Ivo, mécanicien de génie, "naufragé des routes", malade d’un cancer de la gorge, est mort "quelque part au Brésil" en 1989. Pedro, un proche d’Ivo, sans qu’on sache à quel degré, entreprend un long voyage littoral, de Rio à Belem, pour retrouver les traces d’Ivo.
Ce voyage sera fait de nombreuses rencontres que Nicolaï Pinheiro entrecoupe de flashbacks sur la vie d’Ivo et de zooms pleine-page sur les personnes qui ont compté dans sa vie. La narration entrelace habilement les parcours d’Ivo et de Pedro, passant de l’un à l’autre de manière particulièrement fluide.
Ce faisant, un portrait du Brésil se dessine, avec ses très fortes inégalités sociales et spatiales, son aspiration à la modernité, etc...
Road trip, Ivo a mis les voiles est aussi, et peut-être avant tout, un voyage initiatique, dans lequel il faut se laisser aller, en acceptant de ne pas tout comprendre, notamment sur la nature des relations entre les deux protagonistes et sur la raison profonde de la quête de Pedro. Cet ouvrage étant l’adaptation graphique d’un roman de Mauro... Pinheiro, il y a peut-être là une piste.
Plus que le but, c’est le voyage qui compte [1], Pedro ponctue d’ailleurs chaque étape de son trajet qu’il trace sur la carte, d’un dessin permettant de se remémorer (et résumer) les choses marquantes. Ce sont les rencontres qui ont fait Ivo, mais aussi Pedro (et sans doute aussi chacun de nous).
Les couleurs douces, le dessin expressif (dans les visages notamment, ce qui est une des caractéristiques de l’art de Pinheiro depuis ses débuts, de Venise jusqu’à Un avion sans elle , en passant par Lapa la nuit), ajoutent au plaisir de lecture, et en sont même un des ingrédients clés. Alors, il n’y a plus qu’a vous laisser aller...
(par Philippe LEBAS)
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[1] On ne peut s’empêcher de penser à la célèbre phrase de Nicolas Bouvier dans L’usage du monde (1963) : « Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »