Janis et Jonas vivent en dehors du monde, centrés sur leur relation, sur leurs nombreuses activités, artistiques et littéraires. Leur devise est simple : "Ce que monde fait, ne fais pas." La pandémie qui s’installe n’est donc a priori pas faite pour déranger notre couple.
Sauf qu’un jour, leur chien s’échappe, obligeant Janis et Jonas à "devoir faire du sport", à traverser "cet immense terrain de jeu que ces allées vidées des hommes", ce qui les conduisit à rencontrer Guiseppe, un jeune garçon pour le moins différent et qui a le pouvoir de lévitation. Dès lors, la vie de notre couple va basculer.
On retrouve tout ce qu’on aime particulièrement [1] chez Gabrielle Piquet depuis de nombreuses années, mais au final dans un petit nombre d’ouvrages. Ses personnages sont souvent atypiques et décalés. Que l’on pense aux Enfants de l’envie, fruits de l’union de jeunes françaises et de soldats américains en poste dans les bases militaires, ou bien à Charles Hamilton qui, dans La Mécanique du Sage, avait tout pour être heureux mais ne l’étant pas eut donc recours à un "ermite ornemental".
Autant d’histoires qui se basent d’ailleurs sur des faits historiques réels. [2] Si le style évolue, il garde sa singularité : textes ciselés, trait précis, pas vraiment de cases. La nouveauté, ici, réside dans l’utilisation de couleurs douces.
Les références sont nombreuses, qu’elles soient graphiques (de Sempé à Saul Steinberg en passant par Quino), ou littéraires et notamment Pascal et son célèbre : "Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre", phrase qui a résonné fortement dans la période de pandémie que nous venons de traverser, et qui constitue la toile de fond de cet ouvrage.
Mais ces références parfaitement digérées donnent son ton singulier à l’oeuvre de Piquet, qui pose, ce faisant, de nombreuses questions, sur le couple, son fonctionnement et sur l’art aussi. On n’aura pas forcément de réponse à toutes ces questions et on est même parfois un peu perdu. Mais Piquet, autrice rare et donc précieuse, nous ouvre les horizons, nous donne... de l’air.
(par Philippe LEBAS)
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[1] Et qui a été maintes fois salué sur ce site, mais aussi par le festival d’Angoulême qui a attribué à La Mécanique du sage le Fauve de l’audace en 2021.
[2] Cet ouvrage ne déroge pas à la règle, comme vient le rappeller, à la fin de l’ouvrage, la notice biographique de San Giuseppe da Copertino, franciscain du XVIIe siècle, simple d’esprit célèbre pour ses nombreuses lévitations.
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