Dans la contrée de Gallia, les humains sont frappés d’une terrible affliction : ils ne peuvent plus rêver durant leur sommeil. Pour lutter contre cette malédiction, ils doivent faire appel aux Dreamakers, des sorciers capables de créer les "vagus", de puissants artefacts qui produisent des rêves chez leurs utilisateurs.
Dans le petit village de Condate, à Gallia (on sait depuis Astérix que Condate est le nom latin de Rennes), Kiio est l’un des sales gosses les plus turbulents qu’on ait jamais vu. Toujours à faire les quatre cents coups avec sa bande de copains, il a une ambition : pouvoir un jour avoir assez d’argent pour s’acheter un vagus, et échapper le temps d’un rêve à son quotidien infernal...
Fun et dark : le double effet kiss-cool
Quand on feuillette distraitement DreaMaker en librairie après avoir été interloqué par la (belle) couverture colorée, on peut croire à un petit divertissement plein d’humour et de fantaisie. Mais quand on le lit plus sérieusement, on se prend une vraie claque dans la tronche : oui, le titre est hyper fun et drôle, mais entre ces passages légers, on découvre de vrais morceaux de noirceurs parfois à la limite de l’insoutenable.
L’équilibre que Zilo installé entre ces deux facettes donne au titre une couleur unique, une vraie texture et une profondeur à l’histoire et à ses personnages. Quand on rencontre Akira, Kiio, le grand-père et tous les autres, on croit de prime abord avoir affaire à des archétype standards du manga shonen (ce qui ne serait pas un défaut en soi), mais on leur découvre des aspérités inattendues à mesure qu’on se familiarise avec leurs caractères et leurs backstories.
L’univers mis en place regorge de mystères, c’est d’ailleurs peut-être là le seul défaut qu’on peut trouver à ce tome : vouloir un peu trop en montrer en un seul volume, au risque d’être presque surchargé. Pour y pallier, on préfère donc prendre le temps de lire dans le calme chaque chapitre et de bien intégrer tout ce qui nous est montré, pour ne pas finir largué trois pages plus tard.
Niveau dessins, nous l’avons dit en introduction et c’est mérité : l’autrice est prodigieuse. Elle a fait sienne les codes les plus élémentaires du manga et y a ajouté un traitement du rythme et du découpage typiquement franco-belge. Certaines pages se dévoilent comme de véritables carrousels qu’on peut lire dans tous les sens, complexifiant un poil la lecture de certaines planches mais sans jamais sombrer dans le confus.
Le résultat est proprement bluffant, et témoigne d’une virtuosité qu’on ne s’attend pas à trouver aussi tôt dans la carrière d’un auteur. Ses chara-designs sont très cools et attachants, ils rappellent l’esthétique d’un Final Fantasy et de Dofus. Et l’univers un peu fantastique / magique / steampunk (pensez à une sorte d’Atelier des Sorciers 2.0) tranche pas mal avec les esthétiques et ambiances les plus à la mode en ce moment dans le manga, point bonus pour le dépaysement donc.
En un mot comme en mille, DreaMaker est un excellent titre shonen bouillonnant de passion et d’inventivité, qui surprend même les lecteurs les plus aguerris du genre et saura séduire à peu près tous les lecteurs qui lui donneront une chance. Et c’est aussi une preuve supplémentaire que l’Europe (et surtout la France) est devenue un vivier de mangakas qui n’a pas à rougir face à son grand frère le Japon. Comment on dit cocorico en japonais ? Rendez-vous dans six mois pour la suite, ici on compte les jours...
(par Jaime Bonkowski de Passos)
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DreaMaker - par Zilo - Ki-oon - 07/06/2023 - 7€95.