Le 14 avril 1912 avait lieu le naufrage du célèbre Titanic. Quelques jours plus tard, des navires venus d’Halifax débutaient une vaste opération de récupération des corps des victimes. La capitale de la Nouvelle-Écosse se trouvant le port le plus proche du lieu du naufrage, c’est là que fut coordonnée l’effort de recherche qui permit de ramener 328 corps, inhumés ensuite dans les différents cimetières de la ville.
Cinq ans plus tard Halifax connaît une série de meurtres mystérieux. Quelqu’un a manifestement décidé de supprimer des membres d’équipage du Mackay-Bennett, l’un des navires chargés de récupérer les dépouilles des passagers du Titanic.
Du croque-mort au révérend en passant par le médecin ou l’ embaumeur ; tous sont éliminés au fur et à mesure. Le prochain sur la liste pourrait bien être Roy Collins, un Micmac d’origine indienne, mais pour quelle raison ? Quel lien peut-il y avoir entre le naufrage du célèbre paquebot et cette série d’assassinats ?
Ancien prof d’histoire et fin connaisseur des codes la BD qu’il a contribués à vulgariser [1], Didier Quella-Guyot s’est reconverti depuis quelques années avec bonheur, comme scénariste.
L’ancien directeur de la collection de Cases en classe parvient à travers des scénarios originaux à faire le lien entre ses deux passions grâce à des récits où petite et grande Histoire s’interpénètrent. Après l’exotisme de Papeete 1914, les embruns de Facteur pour femmes des années 1950, publiés chez Bamboo-Grand Angle, il nous transporte aux larges des côtes canadiennes en 1917. Prenant appui sur des faits authentiques -la difficile récupération des victimes du Titanic- il évoque aussi la terrible explosion survenue dans le port d’Halifax. Totalement oublié aujourd’hui, ce drame fut alors considéré comme la catastrophe la plus meurtrière avant Hiroshima et a causé des dégâts considérables.
À travers une intrigue particulièrement bien menée qui présente une galerie de personnages très typés, les auteurs réussissent aussi à restituer une ambiance, et un climat pesant, étrange et fascinant. La dureté du climat et des paysages est parfaitement rendue par la technique graphique de Pascal Regnault. Abandonnant les cernés noirs, le dessinateur a choisi de rythmer son dessin avec une lumière blanche suivant chaque arête ; l’effet de grain et le recours à l’aquarelle aux teintes douces et froides font le reste. Au final, une ambiance de lumière froide se décline sur des variantes de bleu et de gris coloré glacés à l’image de l’atmosphère de ce thriller maritime.
Maquette, reliure, choix du papier font de ce livre un bel objet réalisé avec soin par cette jeune maison d’édition alsacienne. Depuis sa création en 2019, on y privilégie la qualité en se limitant à la publication d’une petite dizaine d’albums par an. Celui-ci se conclut par l’inévitable cahier graphique et un opportun dossier documentaire. On regrette toutefois l’absence d’une courte présentation des auteurs [2] , elle aurait eu toute sa place au terme de ce roman graphique parfaitement réussi.
Voir en ligne : Les éditions Félès
(par Patrice Gentilhomme)
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