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David Finch ("The Dark Knight") : "Ce n’est pas le titre qui importe, mais ce qu’on peut lui apporter."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) Antoine Boudet le 10 juillet 2013                      Lien  
Invité d'honneur de la Comic' Con France 2013, nous avons eu le plaisir de rencontrer David Finch l'un des artistes les plus habiles de sa génération, pour un petit entretien. Retour sur une carrière hors du commun.

David Finch, pourquoi dessinez-vous des comics ?

La réponse a beaucoup changé pour moi au fil des années. La première fois que j’ai dessiné, je n’avais aucune formation car j’ai abandonné rapidement le lycée. Du coup, j’avais besoin d’un travail où il ne fallait pas une formation de départ très élaborée. Mon niveau n’était vraiment pas très élevé : je me contentais de recopier... Mais quand je m’y suis vraiment mis, j’ai constaté que je m’en sortais pas trop mal, qu’il fallait que je persévère. Je ne sais pas du tout où je serais aujourd’hui si je n’avais pas continué dans cette voie. Et maintenant, je dessine, car c’est une chance pour moi de créer des mondes issus de mon imagination, de collaborer avec d’autres artistes, d’autres auteurs. Je rencontre mes lecteurs et c’est un plaisir incroyable.

David Finch ("The Dark Knight") : "Ce n'est pas le titre qui importe, mais ce qu'on peut lui apporter."
David Finch à la Comic Con France en juillet 2013
Photos : D. Pasamonik

Comment êtes-vous entré dans le milieu ? Vous êtes canadien, comme Todd Mc Farlane. Est-ce lui qui t’as mis le pied à l’étrier, c’était la grande figure d’Image à ce moment-là ?

Non, Marc Silvestri était mon influence majeure à la base. Je suis allé dans une petite convention pour lui montrer ce que je faisais à l’époque. Il m’a prodigué beaucoup de conseils et, quand je suis rentré chez moi, je les ai appliqués. J’ai fait ça sur plusieurs conventions, essayant de devenir meilleur au fil du temps et, deux ans plus tard, je suis allé à New-York avec des épreuves et j’ai rencontré David Wohl, qui était l’éditeur de Top Cow [1] à l’époque. J’étais vraiment sous l’influence de Marc Silvestri, il était mon artiste préféré.

Cependant, je n’avais pas assez développé mon style pour être capable de travailler sur une série, mais Marc a été vraiment mon bon génie. Je suis parti le rejoindre pendant trois mois en Californie, je me suis installé dans son studio, quasi en pension. Marc passait tous les jours et me disait les points sur lesquels je devais travailler. Dans ce studio, nous étions tous en compétition, mais il y avait une sacrée entraide entre nous, nous nous donnions des conseils mutuellement, et nous avons tous progressé plus rapidement que si nous étions restés chacun de notre côté. Ces débuts ont été très enrichissants.

C’était un période curieuse, tous les grands noms partaient de chez Marvel pour venir chez Image. Le jeune auteur que vous êtes a choisi Image. Pourquoi ?

Image venait juste d’être créée quand je me suis intéressé aux comics et tous mes artistes favoris travaillaient là-bas, c’était important pour moi ! J’ai rencontré Jim Lee et Travis Charest dès mon premier jour chez Image, c’était incroyable ! Marvel et DC ne m’auraient pas permis d’apprendre sur le tas comme me l’ont permis Image et Marc.

(C) Image/David Finch

Votre baptême du feu a été Cyberforce comme remplaçant de Marc Silvestri. Vous vous sentiez légitime ? ?

- Quand j’ai appris que j’allais remplacer Marc sur Cyberforce, j’étais vraiment excité, c’était comme un rêve devenant réalité. Quand j’ai reçu mon script et que je m’y suis mis, c’était un cauchemar. C’était ma première expérience et je n’y comprenais rien. Quand je dessinais Cyberforce, ce n’était plus la même série à mes yeux. Pour moi, Cyberforce était la série de Marc et maintenant elle était devenue mienne. C’était traumatisant. Je me souviens que les ventes ont chuté quand je suis arrivé sur la série, ce qui est naturel, mais je l’ai vraiment mal encaissé ! Mais cela m’a obligé à donner tout ce que je pouvais à la série, à lui rendre justice. Lorsqu’un nouvel artiste veut travailler sur la série de ses rêves, ce n’est pas le titre qui importe, mais ce qu’il peut lui apporter.

En 1996, vous publiez dans Wizard le numéro 0 d’Aphrodite IX et, quatre ans plus tard, sort enfin le premier numéro chez Top Cow. Que s’est-il passé ?

En 1997, j’ai publié Ascension qui comporte 23 numéros, dont 8 sous ma signature. Pour Aphrodite IX, j’ai dû dessiner deux numéros. J’ai pris beaucoup de plaisir à les faire, mais j’étais jeune. Je suis parti sur un coup de tête. Sans le studio, sans son influence, j’aurai arrêté de faire ce que je faisais. C’était une période difficile pour moi car j’avais la chance d’avoir un travail, mais je ne le faisais pas avec le professionnalisme nécessaire. Je préférais glander. Je pense que j’avais oublié ce petit truc qui faisais que j’aimais mon travail. Je devais vraiment changer. Et lorsque je suis allé chez Marvel qui me réclamait alors, je savais qu’en allant là-bas, si je continuais de travailler en dilettante, ma carrière serait très courte. Je l’ai heureusement prise sérieusement et je pense que ça a été très bénéfique pour moi de passer chez eux.

(C) Top Cow/David Finch

C’est chez Marvel, en effet, que vous arrivez sur Ultimate X-Men en 2003, avec Brian Michael Bendis. Est-ce que le fait de devenir regular artist sur une série d’une telle importance assoit une notoriété ?

