Blue flame : un Watchmen déchu

Sam Brausman, alias The Blue Flame, est un super-héros membre d’un groupe basé à Milwaukee. Grâce à un nouveau carburant révolutionnaire, le Cobaltum, il peut voyager dans l’univers grâce à ses propulseurs, tout en défendant l’humanité. Alors qu’il est parti à la recherche de réponses, il est capturé par une race extraterrestre et transporté sur Exilos, l’une des planètes du Consensus, une alliance interplanétaire organisée, dans ce qu’ils appellent volontairement une « secte ». Sur place, il est accueilli par Yarix, le procureur du tribunal qui le désigne comme le défenseur de l’humanité. Sa mission sera de plaider en faveur de l’espèce humaine, que Yarix souhaite éradiquer.

The Blue Flamme. Ed 404comics

En parallèle, nous suivons Sam dans sa vie quotidienne de mécano et de super-héros local avec sa bande d’amis La brigade nocturne, qui sous des costumes d’opérettes réalisent de petites actions de « justiciers de proximité ». Lors d’une soirée mettant en vedette son équipe, un ado muni d’un fusil d’assaut massacre les spectateurs et toute sa bande. Sam s’en sort, mais grièvement blessé, il est contraint de retourner vivre avec sa sœur, qui attend un enfant et vit dans une très grande précarité. Pour la première fois de sa vie, Sam doit affronter la réalité. Incapable de reprendre sa combi de Blue Flame, il revit son passé de Watchmen ainsi que ses nombreuses zones d’ombres sous l’effet de l’alcool.

Sans nous le dévoiler explicitement, le récit avance et ne cesse de semer le doute. Sam était il vraiment un héros ou juste un justicier vaniteux ? Son procès interplanétaire a-t-il vraiment lieu ou est-il lentement en train de sombrer dans la démence ? Sam est-il vraiment un héros ?

The Blue Flamme. Ed 404comics

Dans Everything, nous avons reconnu le talent de Cantwell dans la construction d’un suspens prenant, capable de s’étaler sur plusieurs chapitres, ainsi que de ses personnages nébuleux, oscillant entre l’image socialement acceptable de leurs métier et les turbulences internes qui les rongent. Happé immédiatement par l’ambiance de Space Opera et les aléas de la vie « post-héroique » de Sam (saupoudré d’une bonne dose de critique sociale adressée au capitalisme débridé des États-Unis et à sa politique de persécution des migrants), le lecteur retrouve dans cet album à double vitesse une profondeur existentielle dans le propos du récit, qui avait fait défaut au moment de boucler les derniers épisodes d’Everything.

Le talent narratif de Cantwell se révèle ici par sa capacité à maîtriser les deux facettes du personnage, qui sont magistralement portées par d’Adam Gorham au dessin et Kurt Michael Russell aux couleurs. Ces derniers apportent une touche de grandiosité théâtrale aux scènes clés et n’hésitent pas a basculer dans l’abstraction sur certaines planches, disons, plus « cosmiques ».

Si le lecteur comprend rapidement la direction prise par le scénario, la prouesse reste remarquable et son message résonne avec force : chacun doit assumer sa responsabilité face aux choix qu’il prend et accumule au long de sa vie. Les conséquences, elles, finissent toujours par nous rattraper.