteurs de SF, avec Ugo Bienvenu en tête d’affiche, derrière son projet. Le nombre d’abonnés était suffisant pour envisager une poursuite profitable.
Hélas, la relation entre Bernière et les Humanoïdes Associés, pour des raisons que l’Histoire relatera un jour, a tourné court : la société de Fabrice Giger a décidé de reprendre la main et dès le 2e numéro, c’est le scénariste et graphiste Jerry Frissen qui dirige le paquebot depuis Los Angeles. La société de Vincent Bernière, Vagator, devant transférer les abonnés vers le nouvel éditeur, l’opération s’est faite de façon laborieuse et plusieurs de nos lecteurs s’en sont plaints.
Le second numéro, constitué pour l’essentiel de replacements de planches mythiques des années d’or de Métal, avec quelques très bons textes, avait rencontré un vrai succès de vente. Le principe est d’ailleurs conservé : un numéro sur deux sera anthologique, l’autre étant constitué de créations inédites. C’est le cas de ce 3e numéro dont le thème semble soufflé par Elon Musk himself puisque qu’il s’agit du voyage sur Mars. Frissen a-t-il obtenu un financement de Space X qui permettra de placer Métal Hurlant sur orbite ? Tout est possible dans la dingue Amérique…
Un numéro 3 plutôt réussi
Toujours est-il que nous avons là un joli numéro qui, visuellement, s’inscrit dans l’héritage du Métal historique. Le sommaire est bluffant : il y a la génération historique avec Marc Caro, mais aussi celle d’autrices confirmées comme Virginie Augustin, Elene Usdin et Aimée De Jongh, les signatures prestigieuses de Frederik Peeters et Mark Waid, les talents de la nouvelle génération comme Richard Guérineau et même le Japonais Toru Terada. Un habile mélange entre les têtes d’affiche et les découvertes, de jeunes auteurs qui publient ici pour la première fois. On reconnaît là le travail de « tête chercheuse » de Jean-Pierre Dionnet, « ange tutélaire » du journal, mais aussi la détermination et la finesse de Jerry Frissen, qui est, nous l’avons dit, un vrai punk sous ses dehors placides.
Dans son édito, il fait le constat que Métal est « bien plus qu’un simple magazine » et il fait confiance aux auteurs et aux lecteurs qui savent où leur journal peut aller : « Ils pensent savoir ce qu’il faut faire et ils ont raison, tous, même celui qui me traite d’enculé » conclut-il en faisant allusion aux lettres d’insultes qu’il a reçues depuis la prise en charge de son poste de rédacteur-en-chef.
En feuilletant les pages, l’idée nous vient que tout cela est éminemment créatif, beau parfois, comme dans le Métal des origines, mais… manque un peu de subversion. Où sont les éditos de Dionnet parlant de ses masturbations devant les vidéos porno, les vociférations à l’emporte-pièce de Joë Staline (pseudo commun de la rédaction), les séquences torrides à la The Long Tomorrow ? « On ne peut plus se permettre aujourd’hui la subversion d’hier » nous dit Richard Marazano, présent hier soir. « Moi, je n’ai rien contre, cela s’est présenté comme cela », nous dit Jerry Frissen. À bon entendeur…
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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