Derrière Astérix, mais loin devant les autres séries réalistes, la reprise de la série d’Edgar P. Jacobs demeure un cas exceptionnel en bande dessinée. Malgré (ou grâce à) l’alternance des auteurs, chaque nouveauté culmine au top des ventes. Un succès qui permet à la série de franchir un cap inespéré : celui de dépasser le nombre d’albums réalisés par Jacobs lui-même, sans que l’engouement du public ne retombe. Un succès qui permet à l’éditeur de nous proposer un nouveau diptyque, une aventure pleine de surprises qui entraine nos héros bien loin de leur cher Royaume Uni !
Blake & Mortimer en Chine
La Vallée des Immortels commence exactement là où Le Secret de l’Espadon s’achève. À Lhassa, le palais impérial du dictateur Basam-Damdu est anéanti par une escadrille d’Espadons. Soulagé, le monde fête la fin de la Troisième Guerre mondiale. De son côté, le fameux colonel Olrik, ancien conseiller militaire déchu de Basam-Damdu, a échappé à l’attaque finale, et prend la fuite à bord de son aile rouge…
La situation n’est pas plus stable dans la Chine voisine : les communistes de Mao repoussent les nationalistes de Chiang Kai-shek vers la mer. De son côté, le Seigneur de la guerre Xi-Li cherche à mettre la main sur un manuscrit qui lui permettra d’asseoir son pouvoir sur l’Empire du Milieu.
Face aux menaces qui planent sur la région, le capitaine Francis Blake est chargé d’organiser la défense de la colonie britannique de Hong Kong. De son côté, à Londres, le professeur Philip Mortimer est amené à s’intéresser de près à une curiosité archéologique chinoise suscitant appétits et convoitises. Au même moment, le colonel Olrik profite du chaos ambiant pour monnayer ses services auprès du général Xi-Li afin d’assouvir sa soif de vengeance...
Un tandem de nouveaux dessinateurs… hollandais !
On connaît maintenant bien le talent d’Yves Sente à faire revivre les héros de Jacobs : La Vallée des immortels est son huitième scénario de Blake et Mortimer… et l’un des meilleurs ! L’une des grandes surprises de cette nouveauté provient plutôt des dessinateurs, en provenance des Pays-Bas. Non seulement, ils sont pratiquement inconnus des lecteurs francophones, mais en plus, ils interviennent de manière égale dans le récit, tant sur les crayonnés que sur l’encrage. De quoi se poser pas mal de questions sur leur méthode de travail !
« Pour cet album de 54 pages, chacun de nous deux réalise 27 pages, que nous nous répartissons en respectant nos préférences , nous a expliqué Peter Van Dongen. Par exemple, j’aime beaucoup illustrer la vie des rues asiatiques ou la jungle, tandis que Teun Berserik est plus à l’aise avec les autos, les avions et tous les autres types d’engins techniques. Bien entendu, en fonction des planches, nous devons aussi nous aventurer sur le terrain d’expertise de l’autre. C’est pour cela que nous nous échangeons nos planches lorsqu’elles sont terminées, afin de bénéficier d’un regard extérieur, et d’une amélioration sur l’une ou l’autre case lorsque c’est nécessaire. »
« Mon passé technique me permet effectivement de mieux appréhender les différents engins de l’album, complète Teun, ancien gestionnaire d’une concession de voitures anciennes. Cela ne signifie pas que Peter ne dessine aucune auto, ou que je me limite aux aspects techniques, mais nous essayons de donner le meilleur de nous-mêmes pour que le résultat final soit à la hauteur. Au final, même notre scénariste ne parvient pas à différencier lequel d’entre nous a dessiné une page ou l’autre. Quelle meilleure preuve pourrions-nous obtenir ? »
Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce tandem de dessinateurs livre un graphisme homogène et très respectueux de l’œuvre de Jacobs, même s’il se distancie quelque peu des autres dessinateurs, comme André Juillard. Soutenu par l’excellent scénario d’Yves Sente, qui mêle action, Histoire, rebondissements et clins d’œil, ce premier tome de La Vallée des immortels nous a conquis. De quoi profiter d’un excellent album, sans qu’il soit nécessaire d’attendre le second tome pour ressentir un grand plaisir de lecture.
Les albums pour les « bibliophiles »
C’est presque devenu une tradition : à chaque nouveauté, Les Éditions Blake et Mortimer proposent un tirage spécial, qui apporte une dimension complémentaire au récit. Les beaux albums au format oblong laissent cette fois la place à un album grand format, doté d’une jaquette. En plus de la première partie de La Vallée des immortels, le lecteur peut retrouver six grandes illustrations en double-page, qui permettent d’apprécier le talent des dessinateurs. Un hommage aux dessins pleines pages que l’on retrouvait déjà dans Le Secret de l’Espadon, il y a plus de soixante ans, et qui offrent de superbes pauses graphiques avant de se replonger dans le récit.
Une nouvelle édition de L’Héritage Jacobs sort également cette fin d’année. Cette bible détaille les aventures réalisées par les « héritiers » de Jacobs, tous ces auteurs qui ont permis de redonner vie à Blake et Mortimer. Outre une nouvelle couverture réalisée par Antoine Aubin, cette nouvelle édition comporte 56 pages complémentaires, des ajouts aux précédents articles, une page de scénario de Jean Van Hamme, un ex-libris et plein d’inédits ! Immanquable pour tous les amateurs de Blake et Mortimer s’ils veulent bien suivre leurs aventures passées… et à venir !
(par Charles-Louis Detournay)
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Lire également notre interview de Yves Sente : « Nous retrouvons Blake, Mortimer, Olrik et les autres juste après le Secret de l’Espadon »
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