Une jeune femme se réveille doucement. Pour s’aider à sortir du sommeil, elle décide de prendre un bain. Son corps se réchauffe, ses sens s’éveillent. Une petite séance d’onanisme lui permet de découvrir un fait étrange : elle entre en lévitation au fur et à mesure que croît son excitation. Des pensées coquines ou des caresses bien placées lui donnent le pouvoir de s’élever au-dessus du sol : elle est une airpussy.
Son frigo est vide. Elle enfile un manteau, met un chapeau et une paire de bottes à talons hauts - rien d’autre - puis sort. Dans la rue, elle siffle un homme, en scrute un autre. Inversion des procédés que subissent habituellement les femmes, donnant le ton du petit livre d’Ulli Lust, dont on se demande si le nom ne l’aurait pas prédestinée au choix de son sujet.
La jeune femme, après de premières déceptions, se contente de suivre ses désirs et son plaisir. Rencontres et aventures la mèneront finalement au septième ciel, littéralement. Voluptueuse, curieuse, enjouée, elle entraîne dans son sillage un parfum de liberté. Entre humour, érotisme et féminisme, son histoire surprend.
Qui est-elle ? Déesse antique telle Vénus ou Isis, Lilith ou même divinité de la terre ? Le récit Airpussy, aussi trivial soit-il, semble en même temps métaphorique. Car de l’éveil au septième ciel, l’on passe également de l’hiver au printemps. Les jeux sensuels provoquent une renaissance de la nature et des amours. Le chamboulement des sens permet in fine le retour de la vie.
La dessinatrice autrichienne Ulli Lust inaugure dans ce petit livre, initialement paru en 2009 chez L’employé du Moi et réédité cette année dans une version restaurée, quelques thèmes qui lui sont chers et qu’elle développe dans la suite de son œuvre, en particulier dans Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien (Éditions çà et là, 2017). La sexualité féminine, les désirs assumés, le refus des conventions sont déjà là, exprimés avec liberté et non sans une pointe d’humour.
Le dessin, éloigné d’un réalisme qui souvent tend à alourdir le genre érotique, est rehaussé d’une jolie bichromie dont les tons soulignent autant l’aspect fantastique du récit qu’ils renvoient à la chair. Les imperfections du corps, féminin comme masculin, sont présentées sans fard ni exagération. Le rythme est presque frénétique - les compositions de neuf cases carrées ne sont brisées que par quelques pleines pages - mais dégage une douceur et une chaleur enveloppantes.
Airpussy peut se lire comme une introduction à l’œuvre de la dessinatrice, ou plus simplement comme un petit conte érotique, à la fois très contemporain et renvoyant à des mythes millénaires.
(par Frédéric HOJLO)
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Airpussy - Par Ulli Lust - L’employé du Moi - 2e édition (1ère édition en 2009) - 18 x 18 cm - 40 pages en bichromie - couverture cartonnée - parution le 6 novembre 2020.
Consulter le site de l’autrice.
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