A l’époque, je le croyais. C’était une des séries du Top 3 des meilleures ventes, je travaillais avec Brian qui était un sacré scénariste, et qui l’est toujours aujourd’hui. C’était vraiment amusant à dessiner : Brian avait ajouté Spider-Man dans le paysage. Mais sur le coup, je n’ai pas réalisé à quel point nous laissions notre empreinte sur la série : Nous avons tué quelques personnages, brisé son statu-quo. Des lecteurs ont aimé et d’autres nous ont détesté pour ça. La notoriété que j’ai gagnée, je crois, venait principalement des fans que nous avions rendus furieux ! (Rires)

(C) Marvel/David Finch

Vous avez été ensuite débauché par DC Comics en 2010 avec un contrat d’exclusivité. Comment avez-vous abordé la lourde tâche de dessiner The Dark Knight  ?

Je suis allé chez DC en voulant dessiner Batman, c’était quelque chose que je voulais faire depuis des années. Je sais que j’ai fait quelques erreurs sur la série, que je regrette honnêtement, mais je recevais de bons scripts et c’était très important pour moi de les retranscrire le plus fidèlement possible. J’ai enfin fait le Batman que je voulais faire. Le chemin a été long pour en arriver là, mais j’y suis arrivé quand même.

Comment travaillez sur un personnage d’une telle envergure ? Y a-t-il des règles très strictes sur Batman ?

Oui, sur un personnage comme Batman, il n’y a pas de manuel, mais bel et bien des règles. On ne connaît pas ces règles tant qu’on ne les transgresse pas. Le fait est que je sois une personne très visuelle, rend plus facile pour moi la possibilité de me représenter Batman et le monde qui l’entoure. Cela semble si réel pour moi que je pense tenir mon histoire... La vérité, c’est que que je ne la tiens pas. J’ai un thème et ce n’est clairement pas assez. J’ai fait beaucoup de recherches sur Batman, mais il y a tellement à prendre en compte : Au-delà de ma propre histoire, il y a actuellement quatre séries sur Batman chaque mois, et elles doivent s’emboîter ensemble et surtout ne pas entrer en contradiction. ! Si une série utilise tel antagoniste, il ne peut être employé dans une autre série le même mois. C’était un peu frustrant de se voir refuser certains personnages à cause de cela...

(C) DC Comics/David Finch

Il y a une surveillance globale de l’écriture pour que tout soit concordant, aussi bien les séries que les films ?

Il n’y a pas vraiment de concordance entre les comics et les films, en tout cas. Pour moi, les comics sont plus une sorte de recherche et développement pour de futurs films. Cependant, quand Spider-Man 3 est sorti, dans l’épisode où l’on peut voir son costume noir, je me suis rendu compte que j’avais dessiné son costume...

Dans ma série Batman, publiée bien avant le dernier film, je dessinais Bane. Cependant, c’était mon Bane et pas celui du film (entendons par là le Bane qui brise ses ennemis avec sa force décuplée par ses drogues et non celui qui assomme ses ennemis avec des discours). Je voulais utiliser Bane pour mes histoires, j’ai demandé la permission et, comme le film sortait bientôt, ils m’ont donné le feu vert. Ce n’est pas mon éditeur qui m’a donné l’ordre d’utiliser Bane en vue de la sortie du film, c’était une suggestion de ma part.

Est ce que les films influencent votre style ?

Oui, absolument. Quand je dessinais Ultimate X-Men, les films X-Men sortaient en salles et les effets qu’ils donnaient aux super-pouvoirs étaient tellement superbes que je m’en suis servi ! L’autre évolution a été au niveau du scénario. Avant, c’était juste des scénaristes de BD qui écrivaient les histoires, ils en faisaient leur métier ; maintenant, ce sont des écrivains, des scénaristes pour la télévision ou le cinéma, qui interviennent sur ces comics, ce qui a ajouté de la valeur à notre média, à mon sens. Pour en revenir au cinéma, le fait de voir mes héros s’animer me les rend plus réels.

Vous travaillez actuellement avec Geoff Johns sur Justicle League of America, une équipe formée pour démolir la Justice League au cas où elle tournerait casaque. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il y a Stargirl dans cette équipe, elle en est la figure de proue. Elle a une grande notoriété auprès du public qui est utilisée pour mettre en avant Hawkman dont personne ne sait de quoi il est capable et qui est la brute du groupe. Chaque personnage a été recruté par Amanda Waller et Steve Trevor pour leur faculté à prendre l’avantage sur la Justice League, qui a été choisie comme l’équipe qui officie au grand jour, tandis que la JLA ressemble plus aux Black Ops ou encore à la X-Force.

(C) DC Comics/David Finch

En Septembre, vous serez à l’affiche pour Forever Evil. Sur la couverture du premier numéro, on peut voir certains vilains ambigus comme Catwoman. Qu’en est-il ?

Dans Forever Evil, les antagonistes seront à la fois bons et mauvais. Ils peuvent prendre l’avantage à cause de leur manque d’éthique, chose que les héros bien nés ne peuvent faire. Certains vilains adorent le chaos et feront tout pour le provoquer, tandis que d’autres essaieront de restaurer l’ordre, car la Justice League ne pourra pas les aider pour le faire. Ce qui est vraiment intéressant, c’est que personne ne se fait confiance et, en tant que vilains, ils ne croient personne. Ils travaillent ensemble mais, à chaque instant, ils peuvent se retourner les uns contre les autres. C’est ce qui rend cette histoire amusante.

Propos recueillis pas Antoine Boudet

(C) DC Comics/David Finch

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

(par Antoine Boudet)

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[1Le label de Silvestri créé dans le contexte du groupe Image Comics. NDLR.

 
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