La jeunesse est décidément incorrigible. Alors que les sept guides, piliers immortels de l’univers, s’échinent depuis près plus de 3000 ans à maintenir l’ordre dans sept secteurs répartis suivant une catégorie de personnalité déterminée par un test à l’âge de sept ans, que cette organisation déterministe maintient l’harmonie depuis trois millénaires, voici que deux jeunes jean-foutres viennent bousculer cette stabilité perpétuelle et fascisante. Foncièrement, nos immortels devraient s’en ficher un peu puisqu’en raison d’une épidémie de stérilité inexplicable et subite, toute espèce humaine aura disparu de l’univers dans 14 ans et des poussières…
En maturation depuis quinze ans, cette aventure de science-fiction est en fait la première création de Richard Malka, ci-devant médiatique avocat à la cour (il avait défendu Charlie Hebdo dans l’Affaire des caricatures danoises de Mahomet). Incorrigible et « multifonctionel » comme ses héros, il refuse comme eux de se laisser enfermer dans la seule catégorie des légistes (galaxie du Secteur de l’ordre) : il se revendique également de celle des arts et de la culture (galaxie du Secteur de la créativité) et, à le lire, on n’est pas sûr qu’il ne relève pas non plus du Secteur de la jouissance, l’un des sept pôles que les maîtres de l’univers s’ingénient à séparer en vertu d’une théorie « segmentiste ».
Dans cet hymne à la liberté, nous sommes frappés, avec Claude Lanzmann, par le savoir-faire éprouvé de son scénariste dans la construction de l’architecture de son système. Un peu comme s’il voulait prouver le caractère inhumain de la logique. C’est ce qui fascine d’ailleurs dans l’apparente harmonie universelle du monde : elle semble obéir à un ordre dont nous ignorons la finalité. Rien de plus angoissant.
Juan Gimenez illustre avec brio ce scénario à la fois linéaire et touffu. On lui reprochera seulement quelques visages indifférenciés qui brouillent parfois la reconnaissance des personnages. Pour un scénario qui milite pour l’individualisation et la liberté individuelle, c’est presque un péché.
Bonne surprise en tout cas que cette nouvelle série de SF qui s’annonce passionnante.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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