Onze volumes sont déjà disponibles chez Dargaud et il reste encore trente ans à se cogner, pourrait-on se dire, la fonction de lecteur confine parfois à l’apostolat.
Pas dans ce cas-ci. Vous pouvez offrir (ou vous faire offrir) cette édition sans qu’il soit nécessaire d’investir dans les autres tomes. Le travail de Schulz permet cela : ce sont des petites perles de sagesse, des haïkus graphiques au dessin simple, épuré, ascétique, sans vraiment d’affect.
« - On dirait que les problèmes me suivent partout où je vais. Impossible de les éviter. » se plaint Charlie Brown lors d’une de ses célèbres séances de psychanalyse à cinq cents. « - Où que je sois, les problèmes finissent par me trouver » poursuit-il. « - Ce qu’il te faut Charlie Brown, lui répond Lucy, c’est une vie sur liste rouge… »
Au-delà de l’exemplaire schématisme qui caractérise la bande dessinée américaine (une typologie déjà perçue par Thierry Martens dans son mémoire de 1966 et qui rappelle qu’une véritable étude comparative entre les grandes séries d’humour américaines et européennes reste à faire), on remarquera à quel point l’intemporalité de Schulz vient de ce que quasi rien ne le rattache à l’actualité, alors même que ses pages sont publiées dans les plus grands quotidiens du monde (2.600 journaux, dans 75 pays différents et dans 21 langues au moment de la mort de l’artiste, nous dit sa fiche Wikipedia).
Une société en écho, en quelque sorte, comme dans la caverne de Platon, que l’on devine par ce qu’elle impose comme contraintes aux protagonistes.
Tout au plus voit-on apparaître un camarade de classe noir dans ces pages des années 1970. Actualité en mineure encore dans ce dialogue entre Linus Van Pelt et Charlie Brown : « - Bob Dylan aura trente ans ce mois-ci… ». Réponse de Charlie Brown : « - C’est la nouvelle la plus déprimante que j’ai jamais entendue. »
Déprimante encore aujourd’hui.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion