Agughia est un one shot entièrement conçu par Hugues Micol, que nous connaissons grâce à certains de ses titres remarquables tels que Pacha Bonneval, Tumultes ou Black-out, et qui cette fois-ci nous transporte dans un futur lointain mais dans un contexte familier : la Corse !
Surpopulation, pollution et pauvreté gangrènent l’Île qui n’est plus "de beauté" et ceci dans l’indifférence d’une élite mondiale vivant désormais dans l’espace et qui ne met les pieds sur sur Terre que pour profiter de ses belles plages dans de brèves escapades touristiques. Dans cette modernité décadante, Agughia survit grâce à quelques filoutages au détriment des touristes. Mais tout bascule dans sa vie lorsqu’elle elle intercepte le sac d’un haut fonctionnaire d’une grande compagnie, un sac contenant un secret extraordinaire.
Ce larcin déclenche une course-poursuite rocambolesque impliquant la police, des écoterroristes et en particulier Radius, la compagnie toute-puissante qui gouverne l´île.
Dynamique et fluide, Agughia nous fait vivre les péripéties excitantes de son héroïne qui, opérant dans un cadre géographique plutôt rare (à part Astérix...), constitue néanmoins un hommage sincère et bien construit aux grands classiques de la SF Française.
C’est ainsi que sous le prétexte de sauver/détruire le monde -un véritable Mac Guffin à la Hitchcock- nous découvrons un futur proche entre le Ravage de Barjavel et Le Transperceneige de Jean-Marc Rochette et Jacques Lob. Quant aux costumes des personnages, ils louchent un peu, il faut le dire, vers le répertoire graphique de Mœbius.
Dans un humour pince-sans-rire, Hugues Micol parvient à recréer dans ce simple one shot un monde vivant et baroque, où les références à notre actualité chaotique et violente, s’harmonisent avec son esthétique pénétrée de rétro, et imprégnée des couleurs de la fin des années 1970, du genre Valérian et Laureline.
À travers les péripéties rocambolesques d’Agughia, Micol nous offre sa réflexion sur un capitalisme débridé où le commerce et l’industrie d’un pays sont fondés et liés à ce que certains milieux académiques appellent "Le nécrolibéralisme" [1] et qui semble, à l’aube de la catastrophe écologique mondiale qui s’annonce, devenir plus réels que les scooters flottant de la SF classique.
(par Jorge Sanchez)
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Agughia - Par Hugues Micol. Éditions Dargaud. 64 pages - 15€
[1] Concept développé notamment par Paul Preciado, philosophe et professeur invité de l’Université de Barcelone, et S. Bobby Banerjee de professeur de philosophie de la University of London.