Aperçu de la rentrée BD (8) - Delcourt : le parangon de l’éclectisme

C’est le plus jeune des gros éditeurs. Delcourt s’est différencié ces dernières années par un catalogue souvent innovant, cultivant toujours des terreaux très divers de la bande dessinée : de l’adaptation des Blagues de Toto à l’investissement sur le retour du comics au moment où tous ne prêchaient que par le manga.

Des séries au concept populaire

Dans ce (déjà !) T10, Jour J imaginera que le père Kennedy avait pu atteindre les hautes sphères du pouvoir qu’il avait tant briguées

Delcourt a depuis longtemps compris qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Il a perfectionné mieux que d’autres les séries pré-formatées pour un public avide d’expériences nouvelles. Elles ont fait leur chemin dans les librairies.

Pour cette rentrée, nous ne sommes pas surpris de retrouver Zodiaque ainsi qu’à la suite attendue de Jour J, les uchronies habiles de Pecau & Duval.

Mais c’est sans nul doute le dernier opus de la seconde saison de 7 qui attire l’attention. En effet, la collection n’a pas démérité avec des titres aussi surprenants qu’intéressants, tels que Sept Personnages ou Sept Naufragés, tout en réservant son lot d’actions pour les amateurs du genre comme dans Sept Survivants ou Sept Clones.

Son dernier né, Sept Pistoleros, est d’ailleurs scénarisé par David Chauvel, le directeur-même de la collection. Mis-à-part un final intéressant, l’intrigue ne bouleverse pas autant le genre que Sept Naufragés, même si on peut la comparer en qualité à Sept Survivants. Outre les divers flashbacks émaillant le récit et qui présentent les passés des divers héros de la gâchette, on sera surtout séduits par les hommages au Western qui y prolifèrent : de l’incontournable Sept Mercenaires aux films de Sergio Leone, et notamment Mon nom est Personne. Au final, cette bande dessinée ’grand spectacle’ parvient à nous divertir et même à s’auto-parodier sans perdre de sa crédibilité.

Dans le même registre, il faudra mettre l’accent sur le deuxième tome de la série de La Grande Évasion avec Le Labyrinthe, scénarisé par Mathieu Gabella (La Licorne), nous y reviendrons.

Sept Pistoleros - Par Chauvel, Ayala & Sarchione

Des one-shots aux univers particuliers

Si le populaire n’effraie donc pas Delcourt, il parvient à faire le grand écart en proposant aux lecteurs des récits plus racés, avec des paginations et des formats plus libres.

Une des sorties marquantes du mois de septembre est l’étonnant Singe de Hartlepool. Wilfrid Lupano s’en était ouvert précédemment en nos pages : "Que le lecteur le sache, ce sera toujours tout l’inverse dans mon écriture : j’aime me renouveler, provoquer des changements et des évolutions. Avant tout : surprendre le lecteur." Même s’il semble que le scénariste veuille surtout se dresser contre la bêtise humaine, son sens du sarcasme fait mouche dans l’adaptation de ce conte folklorique anglais, où la populace d’un village de pêcheurs fait le procès d’un singe en le prenant pour un marin français. La collection Mirages n’a sans doute jamais aussi bien porté son nom, avec cette allégorie qui dégomme à tout-va.

Tous azimuts

Impossible d’entrer dans le détail des directions proposées lors de cette rentrée par Delcourt ! Alors qu’Erotix prolonge la publication des œuvres de Frollo, le comics est une fois de plus mis à l’honneur avec le nouveau Walking Dead (T16 !), et le dernier né des Star Wars : Agent de l’Empire.

Les mangas sont également de la partie, avec la suite des épisodes inédits de l’attendu Coq de combat, série majeure du catalogue Akata, tout en continuant l’édition des nouveautés, comme le shojo Love So Life.

PLa Rentrée aborde également la conclusion de quelques séries : Ashrel, Wollodrin de Lereculey et le détonnant Showman Killer de Jodo & Fructus. Sans oublier la suite de blockbusters comme le T8 de La Rose écarlate et le T15 d’une certaine Sillage !

On s’attarde également sur les nouvelles séries qui se lancent pour cette rentrée décidément riche, avec en particulier Marcas, Maître franc-maçon, l’adaptation des romans ésotériques et maçonniques de Fleuve noir/Pocket.

Mais également la nouvelle série fantastique de Corbeyran & Defalli, 7e sens, qui nous propose de nous plonger au seins des Martyrs qui doivent veiller sur le monde. On ne manquera également pas le lancement de la seconde série consacrée aux reines de sang de l’Histoire de France, avec Isabelle, scénarisée par Thierry & Marie Gloris.

Pour ceux qui préfèrent un humour plus caustique, Delcourt prolonge la publication des fameuses Notes tirées du blog de Boulet qui en est déjà à son tome 7 et le toujours bienvenu Bastien Vivès qui s’intéresse cette fois à La Blogosphère.

Un premier festival, avec Soleil

On le sait, Guy Delcourt s’est imposé comme l’actionnaire majoritaire des éditions Soleil. Depuis, la collaboration entre Delcourt et Soleil a largement dépassé le cadre de leur société commune de diffusion Delsol, pour profiter au mieux de cette convergence.

Un excellent exemple est ce premier festival des deux maisons d’éditions, qui se déroulera en pleine rentrée, des 21 au 23 septembre prochains, à Bercy Village. D’une marche zombie à une chasse aux trésors, d’une pléthorique séance de dédicaces à un forum de rencontre, Delcourt fait une fois de plus preuve d’un grand professionnalisme pour porter au plus haut la marque au triangle rouge.

Le premier festival Delcourt-Soleil.
On notera l’insertion du triangle rouge dans l’emblême du soleil (sous les pieds des personnages).

Des albums aux licences

Les produits dérivés sont devenus aujourd’hui un terrain où il faut s’implanter durablement si l’on veut pérenniser ses héros de papier. Une leçon que Guy Delcourt a apprise par le passé et qu’il continue à appliquer en proposant leurs dernières nouveautés en cette matière :

 Si le tome 15 des incontournables Légendaires est d’ores et déjà annoncé pour le 24 octobre, la société Zanzoon a décidé d’en décliner un jeu électronique interactif dont la sortie est prévue pour 2014.

 Dans le domaine de la transposition des bandes dessinées sous la forme de novélisations, Delcourt avait déjà signé entre autres Le Petit Vampire, mais il nous annonce pour Noël un développement des Blagues de Toto sous cette forme chez Albin Michel, alors que qu’un accord a été trouvé pour décliner cette même série jeunesse à succès chez Cobalink.

 Côté grand écran, si le film Rides adapté de la série de Paco Roca continue de rafler des prix au travers des festivals mondiaux, c’est maintenant Couleur de peau : Miel(Quadrants) qui est courtisé par une diffusion internationale.

Enfin, Gaumont vient d’acquérir les droits d’adaptation audiovisuelle de La Page Blanche de Bagieu & Boulet.

 Concernant les adaptations en dessin animé, si le premier coffret des Petits Diables d’Olivier Dutto sortira en octobre, une troisième saison de l’adaptation des Geeks (Soleil) vient également d’être signée.

Entre albums populaires et marché de niches, comics et mangas, jeunesse et érotique, Delcourt réalise une fois de plus des grands écarts éditoriaux, refusant décidément de se laisser apposer une étiquette, si ce n’est celle de la diversité.