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"The Umbrella Academy" : une apocalypse avec le sourire "Made in Netflix"

Par Jaime Bonkowski de Passos Elise Charneau le 31 août 2020                      Lien  
Comics paru en 2008 chez Dark Horse Comics, "The Umbrella Academy" est revenu ces dernières années sur le devant de la scène sous l'impulsion de Netflix qui a gratifié la série d'une adaptation sur sa plateforme. La première saison sortie en 2019 fait un carton, la deuxième à débarquer il y un mois transforme l'essai, faisant de la série l'un des plus gros succès de la plateforme.

"The Umbrella Academy" : une apocalypse avec le sourire "Made in Netflix"Lorsque 43 femmes à travers le monde donnent naissance à 43 enfants en même temps sans avoir montré le moindre signe de grossesse au préalable, le monde entier est bouleversé. Un mystérieux et richissime philanthrope, Sir Reginald Hargreeves, décide alors d’en adopter sept, dans l’espoir dit-il de sauver le monde. Mais de quoi ? Et pourquoi ces enfants spécifiquement ?

Un premier élément de réponse apparaît lorsque, au fil de leur croissance, les enfants se mettent à présenter des pouvoirs étranges, qu’ils sont bien en peine de contrôler, voire même de comprendre. Et si l’éducation très stricte de leur "père" cadre un peu leur développement et fait d’eux des super-héros en puissance, le mystère sur leur origine et leur destin reste entier...

L’alchimie d’Umbrella Academy opère au niveau de la narration et des dialogues. Le rythme est soutenu, avec peu de temps morts pour faire progresser l’intrigue au pas de course et accentuer l’esprit "rush" inhérent au titre, le tout porté par des dialogues millimétrés. L’humour, omniprésent non seulement chez les personnages mais aussi dans leurs interactions et dans les détails (ici un graffiti, là une Une de journal...) donne un vrai punch à la série, une perspective un peu occultée dans son adaptation.

Cette dimension plus "légère" ne sacrifie rien à l’aspect dramatique, voire tragique du récit qui sait nous prendre aux tripes par moment. Grâce à des personnages très bien construits qui rappellent par moment la Doom Patrol de chez DC par leur aspect tourmenté, et pour lesquels l’empathie du lecteur est immédiate.

Ces qualités sont d’autant plus à souligner qu’elles sont le fruit du scénariste Gerard Way, avant tout connu pour être le chanteur du groupe de rock alternatif mondialement connu My Chemical Romance. Et si l’histoire du comics est émaillée d’incursions de rockstars qui s’improvisent scénaristes (Kiss, Bruce Dickinson...), le résultat n’est pas toujours glorieux, un certain amateurisme pouvant parfois se faire ressentir. Ce n’est nullement le cas avec Umbrella Academy qui, à bien des égards, vaut le détour davantage pour son intrigue et sa construction que pour son graphisme.

© Dark Horse Comics / Delcourt.

Il faut dire aussi que Way n’est était pas à son coup d’essai : il scénarise son premier comics à 16 ans, avant de signer comme stagiaire chez DC Comics puis Cartoon Network. Ce n’est qu’en 2001 qu’il prend le virage de la musique et s’y consacre pleinement le temps de quatre albums, avant que son groupe ne se sépare en 2013. Il a depuis, en plus d’Umbrella Academy, signé plusieurs titres chez DC Comics.

Quand à Gabriel Bà, le dessinateur, son dessin accompagne efficacement l’intrigue. Son style, dans la lignée de Mike Mignola, est servi par un découpage des planches très bien pensé qui structure chaque page de façon à coller à une narration un peu "chaotique". Les jeux d’ombre et de lumière confèrent au titre son atmosphère particulière, comme une sorte de réel reflété par un miroir déformant.

© Dark Horse Comics / Delcourt.
© Dark Horse Comics / Delcourt.

Netflix et le comics : une longue histoire d’amour

Avec Umbrella Academy, le géant du streaming n’est pas en terre inconnue en matière d’adaptation de comics. La plateforme a pratiquement construit sa réputation (et sa trésorerie) grâce aux nombreuses séries à succès en collaboration avec Marvel Television (Daredevil, Punisher, Jessica Jones parmi d’autres). Mais c’était avant le schisme provoqué par Disney+ et la rupture entre Big N et la Maison des Idées, d’où la nécessité pour Netflix de se tourner vers d’autres viviers super-héroïques.

La tendance s’est d’ailleurs répétée chez la concurrence : avec les licences Marvel verrouillées par Disney et DC par Warner Bros, les producteurs ont été forcés de se tourner vers des labels souvent moins connus, parfois même indépendants, mettant ainsi sous les projecteurs des séries de grande qualité souvent moins connues du public. Citons dans cette lignée Preacher, The Boys, Outcast, ou encore Invincible. Umbrella Academy appartient à cette tradition.

© Netflix.

Alors cette adaptation, fidèle à son œuvre originale ? En vérité, nous faisons plutôt face à une réécriture bien ficelée qui mélange des éléments des deux premiers tomes en se permettant quelques libertés scénaristiques afin de donner à chacun des personnages une vraie personnalité et une véritable force de caractère, deux aspects qui manquaient un peu aux comics.

On retrouve l’humour de la bande dessinée, de bonnes scènes de baston rythmées par une bande son qui, sans avoir rien de très original, sait faire sourire le spectateur en passant de Queen à un remix de Billie Eilish. Quant à la saison 2, sortie il y a un mois, si les deux premiers épisodes traînent en longueur, ce n’est que pour mieux prendre de l’élan pour la suite et nous entraîner dans un tourbillon d’actions sans répit.

La principale qualité de la série réside dans ses personnages principaux, notamment un Cinq remarquablement interprété par Aidan Gallagher qui, du haut de ses 15 ans, ne démérite pas une seconde dans son rôle de voyageur temporel sexagénaire piégé dans le corps d’un adolescent, avec une bonne dose d’humour et de mépris.

La diversité du casting est aussi appréciée, avec notamment Emmy Raver-Lampman qui interprète une Allison sûre d’elle et militante, ou Justin H. Min dans le rôle du fantôme de Ben, le membre de la fratrie décédé des années auparavant.

Une place est également faite à la communauté LGBTQI+ durant la deuxième saison à travers une romance portée par une Vanya (Ellen Page) au caractère malheureusement trop fade et effacé pour qu’on puisse réellement trouver ce pan de l’histoire intéressant.

The Umbrella Academy "by Netflix" est une série de super-héros agréable à regarder qui, à sa manière, insuffle un vrai vent de fraîcheur sur le genre : la fin du monde approche, mais elle sera accompagnée par des personnages hauts en couleurs, et saupoudrée d’une bonne pincée de sarcasme.

© Netflix.

Sans surprise, le succès de la série sur la plateforme de VOD s’est ensuivi d’un sursaut de la demande en librairie, demande à laquelle a immédiatement répondu Delcourt, l’éditeur français du titre. En trois tomes, sa collection reprend l’intégrale de la série originale, dans le format standard des comics Delcourt. Mention spéciale pour les couvertures particulièrement accrocheuses.

Cette réédition, en plus de reprendre toute la série d’origine, fait la part belle au paratexte. On y retrouve pèle-mêle des interviews, couvertures, croquis et dessins préliminaires : un appareil intéressant pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de la série. Enfin, précision utile, ce titre a été consacré par un Eisner Award en 2008, dans la catégorie "Meilleure Nouvelle Série", et d’un Harvey Award la même année.

Pour ceux qui s’interrogent sur la manière dont les séries comics et TV s’articulent, il faut les voir comme deux œuvres complémentaires, chacune avec ses qualités et défauts, mais qui ne se concurrencent pas. Nul doute que ceux qui auront apprécié l’une adoreront l’autre, et vice et versa.

© Dark Horse Comics / Delcourt.

(par Jaime Bonkowski de Passos)

(par Elise Charneau)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Voir la série sur Netflix.

 
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